Le projet de loi de santé publique vidé de l'alcool

Publié le 13/10/2003
Article réservé aux abonnés
1276510175F_Img144611.jpg

1276510175F_Img144611.jpg

Les députés doivent se prononcer aujourd'hui, par un vote solennel, en faveur du projet de loi sur la politique de santé publique, dont l'examen en première lecture a commencé le 2 octobre et s'est achevé jeudi dernier.

Présenté au Palais-Bourbon deux mois après la canicule meurtrière de l'été, alors qu'il avait été adopté au conseil des ministres du 21 mai, le projet a été enrichi d'un important volet destiné à prévenir et à gérer les situations de crise sanitaire. A cette fin, les missions de l'Institut national de veille sanitaire ont été redéfinies afin qu'il soit en mesure d'anticiper « l'imprévisible et l'inattendu », selon la formule du ministre de la Santé. Il a été décidé, également, que les certificats de décès seront transmis directement à l'INSERM par voie électronique, permettant une alerte en temps réel.

Etatisation

L'autre aspect majeur du texte porte sur l'organisation, nationale et régionale, du système de santé publique : l'objectif du gouvernement est d'affirmer la responsabilité de l'Etat dans ce domaine. Avec la création de groupements régionaux de santé publique, qui auront pour mission de coordonner l'action des différents acteurs, la région est désignée comme le « meilleur niveau » pour mettre en œuvre une telle politique. Ces nouvelles structures ont été le point le plus contesté sur les bancs de l'Assemblée nationale, socialistes et UDF mêlant leurs voix pour dénoncer une « étatisation », alors que les communistes craignent une aggravation des inégalités régionales, que le projet prétend réduire.
L'Institut national du cancer, mesure phare du plan de lutte contre cette maladie, présenté en avril dernier par le président Jacques Chirac, a été moins décrié, même si la gauche a exprimé des craintes quant à l'avenir de l'INSERM, car elle redoute une mise en concurrence des deux instituts.
Seule fausse note pour le gouvernement : le projet a été vidé de toute disposition destinée à renforcer la lutte contre l'alcoolisme, les députés UMP s'y étant opposés. Pas question non plus de retenir une série d'amendements de Jean-Marie Le Guen (PS) visant à lutter contre les abus de sucreries, responsables d'un accroissement des cas d'obésité chez les enfants. Le député de Paris proposait d'interdire les publicités pour les produits jugés trop sucrés dans les émissions télévisées pour la jeunesse. Il suggérait, en outre, de conditionner l'installation de distributeurs automatiques de boissons sucrées dans les écoles à la mise en place d'un système de distribution d'eau gratuite. Bien qu'il considère que « les propositions (sont) bonnes et les intentions louables », le ministre de la Santé les a rejetées, en estimant qu'elles ne relevaient pas du domaine législatif. « Le mieux est de laisser arriver à son terme » le programme national Nutrition Santé, adopté en 1999, a déclaré le ministre, qui a annoncé son intention de le « prolonger » et de l' « ajuster » en 2004. La future législation, qui crée aussi une école des hautes études en santé publique, révise la loi Huriet-Sérusclat de décembre 1998 relative à la protection des personnes qui se prêtent à la recherche biomédicale. Elle soumet l'autorisation de ces recherches à une évaluation, par les comités de protection des personnes, des bénéfices escomptés et des risques courus. Elle comprend, en outre, une batterie de mesures visant à lutter contre le saturnisme. Toutes les parties communes des immeubles bâtis avant 1949 devront être inspectées avant 2010.
Enfin, les députés ont élargi le champ de compétence des sages-femmes, satisfaisant ainsi une revendication de la profession.
Selon le programme officieux de l'ordre du jour du Sénat, le projet de loi sur la santé publique devrait être examiné en première lecture par le Sénat en janvier prochain.

Redéfinitions

• Produits biocides : utilisés pour la désinfection, leur AMM relève du ministère de l'Environnement et non plus de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Cette dernière reste compétente pour l'agrément des appareils et procédés de désinfection.
• Alcool : les mots « précisant que l'abus d'alcool est dangereux pour la santé » sont remplacés par les mots « répondant à des conditions fixées par arrêté des ministres de la Santé et de l'Agriculture ». A cet égard, l'OMS et l'INSERM proposent de communiquer en termes de « consommation faible ». Par ailleurs, un décret en Conseil d'Etat va redéfinir les opérations de mécénat. L'objet est d'interdire à des fabricants d'alcool d'utiliser leur nom, lorsqu'il est celui d'une marque connue, pour faire la promotion d'un de leur produits phares par la publicité organisée à l'occasion du soutien à une manifestation culturelle ou artistique, en particulier quand celle-ci est populaire auprès des jeunes.

Philippe ROY

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7403