Le débat public sur la future ligne à très haute tension (THT) entre la France et l'Espagne à travers les Pyrénées vient de s'achever, après quatre mois de réunions et sans que le moindre consensus n'ait vu le jour entre le maître d'uvre du projet et ses détracteurs.
Depuis le 21 mars, le Réseau de transport d'électricité (RTE) et les collectifs d'opposants à la THT ont confronté leurs arguments en faveur ou contre cette ligne de 400 000 volts qui devrait relier en 2006 Baixas (Pyrénées-Orientales) au nord de la Catalogne espagnole. « Des arguments ont été échangés, mais je ne pense pas que le dialogue ait eu lieu, concède Georges Mercadal, de la Commission nationale de débat publique (CNDP), chargée d'organiser les réunions publiques. Le débat public est une étape qui sert certainement à quelque chose, ce n'est pas l'alpha et l'oméga. » Les experts médicaux, invités par la RTE, le 26 mai dernier, pour donner leur avis sur les éventuels dangers des lignes THT pour la santé des populations, sont toutefois plus que sceptiques sur l'utilité de telles réunions et dénoncent aujourd'hui, dans une lettre adressée au président de la CNDP, « une mascarade ». Les sept radiologues, cancérologues, épidémiologistes et neuropsychiatres qui sont intervenus dans le débat ont en effet estimé que la réunion a tourné « en règlement de compte social, sectaire, irrationnel et stérile ». « Il ne s'agissait pas de débat public mais d'un combat public. A toutes les questions posées par les experts autoproclamés par les associations et tous les opposants, les réponses des scientifiques étaient précédées, accompagnées et conclues dans un tumulte à la limite de la violence », expliquent-ils dans la lettre.
Quantifier le risque
Pour Jean-Pierre Daurès, professeur d'épidémiologie et gynécologue-obstétricien, la discussion, qui s'inscrit dans un registre passionnel, est impossible : « Nous nous sommes trouvés devant un mur d'incompréhension, confie-t-il au "Quotidien". La majorité de l'audience était constituée de membres d'associations opposées aux lignes THT. Devant un public hostile, il devient très difficile de parler d'épidémiologie. Les gens ne veulent pas entendre parler de risque. Quand on me demande de prouver qu'il n'y a pas de risque, je ne peux pas le faire, souligne-t-il, en fustigeant la dérive qui est faite du principe de précaution. A partir du moment où l'on est né, on a des risques de tout avoir avec des probabilités différentes. La statistique n'a jamais su montrer qu'un risque n'existe pas. La seule question qui est posée est la suivante : peut-on quantifier le risque de façon qu'il devienne acceptable par la société ? Une valeur d'un risque n'a pas de sens isolément. C'est acceptable par la société comparativement aux autres risques auxquels elle est soumise. » C'est ce qu'on appelle le bénéfice/risque. Rompu aux débats de ce genre et notamment ceux concernant les téléphones portables, Bernard Veyret, directeur au CNRS du laboratoire de physique des interactions ondes-matières (PIOM), n'a pas été surpris par la teneur du débat. Selon lui, le problème sanitaire n'est au fond qu'un prétexte pour les opposants aux lignes THT. « Leurs arguments scientifiques sont très minces, assure-t-il. Le débat public est un mode de fonctionnement pseudodémocratique, mais on peut espérer qu'il atteigne des gens voulant s'informer. »
La Commission nationale du débat public publiera un bilan d'ici à la fin du mois. Le Réseau de transport d'électricité aura alors trois mois pour proposer à l'Etat un projet tenant compte éventuellement des diverses observations au cours du débat. C'est finalement au gouvernement que reviendra la décision de lancer ou non la construction des lignes THT, après d'autres procédures de concertation.
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