LA CORSE, une île à « échelle humaine », par sa situation à la fois isolée et regroupant de multiples activités agricoles et de chasse, représente une opportunité de recueillir les indicateurs indispensables à un recensement précis et exhaustif des contacts entre ces espèces. Sur le plan de l'Observatoire du vivant, le choix d'une île présente de nombreux avantages. L'observation y est rendue plus aisée par le fait que la population est plus stable, que les médecins libéraux et hospitaliers y sont plus facilement identifiables, et que l'environnement animal et végétal est mieux circonscrit. La Corse, par sa population stable en hiver (260 000 habitants) et élargie chaque été (un million d'habitants), sa place unique en Méditerranée (zone de passage et axe de pénétration d'oiseaux migrateurs du sud vers le nord), et ses infrastructures, constitue un terrain idéal pour la mise en place de ce projet. Elle représente un laboratoire pour l'étude de maladies émergentes complexes (multi-espèces, etc.) et l'identification des variables pertinentes pour la construction de modèles épidémiologiques.
Un contrat Etat-Région et un soutien de l'ANR.
Le projet BioSCOPE, constitué à partir de la plate-forme intégrée du réseau Sentinelles, est soutenu par la collectivité territoriale de Corse, l'université de Corse, l'Inserm, l'Inra, l'université Pierre et Marie Curie, l'Agence nationale de la recherche et l'Institut de veille sanitaire. L'une des composantes du projet que nous décrivons ici est la constitution d'un réseau de médecins généralistes libéraux, volontaires et bénévoles, qui participera au travail de veille sanitaire de la région grâce à de nouveaux outils d'alerte précoce et de prévision épidémiologique. Avec cinquante médecins sentinelles, la Haute-Corse et la Corse du Sud seront les départements les plus couverts (17 %) de France métropolitaine (dont le taux de couverture sentinelle fluctue entre 1 et 3 %). Les médecins corses sélectionnés intégreront le réseau Sentinelles de l'Inserm en assurant une transmission électronique permanente et continue des douze indicateurs surveillés sur l'ensemble du territoire : grippe clinique, diarrhées aiguës, varicelle, zona, oreillons, rougeole, hépatite A et B, sérologie VHC, urétrites masculines, tentatives de suicide, crises d'asthme aiguës, ainsi que les hospitalisations quels qu'en soient les motifs. Cette mission sera étendue à des études ponctuelles portant sur des maladies émergentes à gradient géographique, aux maladies méditerranéennes, au recueil instantané d'autres données de santé publique en partenariat avec la Direction de la solidarité et de la santé et la CIRE (InVS).
Un dispositif d'observation unique en Méditerranée.
Cette observation mettra en œuvre des prélèvements microbiologiques avec un plan d'échantillonnage, comme des prélèvements en vue d'une identification des virus de la grippe réalisée sur la base d'un à trois prélèvements hebdomadaires par écouvillonnage bucco-pharyngé par chaque médecin sentinelle corse et traités par le centre national de référence (CNR Grippe-France Sud) de l'université de Lyon 1 (Pr Bruno Lina) en collaboration avec l'université de Corse. Le dispositif sera étendu à la mise en place d'antennes de veille au niveau des urgences des centres hospitaliers, et des pédiatres de l'île, contribuant à une veille sanitaire locale plus complète. Le dispositif s'engage dans une démarche d'assurance qualité (certification ISO 9001-V2000), partageant les acquis du réseau Sentinelles national. Les équipes d'enseignants-chercheurs impliquées participeront à la formation médicale continue des médecins de l'île, en collaboration avec les organisations locales qui en sont chargées.
Une plate-forme pour la modélisation mathématique des épidémies.
L'originalité du programme tiendra tant à la mise en œuvre de techniques mathématiques ou statistiques très innovantes, qu'en la mise en réseau de données issues de disciplines qui n'avaient pas l'habitude de se rencontrer : des équipes issues des sciences de l'observation de la Terre (par satellite ou de terrain), des épidémiologistes, des virologues, des entomologistes, des vétérinaires.
Ainsi, d'une part, le système d'information en temps réel de BioSCOPE permettra de proposer des prévisions épidémiologiques et contribuera à une prévention et un contrôle plus efficace des pathologies surveillées ; d'autre part, la mise en place de grandes bases de données d'observation du vivant, couplées aux observations de la Terre et de son environnement permettra de mieux comprendre les mécanismes d'émergence et de diffusion des épidémies, notamment en apportant des possibilités de valider les théories sur la dynamique des épidémies.
(1) Inserm, Unité 707, Université Pierre-et-Marie-Curie.
(2) Inserm, Unité 707, Université de Corse Pascal-Paoli.
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