L'INFIRMIÈRE Chantal Chanel, 40 ans, et le Dr Laurence Tramois, 35 ans, habillée de noir le premier jour du procès, sont accusées respectivement «d'empoisonnement» et «de complicité d'empoisonnement» sur une de leurs patientes, Paulette Druais, atteinte d'un cancer du pancréas en phase terminale et hospitalisée à Saint-Astier (« le Quotidien » du 12 mars). Les deux femmes, qui comparaissent libres, vont devoir expliquer leur geste mortel, l'injection de potassium, au jury de la cour d'assises de Dordogne, qui rendra son verdict vendredi. «J'assume l'entière responsabilité et je me reconnais plus en tant qu'auteur de ce qui s'est passé», a tenu à affirmer le Dr Tramois.
Bien qu'elles ne se revendiquent pas comme des militantes de l'euthanasie, les deux accusées ont notamment reçu le soutien appuyé de Marie Humbert et du Dr Frédéric Chaussoy, qui figurent dans la nombreuse assistance. Ils avaient bénéficié d'un non-lieu, en février 2006, après avoir été poursuivis pour avoir donné la mort à Vincent Humbert, le fils de Marie Humbert, tétraplégique après un accident de la route, en 2000, et qui avait émis le souhait de mourir. Avant le début de l'audience, Marie Humbert a participé à une chaîne humaine formée devant le tribunal par plusieurs dizaines de membres du comité de soutien aux deux accusées. «Laurence Tramois et Chantal Chanel ne sont pas des empoisonneuses, estime le Dr Chaussoy devant la cour . Elles n'ont fait que prendre la mesure du dossier et choisi la meilleure des solutions pour le patient.» Trouvant «injuste» qu'elles soient dans le box des accusés, il ajoute : «J'aurais pu être assis sur un même banc si je n'étais pas tombé sur un magistrat qui a pris la mesure de l'humanité du dossier.»
De leur côté, environ 200 opposants à une légalisation de l'euthanasie se sont rassemblés, la veille du procès, place du Trocadéro, à l'appel du Collectif pour une médecine de vie lancé par l'infirmière-écrivain Elisabeth Bourgois. Les manifestants, parmi lesquels beaucoup de personnes âgées, ont voulu montrer «le soutien de tous ceux qui veulent une médecine de qualité qui soigne et qui apaise ceux qui souffrent». Le collectif affirme qu'il a recueilli 12 000 signatures, dont celles de 15 % de soignants, à une pétition lancée depuis plusieurs mois sur son site Internet (medecinedevie.com). La semaine dernière, plus de 2 000 professionnels de santé ont revendiqué dans un manifeste le fait d'avoir aidé des patients à mourir et ont réclamé la dépénalisation de l'euthanasie.
Un élan fraternel.
«Il faut trouver une solution pour nos patients et pour les médecins» confrontés à cette situation, a demandé le Dr Tramois quelques jours avant la tenue du procès sur une chaîne régionale. La généraliste a salué «le courage extraordinaire» et «l'élan fraternel» que constitue à ses yeux la publication du manifeste des soignants.
Le député Jean Leonetti, auteur de la loi sur la fin de vie qui a été votée à l'unanimité en 2005, soit deux ans après les faits qui concernent les accusées, a appelé, quant à lui, à «mieux appliquer» le texte législatif «avant de répondre par une autre loi à la souffrance de nos concitoyens». Selon lui, la loi, qui traduit un équilibre entre l'obstination déraisonnable et l'euthanasie, est «encore insuffisamment connue et quelquefois mal comprise du corps médical lui-même».
Regrettant le manque de moyens dévolus à la fin de vie, le Dr Leonetti formule «trois propositions: doter tous les départements d'une structure de soins palliatifs; former dans les deux ans tous les médecins confrontés à la mort aux pratiques des soins palliatifs et de l'accompagnement des mourants; et créer un observatoire des pratiques de fin de vie pour évaluer la loi».
Pour le député, si l'euthanasie ne doit pas être légalisée, certaines transgressions devraient être opposables aux juges dans le cas de «circonstances compassionnelles».
L'avocat du Dr Tramois, Me Benoît Ducos-Ader, espère d'ailleurs que le «côté humain des jurés» rendra leur honneur aux deux femmes qui assurent qu'elles ont agi par compassion et selon le souhait de leur patiente. Les deux accusées risquent 30 ans de réclusion criminelle. Mais, contrairement à la crainte du président de l'association Faut qu'on s'active, qui redoute «une condamnation pour l'exemple», il y a de fortes chances pour que les deux accusées soient acquittées. C'est en tout cas le verdict qu'attendent le mari et le fils de la défunte, Paulette Druais.
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