« Il reste encore beaucoup de travail autour de l’hépatite C, a confié le professeur Philippe Sogni (Cochin). Les nouveaux traitements ne permettent en aucun cas de considérer qu’elle n’est plus un problème. Le problème reste devant nous, lié aux difficultés d’exhaustivité du dépistage, d’accès aux soins et d’efficacité de la politique de réduction des risques. Dans les prochaines années, une vague de décès va survenir, correspondant aux patients non diagnostiqués et non traités. »
Effet entonnoir
À l’heure actuelle, seule une minorité des personnes infectées entre dans un parcours de soins et bénéficie d’un traitement anti-VHC. Chaque étape depuis le dépistage jusqu’au traitement est vecteur de perte de chance : méconnaissance de l’infection et des raisons motivant un dépistage, complexité du parcours de soins, difficultés sociales gênant la mise en route du traitement… Au final, un véritable « effet entonnoir ».
Les structures d’accueil et d’accompagnement spécialisées dans la prise en charge des personnes précaires ou des migrants ont largement évoqué à la fois les difficultés d’accès à ces sujets et les difficultés de moyens permettant de résoudre les paramètres sociaux incompatibles avec une prise en charge thérapeutique. « Il faut aller au devant d’eux, et avoir une approche transversale qui permette de faire du dépistage un réflexe pour tous les praticiens », a suggéré le docteur Cécile Charlois (CDAG Belleville).
Les tests rapides attendus
Dans les prochaines semaines, l’avis de la HAS sur la place des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) dans le VHC sera rendu. En s’inscrivant dans le paysage, ils faciliteront certainement l’accès au dépistage pour les plus éloignés du soin. « Pourquoi ne pas les rendre disponibles pour les généralistes ? » a proposé Xavier Aknine, généraliste et président de l’ANGREHC*.
Le docteur Karine Lacombe (Hôpital Saint-Antoine) a démontré l’enjeu qu’ils représentent à travers les premières données de l’étude Optiscreen III. Elle comparait l’efficacité des Trod VIH, VHB et VHC par rapport au dépistage classique par méthode ELISA pour des personnes reçues dans un centre Médecins du monde. In fine, 98,8 % des personnes diagnostiquées virémiques après réalisation d’un Trod accédaient à une prise en charge. Elles étaient seulement 62,4 % après un dépistage classique, essentiellement parce que le délai séparant chaque acte favorise la perte de vue des patients.
En médecine générale aussi, l’enjeu est d’élargir le diagnostic : « On est arrivé au bout de la logique du dépistage ciblé, a souligné le professeur Patrick Marcellin (Beaujon). Ceux qui appartiennent aux groupes à risque sont diagnostiqués, et ceux qui ignorent leur maladie n’appartiennent à aucun de ces groupes » : transfusion sanguine ou transplantation d’organe avant 1992, tatouage, piercing, acupuncture, percement des oreilles, soins dentaires, consommation de drogue (injection, sniff, pipe à crack) dans de mauvaises conditions d’hygiène. Le dépistage doit être bien plus systématique.
Accès et parcours de soins
Franck Barbier (Aides) a insisté sur l’incompatibilité entre l’hospitalo-centrisme dans lequel s’inscrit la prise en charge de l’hépatite C et la réalité de beaucoup de patients. Une incompatibilité qui pourrait se majorer avec l’embolisation des services induites par les nouveaux traitements. « Maintenant que les médicaments ne sont plus lourds et mal tolérés, la prise en charge doit être centrée sur les personnes », a estimé Philippe Sogni tout en exprimant son pessimisme : « Les traitements de l’hépatite B permettraient cette transition, mais on voit que le modèle reste toujours très hospitalocentré et que la maladie reste un problème de santé publique. » Aussi, pour le représentant d’Aides, « il aurait fallu accompagner ces molécules d’un plan national stratégique pour redonner à chacun sa place dans le parcours de soins. » Il aurait aussi été utile pour assurer la transition durant laquelle les nouveaux traitements – sofosbuvir et siméprévir – restent sous ATU, et ne sont donc accessibles qu’aux patients sévèrement atteints. Comment expliquer cette limitation à des patients moins avancés et qui attendent beaucoup de ces nouveaux traitements, qui offrent plus de 90 % de guérison ? « Le prix des médicaments explique sans doute que les ATU soient aussi restrictives, a expliqué Marianne L’Hénaff (ARCAT/TRT5). Les voir baisser permettrait certainement d’en élargir les indications. » D’autant que « guérir une hépatite ne veut pas dire guérir les lésions du foie » a rappelé Philippe Sogni. Prendre en charge plus précocement, même avec des molécules onéreuses, permettrait d’améliorer la qualité de vie et le pronostic, avec à terme une baisse indirecte des coûts.
*Association nationale des généralistes pour la recherche et l’étude sur les hépatites chroniques.
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