LA MEDECINE EN 2003
C'est à partir du phénomène de la résonance magnétique nucléaire (RMN) que Paul Lauterbur a mis au point un système permettant d'obtenir des images en deux dimensions de l'intérieur du corps humain. Pour cela, il introduisit des gradients dans le champ magnétique utilisé lors de l'analyse. Peter Mansfield a affiné l'utilisation de ces gradients magnétiques et a établi les modalités du traitement mathématique et de l'analyse par ordinateur des signaux RMN, conduisant à l'obtention des images bidimensionnelles.
Faisant suite au scanner, l'arrivée de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) au début des années 1980 a révolutionné l'imagerie médicale. L'IRM constitue le moyen le plus sûr et le plus précis pour explorer l'intérieur du corps humain. Cette technique se fonde sur l'utilisation d'une méthode de spectroscopie qui permet d'analyser très finement le contenu en eau des organes et des tissus. Non invasive et d'une totale innocuité, cette technique rend possible la visualisation de détails invisibles sur les radiographies standards, à l'échographie ou au scanner.
En cancérologie, l'IRM permet de faire un bilan morphologique précis et peut remplacer le scanner dans bien des indications, notamment en neurologie, avec le diagnostic des tumeurs du système nerveux central (cerveau et moelle épinière). L'IRM est utile au diagnostic, au bilan préthérapeutique et au suivi du malade. Une autre indication de routine très fréquente est l'exploration des lésions tumorales osseuses, qu'elles soient primitives ou secondaires. L'IRM est le seul examen qui permet de visualiser la moelle osseuse. Elle est informative pour la recherche et le bilan des métastases osseuses et des maladies hématologiques (lymphome, myélome).
Il existe d'autres domaines où le scanner est performant, mais où l'on essaie de tirer parti des informations de l'IRM, par exemple pour la caractérisation des petites lésions hépatiques qui sont très souvent bénignes (angiomes, tumeurs). Si le scanner reste valable pour le bilan des métastases, on constate le potentiel de l'IRM pour déterminer si un nodule hépatique est bénin ou malin grâce à l'utilisation de produits de contraste spécifiques. Dans certaines tumeurs ORL, les tumeurs de l'oropharynx ou de la langue, par exemple, l'IRM a remplacé le scanner.
Au-delà de l'imagerie morphologique, il existe de nombreux essais visant à caractériser les tumeurs ou les tissus, même si l'IRM ne saurait remplacer l'histologie. Plusieurs paramètres sont à l'étude : la prise de contraste (en utilisant un sel de gadolinium comme produit de contraste), la diffusion, la perfusion, l'oxygénation, la température. Le principal souci est d'essayer de s'approcher le plus possible de la caractérisation tumorale et de déterminer le comportement de la tumeur sous agents anticancéreux. En outre, il existe des perspectives d'un autre ordre, en couplage avec la spectroscopie, pour réaliser une approche biochimique de la tumeur, comme dans le cancer de la prostate, où l'on essaie de cette manière de repérer les petits foyers cancéreux.
Une révolution en neurologie
L'apparition de l'IRM dans le contexte de la neurologique est qualifiée de révolution par les neurologues et les neurochirurgiens. Cette technique a en effet permis la visualisation de structures jusque-là impossibles à caractériser. Sclérose en plaques, maladies neurodégénératives, épilepsies et bien d'autres domaines ont bénéficié des avancées de l'IRM et de sa technique dérivée l'IRM fonctionnelle. C'est en effet avec l'arrivée de l'IRM que les parties molles du système nerveux central ont pu être visualisées avec une bonne résolution sans artefacts liés à l'os. Deux régions cérébrales ont pu ainsi être analysées avec précision, ce qui était impossible jusqu'alors : la fosse postérieure et le tronc cérébral. Mais l'une des avancées fondamentales qui a aussi permis le développement de l'IRM est venue des techniques dites fonctionnelles apparues dans les années 1990.
« L'IRM fonctionnelle a été décrite pour la première fois par un chercheur japonais, le Dr Ogawa, qui s'aperçut sur un rat décédé en cours d'examen IRM que le niveau de flux sanguin influe sur le signal mesure. C'est de cette façon qu'il a développé une technique d'étude indirecte de l'activité neuronale fondée sur l'analyse des concentrations tissulaires en oxygène (mesure de la désoxyhémoglobine) », explique Jean-Luc Anton, responsable technique du centre d'IRM fonctionnelle de Marseille (partenariat CNRS-INSERM-faculté de médecine). Pour le Pr Francis Brunel, chef de service de neuroradiologie à l'hôpital Necker - Enfants-Malades, Paris), « les programmes de recherche sur la fonctionnalité en IRMf des différentes zones du cerveau ont permis d'imaginer la mise en place d'une collaboration internationale de cartographie du système nerveux central : The Human Brain Mapping, qui propose la mise en commun des résultats obtenus dans les différents centres. Par ailleurs, un gros travail de caractérisation par IRMf des différentes pathologies pouvant être à l'origine des retards mentaux a récemment pu voir le jour ». « L'angiographie par IRM a été la grande évolution des cinq dernières années de l'imagerie vasculaire. Elle a supprimé de façon quasi totale l'artériographie à visée diagnostique. Tous les gestes invasifs réalisés autrefois par cathétérisme, en dehors de la coronarographie, ont diminué de façon très importante. A titre d'exemple, dans notre service, les artériographies à but diagnostique sont passées en cinq ans de 1 500 à 100 ( 200 par an », constate le Pr Francis Joffre, hôpital Rangueil, Toulouse). « Nous explorons de façon quasi non invasive la majorité des territoires vasculaires. »
L'IRM a également de plus en plus d'indications en gastro-entérologie, mais elle reste décevante en pneumologie, en dehors des pathologies vasculaires pulmonaires. Son champ d'intervention devrait néanmoins croître encore dans les prochaines années, à condition que le retard français en matière d'équipements d'imagerie médicale soit enfin rattrapé.
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