Cliniques et maisons de retraite

Le privé s’affranchit des frontières

Publié le 18/10/2010
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Les cliniques investiraient dans le médico-social pour compléter leur offre de SSR et pallier la diminution de la rentabilité de leur activité première. Un procès d’intention, selon les acteurs du secteur qui se défendent tout de go et avancent d’autres arguments.

Une étude publiée par le groupe Xerfi en octobre 2009 sur le repositionnement et les stratégies de diversification des cliniques de soins de suite et de réadaptation (SSR) au sein de la filière de soins pointait l’affaiblissement de la croissance du chiffre d’affaires des cliniques SSR depuis 2005, parallèlement au durcissement de la politique tarifaire. Double phénomène qui pousserait les établissements et les groupes privés à investir dans des structures médico-sociales. Selon Philippe Denormandie, directeur général en charge du développement et de l’offre de services chez Korian, groupe spécialiste de la dépendance, présent à la fois dans le secteur des maisons de retraite et dans celui des SSR, cette analyse est erronée. De son point de vue, chaque secteur d’activités ayant « un modèle économique propre », une stratégie qui consisterait à vouloir compenser le manque à gagner du SSR par des Ehpad ne fonctionnerait pas. Un tel modèle ne serait pas viable.

Une tendance qu’amplifieront les ARS

En revanche, explique Philippe Denormandie, « sur une zone géographique donnée, faire du SSR et de l’Ehpad permet la bonne organisation d’une filière avec continuité des soins. Ça a un vrai sens au regard de la prise en charge des personnes ». Adosser une Ehpad à une clinique SSR et vice versa peut s’inscrire dans une logique de « diversification du risque », mais peut tout aussi bien résulter d’une « logique d’opérateurs locaux », ajoute le délégué général de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), Philippe Burnel. Analyse partagée par Jean-Loup Durousset, président de cette fédération, mais également du groupe pluridisciplinaire Noalys, situé en région Rhône-Alpes, qui, outre des établissements de santé privés, possède notamment une maison de retraite médicalisée en Haute-Savoie (74). Il constate que le phénomène qui consiste pour les groupes de maisons de retraite à investir dans des cliniques SSR ou pour les cliniques de racheter ou d’ouvrir des maisons de retraite est « un courant qui se développe ». Pour lui, plutôt qu’un empiètement du secteur médico-social sur le sanitaire ou même l’inverse, il s’agit plus d’un rapprochement logique des deux secteurs, répondant au mieux aux besoins de prise en charge de la population. La création des agences régionales de santé (ARS) ayant regroupé les compétences sanitaires et médico-sociales devrait d’ailleurs ne faire qu’amplifier la chose, anticipe-t-il. Pour autant, « l’hospitalisation privée n’a pas attendu les ARS pour se positionner. On est nombreux à avoir cette mixité d’activité ».

Plus facile d’ouvrir une maison de retraite

« Le sujet, plaide encore Philippe Denormandie, c’est celui de l’organisation de la filière gériatrique. Ce sont les différents types de réponse qu’un groupe peut apporter dans la palette des soins aux personnes âgées. Si vous n’avez pas toute cette palette, vous avez besoin de pouvoir vous tourner vers d’autres acteurs. » Et c’est le choix du groupe de cliniques privées Capio, qui n’a « pas de velléités à se positionner sur le marché des Ehpad », selon son directeur des activités médicales, François Demesmay. « Notre cœur de métier, c’est la prise en charge médicale. On n’a pas de valeur ajoutée à apporter sur le marché des Ehpad. Nos SSR sont en synergie avec nos structures de court séjour. Mais on ne va pas aller plus loin. » Pas dans un futur proche, en tout cas.

Et puis, ajoute enfin Jean-Loup Durousset, une autre réalité peut expliquer en partie l’intérêt que portent les cliniques aux maisons de retraite : il est plus facile, administrativement parlant, de créer une maison de retraite que d’ouvrir des lits de SSR. Un directeur de clinique qui souhaite investir peut donc le faire plus aisément en se dirigeant vers les Ehpad. De là à considérer que le médico-social pourrait se développer au détriment du sanitaire, il y a un pas que les acteurs du secteur ne franchissent pas.

Sandra Serrepuy

Source : Décision Santé: 268