Halte aux cosmétiques distribués dans les maternités

Le principe de précaution pour les bébés

Publié le 17/09/2008
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LE C2DS, comité pour le développement durable en santé, est né il y a deux ans pour créer une nouvelle approche durable et solidaire des soins. «Faire en sorte de soigner mieux, moins cher, et de préserver la santé des générations à venir», explique Olivier Toma, son président, directeur de la clinique Champeau, à Béziers. La communauté d'idées et de travail qu'il anime regroupe plus de 200 professionnels de santé, acteurs du monde hospitalier, public, privé ou libéral. Neuf groupes de travail sont chargés d'identifier les problématiques et les actions à développer. «C'est ainsi que le groupe prévention et éducation en santé s'est intéressé aux boîtes remplies d'échantillons de produits cosmétiques offertes depuis vingt ans par le personnel soignant à toutes les parturientes à la sortie de la maternité», raconte Olivier Toma. Or ces produits, explique le président de C2DS, contiennent un cocktail de produits chimiques : paraben, EDTA, BHA, PEG, éthers de glycol, bisphénol, dont certains sont classés CMR (produits chimiques cancérogènes et/ou mutagènes et/ou toxiques pour la reproduction) selon la classification européenne. Un cocktail potentiellement toxique qui n'a pas fait la preuve de son innocuité.

La caution des blouses blanches.

«Ces produits sont distribués dans les pharmacies et les établissements hospitaliers. Or, contrairement aux médicaments, ils n'ont pas besoin de prouver leur efficacité. Les affirmations n'engagent donc que la bonne foi du fabricant», juge Olivier Toma. Il reconnaît que la preuve de leur toxicité n'a pas été faite, mais estime que des doutes subsistent. Quelles sont les conséquences de ces doses, même faibles, lorsque les expositions sont répétées et que les molécules sont susceptibles de s'accumuler, s'interroge notamment le C2DS ?

Des travaux scientifiques ont montré un lien entre certaines de ces substances et l'augmentation d'incidence de maladies, telles que les malformations génitales ou certains cancers. «Nous ne sommes pas scientifiques mais, en tant que directeurs d'établissement, nous demandons que le principe de précaution soit appliqué, plus particulièrement chez le nouveau-né plus vulnérable», insiste le directeur de la clinique Champeau. Surtout que «ces produits bénéficient auprès des mères de la caution des blouses blanches», souligne-t-il.

La démarche est appuyée par des personnalités comme le Pr Dominique Belpomme, cancérologue et président de l'association ARTAC, le chimiste toxicologue André Cicollela, membre du conseil scientifique du WWF, le toxicologue André Picot, ancien directeur de l'unité de prévention du risque chimique au CNRS (1998-2000) et président de l'Association toxicologie-chimie (Paris), ou encore du Pr Charles Sultan, chef de service de pédiatrie, unité d'endocrinologie pédiatrique au CHU de Montpellier, président du conseil scientifique et vice-doyen de la faculté de médecine de Montpellier. «Ces produits contiennent des pesticides, des phtalates, des bisphénols, du paraben. Et on les applique dès les premiers jours de vie. Ce n'est pas le fait de les appliquer qui me préoccupe, mais c'est plutôt l'accumulation de ces produits dans le tissu adipeux», souligne-t-il. Un effet cumulatif qui s'ajoute à toutes les contaminations potentielles auxquelles sont exposés les nouveau-nés : foetale – «le bébé naît déjà contaminé, souligne le pédiatre . Dans le méconium, on trouve déjà une trentaine de produits chimiques» –, néonatale, environnementale. «Essayons de les réduire quand cela est possible», poursuit le spécialiste. En effet, il apparaît de plus en plus que les perturbateurs endocriniens «sont capables de modifier l'équilibre estrogène/androgène et de modifier la croissance foetale; en favorisant l'action des PPAR gamma dans les adipocytes, ils sont facteurs d'obésité. Enfin, ils peuvent agir au niveau de l'expression des gènes à travers un mécanisme transgénérationnel. L'observation, publiée dans “Science”, a certes été réalisée chez le rat, mais elle préoccupe le pédiatre que je suis».

Alerter et informer.

Le C2DS affirme avoir alerté l'industrie des cosmétiques mais aussi les autorités de santé, l'AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), l'InVS (Institut national de veille sanitaire) et le ministère de la Santé. Sans attendre l'issue des batailles d'experts, il demande donc l'application du principe de précaution. Et appelle les professionnels de santé «à alerter les mamans sur la toxicité de ces produits, à encourager et nourrir leur sens critique quant aux soins réellement nécessaires et ceux dictés par des packagings alléchants». Pour Olivier Toma, «il ne s'agit en aucune façon d'affoler les mères mais de les informer».

> Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8421