Nicolas Sarkozy sur le terrain à Dunkerque

Le président s'engage à « réduire le malaise de l'hôpital »

Publié le 23/05/2007
Article réservé aux abonnés
1276108329F_Img265306.jpg

1276108329F_Img265306.jpg

DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE

L'ARRIVÉE de Nicolas Sarkozy dans le Nord, mardi, a été vécue comme un petit événement. «Le dernier président de la République à être venu à Dunkerque, c'était François Mitterrand, peu après sa première élection», se rappelle une habitante. C'est dire si le temps a passé. Le choix de Dunkerque ne relève pas du hasard, croient certains. «Le président vient soutenir le candidat UMP aux législatives. L'hôpital n'est qu'un prétexte», lâche une soignante.

Soutien politique ou pas, le nouveau chef d'Etat est attendu d'un instant à l'autre, et l'heure est aux derniers préparatifs. Le staff de sécurité déployé est impressionnant. L'hôpital, prévenu quelques jours plus tôt, est en effervescence. La veille, briefing général : l'accueil doit être impeccable. Une syndicaliste s'en émeut : «Tout a été briqué, le personnel a été rappelé, les équipes sont au complet: Nicolas Sarkozy ne verra pas la réalité.» Sa collègue dénonce des pressions récentes : «On nous a interdit de mettre nos banderoles dans le hall. C'est une atteinte à nos libertés syndicales.»

A cet instant, des voitures aux vitres fumées font irruption. Nicolas Sarkozy en descend, suivi de Roselyne Bachelot, la ministre de la Santé. Les caméras, les blouses blanches, les badauds : tous se précipitent. La cohue est indescriptible. Le cortège présidentiel progresse à pied, direction les urgences. Un photographe émerge du lot, le sourire aux lèvres. Le cliché sera bon : «Jamais vu ça, se jeter ainsi dans la foule! Il n'a peur de rien.»

Le paiement des heures supplémentaires.

Après une halte en salle de déchocage, Nicolas Sarkozy se rend dans les services de néphrologie et d'hémodialyse. Les uns s'avouent «sous le charme», quand d'autres persiflent : «C'est de la parade, tout ça. Les hôpitaux, il n'en a rien à faire.» La visite s'achève par un échange avec une quinzaine de personnels, soignants, directeur, médecins et syndicalistes.

Le président est attendu peu après à Zuydcoote, dans une unité de soins palliatifs. L'horloge tourne, mais Nicolas Sarkozy prend son temps. Il semble vouloir repartir avec la certitude d'avoir été compris. Son message est clair : «Pas question de continuer ainsi. Je m'engage à sortir l'hôpital de son malaise.» A ses côtés, Roselyne Bachelot ne pipe mot : son patron est à l'oeuvre, c'est lui qui fixe le cap. Lui qui définit les priorités. La première d'entre elles sera de payer les heures supplémentaires accumulées, avant même d'en relever le quota. «J'ai fait campagne sur la valeur travail: je ne peux accepter qu'on travaille sans être payé», a lancé Nicolas Sarkozy aux hospitaliers massés dans une petite salle de réunion. Commentaire en aparté d'une aide-soignante : «C'est bien, il a compris les infirmières de l'hôpital de Pontoise, qui, en janvier, lui ont expliqué que son slogan “travailler plus pour gagner plus”, à l'hôpital, n'a pas de sens, vu qu'il n'y a pas d'argent.»

Dans les étages, les réactions vont bon train. «Ce sont les 35heures qui nous ont foutus dedans, on n'avait rien demandé. Je serais prête à revenir aux 39heures», déclare une infirmière. Le chef du service hémodialyse approuve le locataire de l'Elysée : «L'hôpital ne doit pas être un mauvais payeur, sinon ça le décrédibilise», dit le Dr Raymond Azar, conscient toutefois que la question du financement des heures supplémentaires reste entière. A Dunkerque, Nicolas Sarkozy a exhorté Roselyne Bachelot à régler ce problème rapidement. Il lui a également demandé de conduire une grande concertation pour redéfinir les missions de l'hôpital public. «L'hôpital ne peut pas répondre à tout», a insisté le chef de l'Etat, citant le cas de «l'extrême vieillesse». Nouvel acquiescement du Dr Azar : «Ce n'est pas le tout d'embaucher, l'hôpital doit revoir ses missions pour trouver sa place dans le système de soins.»

Autre souhait de Nicolas Sarkozy : mettre un pilote – et un seul – à bord du navire hôpital. Confier à ce pilote des objectifs, lui donner de l'autonomie, et évaluer ses résultats. Car, «au fond, à l'hôpital, il n'y a pas de gouvernement», estime le président, s'en référant à «la rigidité effarante pour obtenir une simple corbeille à papier». La proposition n'a guère fait recette auprès du directeur de l'hôpital dunkerquois, qui confie après coup son scepticisme : «C'est oublier la réforme de la gouvernance hospitalière, qui a à peine commencé, déplore Laurent Castaing. Je crois qu'on ne peut pas écarter les médecins du pilotage des hôpitaux. Si on veut les démoraliser, il n'y a pas mieux.»

D'autres visites dans les hôpitaux.

Un des chefs de pôle de l'hôpital, le Dr Jean-Charles Aisenfarb, cardiologue, ne semble pas inquiet outre mesure : «Nicolas Sarkozy tient un discours réaliste, fidèle à ce qu'il a annoncé. Mais ce n'est pas pour autant qu'il va ouvrir très grand le porte-monnaie pour la santé. A nous de nous réorganiser pour faire des économies.»

Avant de s'en retourner, Nicolas Sarkozy s'est engagé à suivre de près la mue du système hospitalier. «Je vais m'engager très fortement pour répondre au malaise de l'hôpital, aux côtés de la ministre. Et je continuerai à aller dans les hôpitaux.» A ceux tentés de lui reprocher son intention de tout contrôler, il rétorque : «Je ne suis pas ministre de la Santé (…) . Mais je veux être un président engagé. Un président qui ne s'occupe pas seulement des crises internationales.»

A l'hôpital, comme partout ailleurs, Nicolas Sarkozy a un souhait : que les choses bougent. Sa motivation, pour l'heure, semble n'avoir pas de limite. «Je n'hésiterai pas à bousculer certains conservatismes, certains corporatismes», a-t-il d'ailleurs affirmé. Un mot de la fin en forme de mise en garde à destination des syndicats, à qui il demande de préférer l'action à l'immobilisme.

> DELPHINE CHARDON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8171