Pour la première fois, une molécule a montré, grâce à une étude internationale soutenue par la FDA, qu'elle permettait d'améliorer les patients atteints d'amylose AA en inhibant de façon spécifique la formation de fibrilles amyloïdes.
L'AMYLOSE AA est une complication rare, mais gravissime, des pathologies inflammatoires et infectieuses chroniques. La polyarthrite rhumatoïde (PR) constitue la majorité de ces affections, mais l'amylose peut également succéder à d'autres rhumatismes, aux maladies inflammatoires de l'intestin, à la maladie périodique et, plus rarement aujourd'hui, à la tuberculose ou à une ostéomyélite chronique.
Le processus pathologique est dû à la formation de fibrilles amyloïdes insolubles composées de protéine AA, issue de la protéine SAA (Serum Amyloid A) qui est sécrétée par les hépatocytes en réponse à une inflammation. C'est la liaison de la protéine AA à des glycosaminoglycanes, protéines de la matrice extracellulaire, qui induit la formation des fibrilles par polymérisation et leur dépôt dans de nombreux organes : le rein, en premier lieu, mais le tube digestif, le foie, la rate, les surrénales, voire le système nerveux autonome, etc., peuvent aussi être touchés.
Les manifestations cliniques les plus fréquentes sont une protéinurie et/ou une insuffisance rénale (dans 70 à 90 % des cas), l'atteinte des autres sphères pouvant entraîner une diarrhée chronique, une constipation, des hémorragies ou des perforations digestives, une hépatosplénomégalie, etc.
Maladie orpheline (sa prévalence est d'environ 17 000 cas aux Etats-Unis), survenant en moyenne dix ans après l'évolution d'une pathologie inflammatoire chronique, l'amylose a un pronostic très sombre, puisque le taux de survie médiane après le diagnostic est estimé entre deux et dix ans, le décès étant le plus souvent lié à l'insuffisance rénale.
Depuis peu, une firme canadienne, Neurochem, vient d'apporter une lueur d'espoir dans cette maladie, pour laquelle il n'existait à ce jour aucun traitement spécifique.
Les chercheurs de ce jeune laboratoire ont en effet développé, pour la première fois, un médicament antiamyloïde, première molécule d'une nouvelle classe de médicaments. Le 1,3 propanedisulfonate (Fibrillex) agit par compétition avec les glycoaminoglycanes, empêchant ces dernières de se fixer sur la protéine AA et, ainsi, de se polymériser.
Afin de démontrer l'efficacité de cette molécule, Neurochem a mis en place la plus vaste étude clinique jamais menée dans l'amylose. Cet essai randomisé, en double aveugle contre placebo, d'une durée de deux ans, a inclus 183 patients provenant de vingt-sept centres investigateurs de treize pays différents, dont la France.
Point notable, la FDA a versé une subvention de 1,4 million de dollars canadiens pour aider à la réalisation de cet essai avec Fibrillex, médicament qu'elle a voulu faire bénéficier d'une procédure d'évaluation accélérée.
Les malades inclus avaient tous une amylose AA confirmée histologiquement (par coloration rouge Congo et immunohistochimie) et une atteinte rénale : protéinurie > 1 g/24 h ou clairance de la créatinine < 60 ml/min. En cas d'insuffisance rénale, la clairance de la créatinine devait cependant être supérieure à 20 ml/min et la créatininémie, inférieure à 265 micromol/l.
Dans la grande majorité des cas, il s'agissait de patients atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques, au premier rang desquels la polyarthrite rhumatoïde (49 %), suivie de la maladie périodique (20 %).
Ces malades étaient pour la plupart sévèrement atteints : plus du tiers étaient sous immunosuppresseurs, plus des deux tiers recevaient des corticoïdes et plus de 10 %, des anti-TNF ; leur créatininémie moyenne était supérieure à 105 micromol/l et leur clairance de la créatinine, comprise entre 70 et 80 ml/min.
En l'absence d'antécédents de suivi prospectif dans l'amylose, les investigateurs ont dû élaborer un critère composite afin de pouvoir comparer le 1,3 propanedisulfonate au placebo. Les malades étaient considérés comme aggravés si la clairance de la créatinine diminuait d'au moins 50 %, ou si la créatininémie doublait, ou si l'atteinte rénale évoluait vers la dialyse, ou encore si le patient décédait au cours de l'étude.
L'amélioration a été définie par une augmentation d'au moins 50 % de la clairance de la créatinine et l'absence de critères d'aggravation. Les autres patients étaient considérés comme stabilisés.
Une diminution de 42 % du risque de détérioration rénale ou de décès a ainsi été constatée sous Fibrillex (p = 0,025), avec un pourcentage de malades stabilisés ou améliorés de 73 %, contre 59,6 % sous placebo. A contrario, la proportion de patients aggravés a été de 27 % avec le médicament versus 44,4 % avec le placebo. Le bénéfice du traitement est apparu à partir du quatrième mois de traitement.
Les résultats obtenus avec les critères secondaires allaient également dans le même sens, avec une diminution annuelle de la clairance de la créatinine de 10,9 ml/min/1,73 m<+>2<+> dans le groupe 1,3 propanedisulfonate, contre 15,6 dans le groupe placebo, « un différentiel cliniquement important », souligne le Dr Xavier Puéchal, du centre hospitalier du Mans, l'un des trois centres français participant à l'essai, qui ajoute que « le médicament a également retardé la survenue d'une baisse de 50 % de la clairance de la créatinine de 4,4 mois, de même qu'elle a retardé la progression vers la dialyse de 5,3 mois en moyenne ».
Les résultats du suivi en ouvert des patients effectué après la fin de l'essai ont également permis de confirmer la stabilité des résultats obtenus.
Quant aux effets secondaires, ils n'ont pas été plus fréquents que sous placebo, témoignant d'une tolérance apparemment excellente.
« Il s'agit là de résultats très importants, puisque c'est la première fois qu'une molécule exerce un effet efficace dans l'amylose par le biais d'une inhibition spécifique de la formation de fibrilles amyloïdes », conclut le Dr Xavier Puéchal.
D'après un entretien avec le Dr Xavier Puéchal, rhumatologue au centre hospitalier du Mans.
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