Albert Alexander restera dans l’histoire de la médecine comme le premier homme à avoir reçu de la pénicilline. Cette injection était l’opération de la dernière chance pour ce policier originaire d’Oxford qui en taillant ses rosiers quelques semaines plus tôt s’était coupé le visage avec une épine. Rapidement, les staphylocoques et les streptocoques avaient envahi la plaie.
Transporté à l’hôpital Radcliffe d’Oxford, on le traita aux sulfamides, seule substance antibactérienne alors à la disposition des médecins. Sans succès… Pour contrer les progrès fulgurants de l’infection –Alexander a dû être énucléé – une ultime possibilité restait aux médecins : tester la pénicilline découverte le 3 septembre 1928 par Alexander Fleming dans son laboratoire du Saint Mary’s Hospital de Londres.
Une découverte inattendue
Ce jour-là, rentré de quelques semaines de vacances, Fleming avait constaté que les boîtes de Petri dans lesquelles il faisait des cultures de staphylocoques étaient envahies de curieuses colonies cotonneuses de couleur blanc verdâtre. Le médecin trouva rapidement le coupable, un champignon microscopique, le Penicillium notatum, dont se servait son voisin de paillasse pour ses propres expériences.
Pestant contre cette invasion, Fleming allait se débarrasser de ses boîtes de Petri quand il se rendit compte qu’autour de ses colonies de P. notatum, le staphylocoque ne poussait pas. Il en déduisit aussitôt qu’une substance sécrétée par le champignon était le responsable de cet état de fait et il lui donne le nom de pénicilline.
Pourtant Fleming ne donna pas plus d’importance que cela à sa découverte, croyant qu’il serait impossible de produire de grandes quantités de pénicilline et, surtout, sous forme stable pour rester efficace après toute injection. Et, hormis comme désinfectant extérieur, il ne voyait pas d’utilisation pour la pénicilline…
Il fallut attendre 1936 pour qu’un professeur de pathologie de l’université d’Oxford, Howard Walter Florey comprenne l’intérêt de la pénicilline pour la santé humaine comme le luia suggéré son assistant, Ernest Boris Chain, un biochimiste allemand qui a fui le nazisme.
Ils entreprirent donc de purifier la pénicilline pour en tirer la quintessence chez l’homme et en mars 1940, ils réussirent à en produire mais en quantité ridicule : 100 milligrammes !. Deux mois plus tard, en mai 1940, Florey commença ses expérimentations sur huit souris, leur injectant une dose létale de streptocoques. Toutes allaient survivre. Dans la foulée, ils publièrent les résultats de leurs études dans le Lancet du 24 août 1940, mais en pleine guerre et alors que Londres devait faire au blitz, leur article passa totalement inaperçu… Sauf des médecins de l’hôpital Radcliffe qui virent là la seule chance de sauver Albert Alexander. Florey et Chain, contactés, acceptèrent donc de tester la pénicilline sur lui, même s’il disposait d’un stock très minime de l’antibiotique. Ils calculèrent qu’ils avaient de quoi faire quatre injections. Et à condition de récupérer dans l’urine du malade la pénicilline évacuée après chaque injection.
Un échec prometteur
Le 12 février 1941, Alexander reçut une première injection de 160 mg de pénicilline et dès le lendemain, une amélioration notable fut notée. L’espoir renaissait et trois autres injections pratiquées. Malheureusement, après la quatrième injection, l’infection était toujours là et l’état du patient ne fit dès lors que se dégrader. Albert Alexander devait décéder un mois plus tard le 15 mars…
Cet échec était pourtant porteur d’immenses espoirs et le Pr Florey poursuivit ses travaux sur les enfants dont la constitution nécessite une moindre dose de pénicilline. Et quelques mois plus tard, il réussit à guérir, grâce à la pénicilline, un adolescent de quinze ans qui souffrait d’une suppuration du col du fémur.
Après avoir émigré aux Etats-Unis, Florey continua tant et plus ses recherches pour parvenir à produire de la pénicilline en quantité importante. Peine perdue jusqu’au jour où une femme apporta dans son laboratoire un melon recouvert d’une moisissure étrange qui sera identifiée sous le nom de Penicillium chrysogenum. Et, miracle, elle produit 200 fois plus de pénicilline que P. notatum utilisé jusque-là.
La pénicilline pouvait dès lors être produite en quantité industrielle, les laboratoires Sqibb, Merck et Pfizer étant pionniers en la matière.
Anobli en 1945, Fleming reçut conjointement avec Florey et Chain le Prix Nobel de médecine en 1945.
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