Xavier Bertrand reprend la main sur un sujet sensible

Le premier classement officiel des hôpitaux en novembre

Publié le 09/10/2005
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« CHACUN a envie de savoir quelle est la qualité de la structure hospitalière où il se rend », a lancé le Pr Bernard Guiraud-Chaumeil, membre du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), en préambule d'une table ronde consacrée au classement des établissements hospitaliers, lors du congrès de la Fédération internationale des hôpitaux (FIH), le mois dernier à Nice.
En effet. Mais pour s'y retrouver, en France, il n'y a guère d'autre solution que le bouche-à-oreille et les conseils du médecin traitant. Certes, les comptes rendus d'accréditation des établissements sont consultables en ligne, mais leur lecture est fastidieuse. Les usagers peuvent aussi se référer aux palmarès établis par certains magazines, mais les indicateurs retenus ne sont pas toujours pertinents, et la fiabilité scientifique de ces hit-parades reste à démontrer. L'heure n'est pas encore à la totale transparence en France.

En Grande-Bretagne, tous classés.
« Nous nous posons beaucoup de questions sur ce sujet, alors que, dans les pays anglo-saxons, les initiatives de classement sont nombreuses », constate le Dr Etienne Minvielle, chercheur à l'Inserm.
En Grande-Bretagne, le service national de santé - National Health System, NHS - publie régulièrement le classement de ses hôpitaux sur Internet. L'évaluation des résultats est omniprésente. Les praticiens n'y échappent pas, même à titre individuel. Le nouveau contrat qui lie les GPs ( general practitioners - médecins généralistes) au NHS prévoit l'évaluation sur la base de dizaines d'indicateurs, allant du délai d'attente pour un rendez-vous, au taux de rechute pour telle ou telle affection. Une incitation financière à la qualité est en place : les bons élèves touchent une prime représentant une part importante de leur rémunération.
Un directeur de recherche britannique, Roger Taylor, est intervenu à la table ronde de la FIH pour présenter le site Web qu'il a cofondé, Dr Foster (www.drfoster.co.uk). Cet organisme publie des données comparatives de performance et établit des classements, notamment sur les listes d'attente, parfois très longues outre-Manche. Le grand public consulte beaucoup ce site pour se repérer au sein du NHS. Une autre expérience a été présentée : celle qui est menée depuis 1998 à Toronto, au Canada, où une association indépendante fondée par le ministère de la Santé se charge de mesurer les performances des hôpitaux de la ville. Le public apprécie la transparence de l'opération.

Les mal notés poussés à se remettre en cause.
Retour en France. Pourquoi ce retard ? « Le sujet est sensible », admet le chercheur Etienne Minvielle. Une étude nationale est menée depuis 2003 pour développer des indicateurs de qualité - il s'agit du projet Compaqh (coordination pour la mesure de la performance et l'amélioration de la qualité hospitalière).
Outre le choix des indicateurs, la question de la méthode fait débat. Faut-il classer du premier au dernier, ou attribuer une note aux établissements ? Cela a-t-il un sens de mélanger tous les indicateurs, comme le temps d'attente aux urgences, la lutte contre les infections nosocomiales, les taux de guérison, et d'autres critères encore, pour obtenir un classement général sur la qualité des soins ? Faut-il évaluer les structures, les praticiens ? Ou les deux ? Comment récompenser la qualité ? Certaines de ces questions restent sans réponse.
Mais devinant l'urgence à communiquer sur ce sujet, le ministère de la Santé maintient le cap fixé sous Jean-François Mattei : à la fin du mois de novembre 2005, comme prévu, il publiera son premier classement officiel des hôpitaux. Sur la base d'un unique indicateur, relatif au plan de lutte contre les infections nosocomiales.
« C'est une excellente chose », se réjouit Alain-Michel Ceretti, interrogé par « le Quotidien ». Le président du Lien (association de lutte, d'information et d'étude des infections nosocomiales) s'explique : « C'est important que le principe du classement soit acquis politiquement, de même que la notion de transparence, précise-t-il. On commence par le nosocomial, on va voir ce que ça va donner. On ne sait pas bien quel sera l'impact sur le choix des usagers. En revanche, l'impact sur les professionnels sera très important : un établissement mal noté sera sûrement amené à se remettre en cause. »
Dans les prochaines années, d'autres classements ministériels suivront, qui prendront en compte d'autres aspects de la vie hospitalière. C'est du moins la promesse du gouvernement.

Ne pas abandonner le sujet aux médias.
A l'inverse des autorités, les professionnels de santé « sont beaucoup plus prudents et réservés », a noté Etienne Minvielle, de l'Inserm, au congrès de la FIH. « Peureux », a carrément estimé un représentant des usagers au CHU de Lille, très remonté contre la lenteur des pouvoirs publics sur le dossier : « Cela fait dix ans que les usagers attendent ces résultats ; ils sauront très bien gérer ces informations, ne les prenons pas pour plus bêtes qu'ils ne sont. Le médecin traitant fait lui-même son classement. Ne serait-il pas mieux d'avoir un classement officiel une bonne fois pour toutes ? »
Au sein de la communauté médicale, le sujet ne laisse pas indifférent. Le Pr Thomas Tursz, éminent cancérologue, accepte de jouer le jeu. Mais il pose cette question : y a-t-il un lien entre la qualité et le devenir clinique des patients ? Aucune étude ne le démontre vraiment. Egalement présent au congrès à Nice, le Pr Yves de Prost, président de la CME de l'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), a jugé « important de ne pas laisser le sujet aux médias ». Mais il avoue être « complètement perdu ». « Qui doit établir ces classements, le ministère, la Haute Autorité, les ARH, le groupe Compaqh ? Et quand, à quelle périodicité, et avec quelle relation avec la certification des établissements ? »
Cette dernière question est fondamentale, pour le Pr Bernard Guiraud-Chaumeil, de l'HAS. « Actuellement, il n'y a aucun lien entre la qualité et les budgets des établissements », constate-t-il. Le ministère de la Santé dévoilera peut-être ses intentions au mois de novembre, à l'occasion de la présentation de son classement.

AGF oriente déjà ses assurés vers les meilleurs services

Depuis la mi-septembre, le groupe AGF offre un service téléphonique « exclusif » à ses assurés sous contrat individuel ou collectif afin de les renseigner sur les meilleurs hôpitaux et cliniques en fonction de la spécialité médicale requise et de la proximité par rapport au domicile des patients.
Ainsi, les quelque 3,5 millions d'assurés sous contrat AGF « ne se contentent plus du ouï-dire » pour choisir un établissement de santé, explique Gilles Johanet, chargé des activités santé et collectives des AGF. Ce service, baptisé « AGF info hospitalisation », repose sur un partenariat entre l'assureur et l'hebdomadaire « le Point », qui publie chaque année un classement des 50 meilleurs services dans 32 domaines.
Chaque assuré d'AGF santé et d'AGF collectives peut appeler le service du lundi au samedi, de 9 heures à 19 heures, pour connaître « les trois meilleurs services hospitaliers » les plus proches de chez lui en fonction de sa pathologie. AGF info hospitalisation aide aussi les assurés à choisir entre hôpital et clinique ( « possibilité de chambre particulière, dépassement d'honoraires... ») et fournit notamment « des informations pratiques sur les conditions de l'intervention (durée d'intervention et d'hospitalisation, suites et conséquences pratiques...) ».
A partir de 2006, ce service téléphonique devrait proposer des informations complémentaires : nom des médecins, autres spécialités médicales et indications de confort sur les établissements sélectionnés.
A. B.

> DELPHINE CHARDON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7818