SUR LES 11 907 Français en attente de greffe en 2005, seulement 4 240 ont pu bénéficier d'une transplantation d'organe au cours de l'année. Près de 300 malades sont décédés au cours de la période d'attente. Afin d'augmenter le nombre des organes disponibles, l'Agence de biomédecine, se fondant sur l'expérience encourageante de plusieurs pays étrangers (Belgique, Hollande, Royaume-Uni, Espagne, Japon), a estimé que les personnes décédées de mort encéphalique, après arrêt cardiaque persistant, pouvaient désormais être donneurs d'organes.
Pour préciser l'intérêt de cette approche, l'agence a mis en place un protocole de prélèvement qui a été soumis pour information au groupe de travail sur la transplantation d'organes de l'Académie de médecine. Le Pr Christian Cabrol, président du groupe, a rendu publiques les principales conclusions sous la forme de réponses à cinq grandes questions posées par l'application de ce protocole.
Le respect des protocoles.
A la première question, «la loi permet-elle de tels prélèvements?», les experts ont souligné que, jusqu'à 2005, seuls les prélèvements sur des personnes en mort encéphalique à hémodynamique conservée pouvaient être pratiqués. Le décret 2005-949 du 2 août 2005 autorise désormais les prélèvements d'organes et de tissus «sur une personne décédée présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant. Ces prélèvements sont réalisés dans le respect de protocoles édictés par l'Agence de biomédecine».
La deuxième question avait pour objet de préciser les organes susceptibles d'être prélevés. Les experts expliquent que les expériences étrangères ont porté sur les reins, le foie et les poumons, mais qu'en France l'arrêté d'août 2005 précise que «les organes qui peuvent être prélevés sur une personne décédée présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant sont le rein et le foie». L'Agence de biomédecine a décidé, dans le cadre de la faisabilité et compte tenu des données internationales, de n'envisager dans un premier temps que les prélèvements de reins.
«Qui seront les donneurs éventuels?», se sont ensuite demandé les experts. Il s'agit des victimes d'accidents, d'anoxie, de suicide, d'hémorragie cérébrale, en arrêt cardiaque irréversible. Trois des quatre catégories de donneurs définies au congrès de Maastricht en 2005 sont concernées : celles qui ont présenté un arrêt cardiaque constaté en dehors de tout secours médical ou paramédical et étant immédiatement ou secondairement irréversible ; celles qui ont présenté un arrêt cardiaque en présence des secours et dont la réanimation après massage cardiaque et réanimation artificielle a été vouée à l'échec ; celles, enfin, qui ont présenté un arrêt cardiaque irréversible survenant au cours d'un état de mort encéphalique primitive pendant sa prise en charge en réanimation. Les sujets en arrêt cardiaque irréversible survenu après programmation des soins ont été exclus afin d'éviter toute confusion entre une décision d'arrêt des soins et l'intention d'un prélèvement d'organe.
Réfrigération et lavage.
La quatrième question concernait les modalités de prélèvements. La préservation des organes repose soit sur une réfrigération et un lavage insitu des reins à l'aide d'une sonde artérielle, introduite dans l'aorte par l'artère fémorale, soit sur une reperfusion et une réoxygénation des reins par une circulation extracorporelle normothermique. Outre la recherche des proches et la consultation du registre national de refus doivent être effectués un bilan médical du donneur et la recherche, chez lui, des contre-indications générales ou spécifiques du prélèvement à coeur arrêté (âge inférieur à 18 ans ou à plus de 55 ans, maladie rénale, hypertension artérielle ou diabète même traités, cancer ou infections transmissibles). Si la famille accepte le don, qu'il n'existe pas de contre-indication et que le délai est compatible, le prélèvement est réalisé. Les reins sont mis dans une machine à perfusion pulsatile continue permettant l'évaluation des organes et l'amélioration de la qualité des reins. Les receveurs doivent être âgés de moins de 60 ans et être non immunisés. Enfin, si les critères de viabilité des reins en perfusion sur la machine sont satisfaisants, la greffe doit être réalisée en urgence à toute heure du jour ou de la nuit pour obtenir la durée d'ischémie froide la plus courte (moins de 15 heures).
La dernière interrogation concernait les centres hospitaliers dans lesquels ce type de prélèvements peut être réalisé. Actuellement, 9 centres français pilotes ont été choisis et, parmi eux, seul le CHU de Lyon a réuni l'ensemble des conditions nécessaires à la mise en place de cette activité au cours du deuxième semestre 2006.
Les experts concluent que «les résultats de la greffe rénale réalisée à partir de greffons prélevés sur des donneurs à coeur arrêté sont désormais comparables à ceux de la greffe rénale à partir de donneurs en mort encéphalique et à coeur battant, grâce à une sélection plus stricte des donneurs et des receveurs, ainsi qu'à plusieurs innovations thérapeutiques importantes telles que la machine à masser, la circulation extracorporelle normothermique et surtout la machine à perfuser les reins».
Rapport du groupe de travail sur les transplantations d'organes présidé par le Pr Christian Cabrol.
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