L A paracentèse est-elle tombée en désuétude ? C'est bien le sentiment des médecins libéraux qui constatent adresser de moins en moins d'enfants chez leur correspondant ORL, pour une demande d'évacuation de la collection purulente. Confirmation du côté des spécialistes, qui, eux aussi, ont de moins en moins souvent recours à la lancette.
Pourtant le geste est encore pratiqué. Il n'a gardé, comme le formule le Dr Martine François (hôpital Robert-Debré, Paris), qu'une indication : le prélèvement bactérien, en l'absence d'écoulement spontané au cours d'une otite moyenne aiguë. L'efficacité des antibiothérapies utilisées actuellement est telle que la guérison est obtenue dans la grande majorité des cas. Cependant, il arrive que l'infection résiste au traitement. Et le prélèvement, à but d'identification du germe responsable, devient une nécessité. Dans 70 % des cas, il s'agit d'un pneumocoque à sensibilité réduite à la pénicilline.
Dès le geste réalisé, le jeune patient est mis sous amoxicilline à forte dose (150 mg/kg/j). Il doit être revu au bout de 48 heures. Le traitement peut alors être adapté en fonction de l'évolution ou du germe retrouvé sur le prélèvement.
Une tentative d'analgésie
Si la technique du geste en lui-même n'a pas varié au fil des ans (voir encadré), elle est complétée d'une tentative d'analgésie. La paracentèse, faut-il le rappeler, est douloureuse. La perforation du tympan s'accompagne d'une douleur intense et aiguë.
Il n'existe pas, à l'heure actuelle, d'antalgie per os reconnue. Le paracétamol préventivement n'a pas fait montre de son efficacité. Son association à la codéine, actuellement en cours d'évaluation, semble supérieure.
D'autres alternatives sont proposées, dont aucune pour l'instant ne fait consensus.
Les moins invasives font appel à des anesthésies locales. Aux Etats-Unis sont proposés des tampons imbibés de lidocaïne. Leur efficacité est apparemment limitée. Une autre méthode plus sophistiquée, l'iontophorèse consiste à remplir le conduit auditif de ce même anesthésique, puis à l'aide d'une électrode d'y faire passer un courant électrique de faible intensité, qui en potentialise l'effet. Si cette seconde technique est plus efficace que la première, elle a comme inconvénient d'obliger l'enfant à rester couché sur le côté.
Des essais ont été menés avec de la crème Emla dans le conduit auditif. L'effet anesthésique est obtenu après une heure. Il faut ensuite aspirer la crème. L'écueil de cette méthode est donc technique, limitant son usage en libéral.
Modifier le souvenir de la douleur
D'autres équipes ont proposé la MEOPA (pour mélange équimoléculaire d'oxygène et de protoxyde d'azote). Il n'y a pas d'anesthésie ou d'analgésie au sens propre des termes. L'inhalation du mélange gazeux modifie le souvenir de la douleur. La limite est, ici, la nécessaire collaboration de l'enfant, qui doit participer à un échange verbal. Son utilisation est donc difficile avant l'âge de 4 ans.
Reste l'anesthésie générale. Deux limites considérables apparaissent d'emblée. La première est celle du risque anesthésique. Peut-on justifier de prendre un risque vital, si minime soit-il, pour une paracentèse ? Le second est la lourdeur logistique : bloc, anesthésiste, patient à jeun.
Ainsi pour obtenir une antalgie efficace, la présence d'au moins une tierce personne semble indispensable. Une situation souvent incompatible avec l'exercice libéral.
Tous ces essais alors que la paracentèse se pratique de moins en moins ont une double raison. En premier lieu, l'apparition récente de ces méthodes d'antalgie, et donc des tentatives sur un geste douloureux. En second lieu, l'intérêt du patient, dont le vécu de la paracentèse est meilleur, et celui du médecin, qui ne reverra pas en consultation un enfant apeuré et récalcitrant.
D'après un entretien avec le Dr Martine François, ORL, praticien hospitalier, hôpital pédiatrique Robert-Debré (Paris).
Une technique immuable
Hormis les essais d'anesthésie locale, la ponction du tympan n'a pas varié au cours du temps. Il est inutile de pratiquer une asepsie du conduit auditif, car le pus sous tension gicle à travers l'orifice. La lancette en revanche doit être stérile (ou à usage unique). La paracentèse est réalisée en zone de bombement maximal, en évitant le secteur des osselets. Le pus est recueilli sur un écouvillon stérile très fin ou aspiré au moyen d'une sonde stérile ou d'un cathlon. Si le volume est suffisant, le pus est transvasé dans un flacon stérile ; si insuffisant, le cathlon peut être coupé et adressé au laboratoire. Enfin, en France, la recherche d'anaérobies n'est pas demandée.
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