Duel de mandarins à Lyon

Le Pr Touraine (PS) défie une nouvelle fois le Pr Dubernard (UMP)

Publié le 28/05/2007
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

Le DUEL ENTRE les Prs Jean-Michel Dubernard et Jean-Louis Touraine, lors des élections législatives de juin, sera le deuxième du genre.

Après la dissolution de l'Assemblée nationale en 1997, le Pr Touraine avait déjà tenté, sans succès, de faire basculer la troisième circonscription dans le giron de la gauche, alors que, historiquement, elle est marquée à droite. Toutefois, en l'espace de dix ans, la population de ce territoire a rajeuni et augmenté. Le PS en conçoit l'espoir d'un vote plus favorable, même si, selon les observateurs politiques, l'avantage devrait rester à droite. Mais c'est peut-être sans compter avec l'ancien ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, Azouz Begag, qui se présente également dans cette circonscription.

Candidat du tout nouveau Mouvement Démocrate (Modem) de François Bayrou, il a des chances de séduire une partie du quartier de « La Guillotière » d'où il est originaire. Autant dire que, pour Jean-Michel Dubernard, député de cette circonscription depuis 1988 et donné favori, il n'est plus question d'abandonner la partie, comme il l'avait un moment envisagé, en cédant la place à sa suppléante Laure Dagorne. A 66 ans, ce chiraquien dans l'âme, qui a soutenu la candidature avortée de Michèle Alliot-Marie avant de se rallier à Nicolas Sarkozy, a satisfait ses ambitions de médecin mais pas celle d'homme politique. En outre, l'élection municipale de 2008 reste en filigrane de ce scrutin. Au sein de l'UMP, tout est désormais mis en oeuvre pour que Dominique Perben, candidat désigné, gagne la mairie de Lyon.

Réformer l'hôpital.

Pour l'heure, les regards se portent sur ce duel entre deux grandes figures de la médecine lyonnaise, Jean-Michel Dubernard et Jean-Louis Touraine, finalement pas tellement différents, puisque tous deux ont consacré l'exercice de leur art à la transplantation, au sein du même établissement, l'hôpital Edouard-Herriot, et dans des pavillons contigus. Mais la comparaison s'arrête là. Jean-Louis Touraine, bientôt 62 ans, n'a pas accompli le trajet politique de son confrère Dubernard.

Conseiller municipal dès 1989, puis maire du 8e arrondissement de Lyon en 1995 et aujourd'hui premier adjoint au maire de Lyon depuis le scrutin de 2001, il a de nouvelles ambitions.

«Sur le terrain, les gens ont des préoccupations de quartier, comme l'emploi, la tranquillité, le cadre de vie. Ma campagne est donc axée sur ces points, leurs préoccupations quotidiennes seront ma priorité», dit-il. Le Pr Dubernard, qui occupe la place depuis 1988, estime avoir rempli sa mission de représentant. Au point de se rebeller lorsqu'on lui demande ce qu'il compte faire de plus qu'il n'a déjà fait depuis : «Vous n'avez qu'à dire que je suis lent et qu'en 19 ans je n'ai rien eu à faire», s'indigne-t-il. Puis de revenir à des propos plus sereins : «Je suis quand même le cinquième député le plus présent à l'assemblée! Je me suis occupé de santé publique, de l'assurance-maladie, de recherche et je pense qu'il y a encore beaucoup à faire.»

A commencer par l'hôpital public. «Dans le domaine de l'assurance-maladie, par exemple, vous vous apercevrez avec stupéfaction que la réforme ne concerne que la médecine de ville, et que les réformes prudentes, modérées et liminales –si je puis utiliser le terme– au niveau hospitalier, sont passées par ordonnances. J'étais rapporteur et j'ai une petite idée des lobbies qui sont intervenus pour que l'hôpital reste en dehors. Nous devons donc remettre le malade au coeur de l'organisation hospitalière», poursuit Jean-Michel Dubernard.

Côté PS, la position diffère, puisque l'important serait plutôt de «placer l'hôpital public au coeur du dispositif, afin d'assurer à tous l'égalité d'accès aux soins», dit Jean-Louis Touraine. Une occasion pour lui de régler quelques comptes avec son concurrent auquel il reproche son inertie face aux difficultés financières que rencontrent les Hospices civils de Lyon : «L'ancien ministre de la Santé, Xavier Bertrand, dit-il, avait promis d'aider le CHU,mais les engagements se sont révélés lents et incomplets. Or je trouve dommage que le député qui présidait la commission des affaires sociales n'ait pas servi, non pas la cause du maire de Lyon, mais celle des hôpitaux. En tant que député, je me serai honoré à faire cela.» Et il exprime le même sentiment au sujet de «l'écoute des personnels hospitaliers» qui, selon lui, seraient «catastrophiquement démotivés».

«La perte d'espoir de ces personnels est forte, insiste le Pr Touraine, ce que les élus de droite se refusent à voir.»

Maîtrise médicalisée.

Une opinion que ne saurait partager Jean-Michel Dubernard, qui revient à la charge sur la question du malade : « Je l'ai dit et j'ai écrit un livre il y neuf ans là-dessus (1). Depuis rien n'a été fait, alors que c'est si simple de redéfinir l'organisation hospitalière à partir du malade, du terrain. C'est vrai que les pôles d'activité médicale (PAM) ont du sens, mais la manière dont ils ont été organisés ne me convient pas, parce qu'ils partent du haut.»

Le député UMP souhaite aussi améliorer la recherche clinique – «pour qu'elle ne soit pas laissée uniquement à l'industrie pharmaceutique» – et l'enseignement universitaire.

Il rappelle avoir instauré, dans la loi sur la recherche, les réseaux thématiques de recherche et de soins. «Il faut continuer d'accompagner ce mouvement. Mais les médecins doivent faire en sorte que la recherche clinique ne soit pas détournée de ses ambitions naturelles qui sont, là encore, l'amélioration des soins aux malades», argumente le chirurgien.

Après l'hôpital, le candidat Touraine serait plus enclin à «aider la médecine générale». Il plaide avec véhémence contre les franchises annoncées par Nicolas Sarkozy : «Je ne me priverai pas de dire qu'en instaurant de telles mesures, nous risquons de voir revenir des pathologies avancées, faute de diagnostics précoces.» Il se plaît à répéter que «durant les années du gouvernement Jospin, l'assurance-maladie était excédentaire». Par conséquent, «il faudrait lutter contre le gaspillage par la maîtrise médicalisée, limiter certaines exonérations de cotisations pour les entreprises, et surtout réduire les facteurs d'inégalité d'accès aux soins, notamment par l'information des assurés et en obligeant les établissements à assurer la qualité des soins partout». Jean-Michel Dubernard maintient que la réforme de l'assurance-maladie de 2004 était «la meilleure» que l'on puisse faire. « Il faut juste lui laisser le temps de donner les résultats qu'elle porte en elle», dit-il. Avant d'aller de l'avant : «Si je suis réélu, je me battrai pour que l'on mette en place un modèle franco-allemand d'assurance-maladie.»

(1) « L'hôpital a oublié l'homme », Plon, 1998.

> CAROLINE FAESCH

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8173