LE TEMPS DE LA MEDECINE
Au cours de ces douze dernières années, les pouvoirs publics ont confié au Pr Roger Henrion, gynécologue-obstétricien, des missions sur le sida chez la femme enceinte, sur la toxicomanie et sur les violences conjugales et familiales. Toutes ces affaires montrent que le médecin est « toujours à la limite du secret professionnel »*.
« Chaque fois, il s'agissait de faire face à des situations où le personnel médical se trouve aux confins du consentement, du respect de l'individu et du retentissement de son état de santé sur la société et ses contemporains, témoigne-t-il pour "le Quotidien". Nous étions toujours dans une estimation de santé difficile. Il fallait quand même prendre une décision et signaler. Ce n'était ni de l'ordre de la dénonciation, ni de la délation, ni de la trahison, mais un acte de courage. »« Le signalement s'étend à nombre de disciplines, poursuit le Pr Henrion. Cela concerne aussi bien la chirurgie que la médecine ftale, la médecine du travail ou de l'Education nationale, les commissions médicales du permis de conduire, ou la médecine dans une compagnie d'assurances.Le mot "délation", souligne le dictionnaire Le Robert, évoque "une dénonciation de caractère méprisable" ; nous sommes loin de l'esprit du praticien qui saisit le procureur de la République pour coups et violences familiales (épouse battue, ou enfant victime d'inceste). »
Obligation de transgression
Que pense le Pr Roger Henrion de son confrère qui impose un traitement à un alcoolique dangereux pour autrui, au prix d'une privation de liberté, alors qu'il n'est pas délinquant ? « J'y vois un simple signalement de courage, répond-il, une obligation de transgresser le secret professionnel, une dénonciation légale », au nom d'une loi sociale et d'assistance (15 avril 1954).
Des juristes y sont hostiles, bien qu'ils admettent l'internement d'office d'un malade mental, l'isolement sous contrainte d'une personne contagieuse en cas d'épidémie ou l'obligation faite à un malade vénérien de se soigner.
Quant au médecin expert appelé à examiner une personne gardée à vue, ne travaille-t-il pas sous la pression de la police, à moins qu'il n'en soit l'auxiliaire ? Le Dr Michel Pérol, poursuivi dans les années quatre-vingt-dix pour « homicide involontaire » après le décès, des suites d'une crise d'asthme, d'un jeune homme pour lequel il avait délivré un certificat attestant qu'il était en mesure de rester en garde à vue (« le Quotidien » du 14 juin 1999), affirme qu' « il ne peut répondre, en aucune manière, à l'appel d'un toxicomane réclamant du Tranxène ou du Valium ». « Aujourd'hui, dès qu'il y a un soupçon d'incident, la police appelle un médecin, et sa décision est totalement respectée. Elle cherche à se couvrir, à éviter les bavures », fait remarquer le Pr Roger Henrion.
En médecine du travail, ajoute-t-il, le praticien n'est pas non plus en situation de transgresser le secret médical. « N'étant pas le bras séculier du patronat, sa seule obligation consiste à signaler que "M. Untel ne peut plus remplir ses fonctions", sans avoir à se justifier. »
« Penser qu'un médecin puisse être un délateur, ou un auxiliaire de justice en 2003, serait voir la France dans un régime totalitaire », conclut le Pr Roger Henrion, qui entend « conserver une conception noble de la médecine ».
* Le Pr Henrion préside actuellement aux destinées du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles.
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