C'EST EN 1982 que B. Marshall faisait avec son collègue, le pathologiste Warren, à Perth, en Australie, la découverte d'une bactérie très spéciale, antérieurement méconnue. On pensait le milieu gastrique stérile. L'année suivante, ils réalisent la première culture d' Helicobacter pylori (HP) et développent leur hypothèse sur l'origine bactérienne de l'ulcère gastro-duodénal et du cancer de l'estomac. Le scepticisme général pousse alors Marshall en chercheur convaincu à s'auto-infecter, pour faire la preuve de ce qu'il avance. Il boit une suspension d'HP. L'épreuve est évidemment encadrée par deux fibroscopies et suivie par un traitement par bismuth et amoxicilline. Le développement d'une pathologie de la paroi gastrique donne une preuve de plus de l'implication du germe. Avec un éclairage médiatique utile, le test ne passe pas inaperçu à l'époque.
Les hypothèses ont fini par être confirmées et HP est reconnu comme facteur causal de l'ulcère et du cancer gastrique. En 1994, la Food and Drug Administration approuvait officiellement un traitement de l'ulcère éradiquant cet agent infectieux.
Le premier traitement efficace.
Les découvertes des deux chercheurs ont transformé le pronostic de l'ulcère gastro-duodénal, qui est passé du statut de maladie chronique à celui de maladie curable. Les laboratoire AstraZeneca ont été l'une des premières sociétés à saisir l'importance de la bactérie et son rôle dans les ulcères, en mettant au point le premier traitement efficace contre Helicobacter pylori, qui comporte un anti-acide (oméprazole) combiné à un antibiotique (amoxicilline). Les efforts se sont ensuite poursuivis en matière de traitement. Le traitement actuel repose sur une trithérapie de 7 à 14 jours à base d'IPP et d'antibiotiques. Ce traitement permet une disparition rapide des symptômes et éradique la bactérie chez les plupart des patients traités pour ulcère. Il permet le plus souvent de guérir l'ulcère avec un minimum de récidives.
Dans certains cas plus compliqués, un traitement par IPP seul est poursuivi après la trithérapie pendant 3 à 7 semaines selon la taille de l'ulcère et les symptômes du patient. Le diagnostic repose sur différents examens. En cas d'ulcère duodénal, un test rapide à l'uréase est réalisé, suivi de l'examen anatomopathologique des biopsies prélevées lors de la fibroscopie gastrique.
Le test respiratoire à l'urée marquée est la méthode la plus fiable quel que soit l'âge. La recherche d'antigènes d'HP dans les selles est une technique prometteuse en raison de performances voisines de celles du test respiratoire, de sa simplicité et de l'utilisation d'anticorps monoclonaux.
Plus de la moitié de la population mondiale.
La bactérie apparaît aujourd'hui comme l'infection chronique la plus fréquente au monde : cette bactérie particulière acido-résistante touche plus de la moitié de la population mondiale.
L'infection est contractée pendant l'enfance. Plus de 80 % de la population est infectée à l'âge de 20 ans dans les pays du tiers-monde. Dans les pays industrialisés, l'infection est principalement observée chez les plus de 50 ans. Une amélioration des conditions de vie doit donc rendre les cancers et les ulcères gastro-duodénaux plus rares.
En France, on estime que 20 à 50 % de la population adulte et 5 à 10 % des enfants selon l'âge sont infectés par HP.
La bactérie se transmettrait par voie gastro-orale (exposition aux vomissements et à des régurgitations) ou féco-orale. Elle peut se contracter au contact d'eau et d'aliments contaminés.
Certaines conditions de vie peuvent faciliter cette infection : la promiscuité liée à la surpopulation, les faibles ressources, des installations sanitaires et hygiéniques insuffisantes.
L'infection entraîne une gastrite chronique, inflammatoire, souvent asymptomatique. Environ 17 % des personnes infectées développent des ulcères gastro-duodénaux symptomatiques, qui peuvent parfois devenir hémorragiques.
On estime que HP est en cause dans 90 % des ulcères duodénaux et 70% de ulcères gastriques. Tous les cas de cancer gastrique ne sont pas imputables à HP. Seuls de 1 à 3 % des patients infectés par HP et qui présentent un ulcère risquent de développer un cancer. Les cancers gastriques provoquent près d'un million de décès annuels dans le monde.
La bactérie HP est adaptée pour survivre dans le milieu gastrique très acide. Elle possède la capacité de neutraliser efficacement l'acide gastrique qui l'entoure. Elle produit de l'uréase qui catalyse la dégradation de l'urée en ammoniac et en dioxyde de carbone.
Par ailleurs, elle et dotée de flagelles permettant des mouvements aisés dans la couche de mucus où elle vit.
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