ELLE S’EST FAIT attendre, mais c’est avec «beaucoup d’émotion» que le Pr Michel Kazatchkine a accueilli sa désignation au poste de directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. L’élection, initialement prévue en octobre 2006, avait plusieurs fois été reportée. En novembre dernier, lors d’une précédente réunion du conseil exécutif au Guatemala, aucun des cinq candidats présélectionnés n’avait recueilli la majorité des deux tiers des voix nécessaires, à la fois dans le collège des donateurs privés et publics et dans celui des bénéficiaires (dix membres chacun). Le Pr Kazatchkine, arrivé en tête, restait pourtant le favori, puisqu’il ne lui manquait qu’une voix pour être élu. Avec huit et dix voix, il a cette fois franchi la barre des deux tiers lors d’une session spéciale du comité exécutif qui s’est tenue jeudi dernier. Il a devancé les deux autres candidats encore en lice : le Britannique David Nabarro, l’actuel coordinateur des Nations unies contre la grippe aviaire, et l’Ougandais Alex Couthino, spécialiste de la lutte contre le sida en Afrique.
Sauver des vies.
«Avec le PrKazatchkine, le Fonds est dans d’excellentes mains et continuera à sauver des vies», a commenté son prédécesseur, dont le mandat s’achève le 31 mars. Richard Feachem était directeur exécutif depuis la création du Fonds en 2002, à l’initiative du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. En cinq ans, l’organisation a réussi à être un outil essentiel dans la lutte contre trois grands fléaux qui touchent les pays en développement. Fondé sur un partenariat public/privé original, il assure les deux tiers du financement des traitements de la tuberculose dans le monde, 45 % du financement de la prévention et du traitement du paludisme, et près de 30 % de celui des programmes de lutte contre le sida.
Le Pr Kazatchkine connaît bien son fonctionnement puisqu’il a présidé le conseil scientifique entre 2002 et 2004 et a assuré la vice-présidence de son conseil d’administration jusqu’en janvier 2006.
Spécialiste du sida, il a mené une carrière de chercheur, d’enseignant et de clinicien à Paris, à Broussais, puis à l’hôpital européen Georges-Pompidou (Hegp). Ancien chef du service d’immunologie clinique, il a tenu jusqu’à présent à y conserver une consultation. En tant que directeur de l’Anrs (Agence nationale de recherche sur le sida), de 1998 à 2005, il s’est engagé dans un plaidoyer en faveur de l’accès aux soins dans les pays en développement. C’est en février 2005 que Michel Barnier, alors ministre des Affaires étrangères, le nomme ambassadeur chargé de la lutte contre le VIH/sida et les maladies transmissibles. Son élection devrait le conduire à quitter son poste d’ambassadeur et ses fonctions à l’hôpital.
Sa nomination, soutenue par la France, a reçu un accueil très favorable. Jacques Chirac, dans un message qu’il lui a adressé, dit avoir appris l’annonce de son élection «avec la plus grande joie etfierté». C’est «d’abord la reconnaissance de vos éminentes qualités professionnelles et personnelles, ainsi que de l’exceptionnelle connaissance que vous avez des enjeux politiques et techniques abordés par le Fonds», a-t-il ajouté. «Dans ce combat pour l’amélioration des conditions de vie et de santé dans le monde», le nouveau chef du Fonds pourra «compter sur le soutien de la France», a affirmé le chef de l’Etat.
La France est le deuxième contributeur du Fonds, avec une participation de 225 millions d’euros en 2006 et 300 millions d’euros annoncés en 2007, et c’est à l’initiative du président de la République qu’a été lancée Unitaid, la structure internationale qui, comme le Fonds, contribue à améliorer l’accès aux médicaments contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Pour Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères et président du conseil d’administration d’Unitaid, «en élisant à sa tête le PrKazatchkine, le Fonds mondial a reconnu la contribution éminente du médecin, du chercheur, de l’administrateur et du diplomate à la lutte contre les grandes pandémies que sont le sida, la tuberculose et la paludisme. J’ai moi-même pu, au fil des ans, apprécier les qualités humaines et professionnelles d’un homme qui met sa passion et son talent au service d’une cause universelle».
Professionnel et humaniste.
Du côté des associations, Jean-Luc Roméro, président d’Elus locaux contre le sida, se réjouit de cette élection : «C’est un grand professionnel et un grand humaniste qui prend en charge» le Fonds. Même réaction chez Act up-Paris : «En tant que malades et activistes, nous avons travaillé avec lui depuis de nombreuses années, et nous connaissons sa valeur.» Cependant, l’association rappelle les difficultés de financement du Fonds et espère que cette élection «marquera une mobilisation accrue en faveur du plein financement de la lutte mondiale contre le sida».
Le Pr Kazatchkine devrait prendre ses fonctions en avril prochain. Pour l’heure s’ouvre devant lui une période de «réflexion et de préparation». Lui aussi considère que la mobilisation des ressources et le renforcement du Fonds sont une priorité.
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