DE NOTRE ENVOYE SPECIAL
LE SOCIALISTE EDMOND HERVÉ ne briguera pas de sixième mandat à Rennes. Après 31 ans de règne, l'ancien ministre de la Santé, 65 ans, a décidé de passer la main. Une nouvelle ère s'ouvre donc dans ce bastion de la gauche, où la victoire est promise à Daniel Delaveau, désigné par le PS en mars dernier et adoubé par Edmond Hervé.
En mai 2007, Ségolène Royal y a surclassé Nicolas Sarkozy avec près de 63 % des voix. L'UMP a également été battue à Rennes par la gauche aux législatives. Quand Edmond Hervé a annoncé en janvier 2007 qu'il tirerait sa révérence, il en avait déjà informé Daniel Delaveau. Agé de 55 ans, ce dernier a été l'un de ses principaux collaborateurs. Vice-président de la communauté d'agglomération depuis 1983, il a été en charge des transports. Il a notamment suivi la mise en oeuvre de la première ligne de métro automatique Val, inaugurée en 2002 qui a fait de Rennes la plus petite ville du monde à posséder le métro. Le lancement des travaux d'une seconde ligne sera d'ailleurs un des enjeux du prochain mandat municipal. L'homme a passé dix-huit ans à la tête de la commune voisine de Saint-Jacques-de-la-Lande.
Daniel Delaveau, qui conduit une liste associant le PRG, le PCF et l'Union démocratique bretonne (UDB), bénéficie surtout de l'excellente image de son prédécesseur. Un récent sondage réalisé par le CSA a montré que 87 % des Rennais jugent positif le bilan de l'ancien ministre.
«J'assume avec fierté l'action d'Edmond Hervé car j'ai contribué à ce bilan, lâche-t-il, tout sourire. Etre présenté comme son successeur n'est pas un handicap.» Daniel Delaveau souhaite pourtant se démarquer du « commandeur » auquel la ville est constamment liée. «Je suis dans la continuité et le mouvement, se plaît-il à rappeler. Lui, c'est lui et moi, c'est moi. Nous avons des tempéraments très différents et j'entends imprimer ma marque avec une équipe renouvelée.» La liste du candidat socialiste a ainsi intégré 50 % de sang neuf.
Un novice pour l'UMP.
Pour les adversaires de Daniel Delaveau, difficile dans ces conditions de se faire une place. Face à un homme qui fait partie de l'équipe municipale depuis 1978, les principaux candidats font de leur virginité en politique une qualité.
Karim Boudjema, le candidat soutenu par l'UMP, joue de cette image de novice, venu de la société civile. « J'ai simplement saisi une opportunité», dit ce chirurgien au CHU de Rennes, intronisé par Pierre Méhaignerie, député-maire de Vitré. Prosarkozyste – le praticien de 50 ans a été président du comité de soutien du futur président de la République en Ille-et-Villaine –, Karim Boudjema revendique pourtant son autonomie. Il n'a pas sa carte de l'UMP. Sur son affiche de campagne, comme sur celles de beaucoup de candidats de la majorité, le logo de l'UMP n'apparaît pas. «Je ne suis pas un militant mais un modéré, assure-t-il . Je ne veux pas être le candidat de la vieille droite. Il y a des Rennais, qui ne sont ni à gauche ni à droite, mais plutôt au centre gauche ou droit...»
Illustration du phénomène : François Bayrou a enregistré un très bon score à la présidentielle (plus de 22 %), talonnant Nicolas Sarkozy. Le médecin souhaite puiser dans cet électorat. Il a entrepris sans succès des démarches auprès du MoDem pour présenter une candidature commune avant que le parti n'annonce l'entrée en lice de Caroline Ollivro. De fait, la partie s'annonce difficile même si le praticien hospitalier veut croire en ses chances. Le chirurgien jouit d'une belle renommée à Rennes – il est un spécialiste reconnu de la transplantation hépatique et a été élu breton de l'année en 1999. «Il reste trois semaines et on ne sait pas comment va finir la campagne», glisse-t-il malicieusement.
Le MoDem en arbitre.
Dans une municipalité qui va renouveler son équipe dirigeante, Catherine Ollivro, 39 ans, réclame aussi un nécessaire renouvellement à la municipalité de Rennes. La candidate du MoDem pourrait jouer le rôle d'arbitre même si elle entend rester à l'écart des traditionnels clivages gauche-droite.
«M.Boudjema ne se présente pas comme un candidat sarkozyste mais sa liste en est truffée et il ne nous était pas possible de nous rapprocher de cette vision politique, confie Anne Legagne, médecin gériatre à l'hôpital de Saint-Malo, troisième sur la liste de Caroline Ollivro (40 ans de moyenne d'âge). Quoi qu'il arrive, si nous sommes au second tour (avec au moins 10 % des suffrages, NDLR) , nous ne nous rapprocherons ni de Delaveau ni de Boudjema.»
Au coeur du centre-ville, l'élection est au coeur des discussions. Il y est surtout question de logement dans une ville de 210 000 habitants (plus de 400 000 avec l'agglomération), qui gagne 5 000 à 6 000 habitants par an et qui connaît une forte pression foncière et immobilière.
Autre préoccupation : les nuits chaudes et alcoolisées à outrance, rue de la Soif, où se rassemblent chaque jeudi les étudiants (voir ci-dessous).
«Les deux candidats viennent ici de temps en temps, confie le patron d'un bar situé entre les QG de campagne de Daniel Delaveau et de Karim Boudjema. Les gens en parlent beaucoup, mais je ne pense pas que Delaveau ait du souci à se faire. Tout le monde est content de la politique menée par Hervé.» Un client lève le nez de son journal et ajoute : «C'est plié. La gauche est indélogeable à Rennes. Ceux qui ont critiqué le métro sont les premiers à l'utiliser.» Un sondage réalisé par le CSA fin janvier semble leur donner raison. Il attribuait 38 % d'intentions de vote à Daniel Delaveau contre 28 % à Karim Boudjema et 12 % à Caroline Ollivro (1).
(1) Sont également en liste Nicole Kiil-Nielsen (les Verts), créditée de 8 % d'intentions de vote ; Valérie Faucheux (LCR), 6 % ; Raymond Madec (Lutte ouvrière), 4 % ; Carine Weber (Parti des travailleurs), 3 % et Nicolas Joly (FN), 1 %.
Des soirées étudiantes trop arrosées
La capitale bretonne jouit d'une belle réputation. Elle s'est considérablement développée ces dernières années. Les revenus moyens des habitants sont supérieurs à la moyenne nationale tandis que le taux de chômage (7,2 %) y est plus faible (7,9 %). Seule ombre au tableau : les jeudis soirs particulièrement arrosés des étudiants – 58 000 à Rennes – dans la bien-nommée rue de la Soif. Le phénomène de binge drinking s'est amplifié ces dernières années, entraînant des nuisances sonores et un sentiment d'insécurité chez les riverains. Le problème inquiète les candidats.Caroline Ollivro prône une déconcentration des activités estudiantines vers d'autres quartiers avec des activités culturelles et des lieux de convivialité. «Nous menons des campagnes de prévention, nous avons mis en place Prévenville, un bus qui va dans tous les festivals avec des équipes sanitaires et sociales pour aller à la rencontre du public, explique Daniel Delaveau. Nous essayons d'organiser des soirées sans alcool... La prévention est un travail de longue haleine.» Le candidat socialiste propose une charte de la vie nocturne en centre-ville et veut créer des équipes de médiation pour prendre en charge les conflits sur l'espace public. «On parle d'actes festifs mais ils cachent une inquiétude profonde de l'avenir chez ses jeunes», précise le Dr Karim Boudjema. Le médecin propose la création d'un centre de prise en charge des maladies aiguës et modernes.
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