Le Pr Jean Langlois a été élu président de l'Ordre national des médecins, en remplacement du Pr Bernard Hoerni, contraint à la démission, tout comme ses proches collaborateurs, les Drs Pierre Haehnel et André Chassort. C'est le dernier acte d'une pièce tragi-comique commencée en mars.
Après avoir réclamé en vain la nomination d'un médiateur pour arbitrer la longue grève des gardes des médecins généralistes, le Conseil national de l'Ordre des médecins n'avait eu d'autre choix que d'en nommer un en son sein, en la personne du Pr Langlois, président de la section « Santé publique ». L'Ordre connaissait alors une crise interne inédite puisqu'une majorité de conseillers nationaux avaient retiré leur confiance à l'équipe dirigeante, et en particulier au président Hrni, signataire de sa propre initiative du protocole d'accord, très décrié, sur la permanence des soins, qu'il avait conclu avec le gouvernement et l'assurance-maladie le 1er mars, en application de l'accord du 24 janvier conclu entre MG-France et la CNAM.
Face à une situation complètement bloquée, la « mission de médiation et de conciliation » du Pr Langlois a échoué, se soldant en mai par la démission des dirigeants contestés et l'organisation d'une nouvelle élection. Le jour de l'élection, nul autre candidat n'a finalement osé briguer la présidence face à ce médiateur qui, au fil de ses entretiens individuels avec ses pairs, a su former un consensus autour de lui.
Ancien patron du service de chirurgie cardio-vasculaire à l'hôpital Bichat, le Pr Langlois siège depuis 1981 à l'Ordre de Paris, qu'il a présidé de 1996 à 1998, et détient un mandat de conseiller ordinal national depuis neuf ans.
Eloges et critiques
Deux médecins qui l'ont côtoyé plusieurs années dans ces deux institutions ordinales ne tarissent pas d'éloges à son sujet. Le Dr Gérard Grillet le trouve « très rigoureux » et « apte à travailler en équipe et à écouter ». Pour le Dr Aline Marcelli, le Pr Langlois est un « homme d'une parfaite intégrité » et représente « une intelligence brillante ». C'est aussi « un grand travailleur qui a donné toute sa mesure dans le domaine de la santé publique », rappelle-t-elle. Le Pr Langlois suit notamment de près la démographie médicale, qui fait l'objet d'un bilan annuel de l'Ordre national. Cependant, son action n'a pas toujours fait l'unanimité. Le Dr Jean-Gabriel Brun, président de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF), lui reproche ainsi d'avoir « suggéré une obligation de résultat en chirurgie esthétique, que même "60 millions de consommateurs" ne songeait pas à réclamer ». En conséquence, le Dr Brun estime que « ce président intérimaire sera sûrement encore plus souple vis-à-vis de la tutelle et des administrations que celui qu'il a lui-même évincé ».
Toutefois, le Syndicat des médecins libéraux (SML), qui avait fustigé l'attitude de l'Ordre pendant le conflit des médecins, se montre plus clément à l'égard du Pr Langlois. Son arrivée de celui-ci à la présidence permet à l'Ordre de « retrouver sa légitimité et toute sa place d'acteur du monde de la santé », selon le SML. Le syndicat lève donc son mot d'ordre de non-paiement de la part nationale de la cotisation ordinale et invite l'institution « à la réflexion et au débat sur la réforme de l'organisation des gardes et urgences ».
« Retrouver la confiance des médecins »
LE QUOTIDIEN
Quelles sont vos priorités pour l'Ordre national ?
Pr JEAN LANGLOIS
Que l'Ordre retrouve sa sérénité, de la base au sommet, pour travailler correctement et retrouver la confiance des médecins.
La crise de l'Ordre est liée à la crise du monde médical. Les médecins subissent des pressions et des charges administratives qui les éloignent de leurs malades. Les comportements de certaines caisses vis-à-vis des médecins sont intolérables. Le milieu médical explose et, à l'Ordre, nous en avons fait un peu les frais.
Je souhaite désormais que la profession travaille dans le calme et non pas dans un climat d'agressions permanentes injustifiées.
Vous n'avez qu'un an pour accomplir votre tâche, puisque vous avez annoncé que vous ne vous représenteriez pas à la fin de votre mandat de conseiller, en juin 2003. A moins que vous ne reveniez d'ici là sur votre décision ?
Je me retrouve président de façon imprévue. En raison de mon âge (73 ans le 25 juillet, NDLR), et parce que je pensais que je n'étais pas le plus apte, je n'avais pas posé ma candidature à la présidence l'an dernier. Depuis, des événements se sont passés, je ne me dérobe pas à la mission qui m'incombe maintenant. Cependant, je suis arrivé à un âge raisonnable et j'estime que, passé un certain âge, un médecin n'est plus représentatif de sa profession. D'autres prendront la relève !
Êtes-vous favorable au cumul de fonctions ordinales et syndicales ?
Un homme qui est capable d'assurer plusieurs fonctions a suffisamment d'intelligence et de dignité pour les exercer séparément. Je viens moi-même du syndicalisme puisque j'ai milité et présidé le Syndicat des chirurgiens des hôpitaux de Paris.
C'est donc un tournant par rapport à la ligne du Pr Bernard Glorion (président de l'Ordre de 1993 à 2001), qui était farouchement contre le cumul des mandats.
Non. Pour la représentativité vis-à-vis des confrères et pour mieux nous faire comprendre, je recommanderai aux uns et aux autres le non-cumul de fonctions syndicales et ordinales. Malgré tout, l'association des deux n'est pas un péché.
Comme chaque année, l'Ordre national réunira, le 29 juin à Versailles, les présidents et secrétaires généraux des Ordres départementaux. Est-ce un événement, compte tenu des dissensions apparues ces derniers mois entre le conseil national et les conseils départementaux ?
Oui, le 29 juin sera une journée importante. Je viens d'ailleurs d'envoyer un petit mot à tous les présidents et secrétaires généraux des Ordres départementaux pour leur dire que je souhaite travailler avec eux. Aujourd'hui, la concertation, les avis comptent avant toute décision. L'assemblée générale doit permettre justement aux hommes et aux femmes ayant des responsabilités dans les départements de s'exprimer. Une assemblée de 200 à 250 personnes ne me fait pas peur : je sais qu'ils m'apporteront des choses.
Parmi les sujets d'actualité, il y a l'application de la loi sur les droits des malades, mais aussi la démographie médicale. Si (l'ex-ministre délégué à la Santé) Bernard Kouchner a fait des promesses (relèvement progressif du numerus clausus à 6 000 étudiants en médecine, NDLR), il n'est plus aux affaires. Or la démographie est un problème de fond qui contribue au malaise de la profession. Dans certaines régions, les médecins libéraux peinent à trouver des remplaçants quand ils partent à la retraite, alors que dans certaines villes, il y en a trop. Des disciplines médicales manquent de bras. Dans les hôpitaux, des postes de médecin restent vacants. Dans ces conditions, on peut s'interroger sur la qualité des soins.
Le nouveau bureau
Le nouveau bureau de l'Ordre comprend en fait tous les sortants, exception faite, bien sûr, des cinq conseillers démissionnaires (l'ex-président Hoerni, les Drs Pierre Hæhnel, André Chassort, Etienne Dusehu et François-Xavier Léandri).
Il compte cependant huit nouvelles têtes. En effet, la nouvelle équipe comprend deux postes supplémentaires d'adjoint et un vice-président en plus, sans doute pour renforcer le caractère collégial de la direction de l'Ordre national.
Les nouveaux arrivants sont les Drs Pierre Jouan, André Léon (secrétaires généraux adjoints), Irène Kahn-Bensaude (déléguée aux relations avec les conseils départementaux), Jacques Palombo (trésorier adjoint), Michel Legmann (vice-président), ainsi que trois présidents de sections, Piernick Cressard (« Ethique et déontologie »), Jean Brouchet (« Exercice professionnel ») et Boris Chatin (« Santé publique »).
Le Dr Jacques Lucas devient secrétaire général.
Neuf membres, soit la moitié du bureau, n'ont pas changé de fonction : les Drs Louis-Jean Calloc'h (secrétaire général adjoint), Jacques Werner (trésorier), Lionel Prentout (trésorier adjoint), Jean-Marie Colson, Michel Ducloux, Jean-Claude Mot, Jean Pouillard (vice-présidents), Jackie Ahr (président de la section « Formation médicale et qualifications ») et enfin le Pr Michel Detilleux (délégué aux affaires internationales).
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