LE QUOTIDIEN - Vous voilà président d'un mouvement, créé en 1947, rassemblant 550 associations et 110 000 familles adhérentes. Est-ce à dire que la cancérologie ne vous accapare pas assez ?
Pr HENRI JOYEUX -Les deux s'imbriquent, vous savez. Si j'ai accepté cette fonction, c'est parce que je suis très sensible à tout ce qui touche à la famille. Cela n'a rien d'étonnant, j'ai trois filles et trois garçons. Et, en tant que médecin, ma spécialité me conduit toujours à prendre en compte le terrain familial. J'appartiens, en outre, à une fratrie de 9 enfants et ma compagne, de 7. Comme praticien, j'ajouterai que je constate que les problèmes de santé sont souvent liés à des difficultés familiales. Stressé par ce qui se passe chez lui, un père va se mettre à fumer, ou à boire, et à manger n'importe comment. Or, un tel comportement peut favoriser des facteurs de risque de cancer. Le bien-être de la famille, son équilibre, est quelque chose d'essentiel pour la santé de ceux qui la composent.
Ce qui importe, c'est le groupe familial
Quelle idée vous faites-vous de la famille ? Ne bat-elle pas de l'aile, en ce début de siècle ?
Qu'elle soit nucléaire, comme hier, avec mère, père et enfant(s), recomposée ou « nouvelle », ce qui est important dans la famille, c'est le groupe familial. Ainsi, tous les liens tissés entre les enfants, la mère, le beau-père ou la belle-maman se révèlent vitaux. Voilà ce que j'entends par « famille, au sens large ». Il s'agit, d'ailleurs, de la réalité familiale d'aujourd'hui, qu'il convient d'accepter, sans chercher à l'enfermer dans un système négatif dénommé « famille décomposée », ou « éclatée ». Je dirai que nous avons affaire, désormais, à « l'individu familial ». La personne est seule, mais reliée à un groupe familial.
L'individu familial dont vous parlez est bien souvent coupé, dès le plus jeune âge, d'une famille qui a des difficultés à vivre. Dans ce cas, que faire pour reprendre par la main un gamin à la dérive ?
Si vous voulez évoquer les « sauvageons » de Jean-Pierre Chevènement, ce n'est pas eux qui sont à mettre en cause. C'est à la société de réfléchir à la question. De mon point de vue, les concepts de « substitution » ou de « compensation » sont à retenir, en la circonstance. Un garçon de 13-14 ans, considéré comme un voyou, si vous l'identifiez bien, vous verrez qu'il n'a pas de père, ou que sa mère n'est pas épaulée par son compagnon. Il manque d'une « affectivité autoritaire ». En conséquence, il faut le sécuriser en lui donnant une « poigne affective ». Avec mon épouse, nous avons répondu à une situation du même genre. Des parents de notre entourage avaient du mal avec leur fils de 11 ans. Ils voulaient le visser en le plaçant dans un établissement, loin d'eux. Nous nous sommes proposés, alors, pour le prendre. Ça n'a pas été facile, mais aujourd'hui, âgé de 40 ans, il est sorti d'affaire. Sa sœur l'a même suivi en arrivant chez nous, puis nous avons eu nos propres enfants. Notre rôle a été d'assurer, en quelque sorte, une maternité de substitution et une paternité de compensation. Nous avons dispensé à ces jeunes ce que leurs mère et père ne pouvaient pas leur accorder.
Développer les solidarités interfamiliales
Allez-vous développer une relation nouvelle avec les pouvoirs publics ?
La Fédération des familles de France qui, pour l'instant, est implantée dans 80 départements, entend couvrir toutes les grandes villes et cités moyennes du pays. Nous voulons être indispensables aux familles les plus en difficulté. Pour ce faire, nous travaillons avec les ministères concernés, mais nous cherchons à aider, parallèlement, le développement des solidarités interfamiliales. L'entraide familiale apparaît plus précieuse et constructive, là où elle est possible, que l'assistanat. Quant aux pouvoirs publics, nous les mettons en garde contre toute tentation de prestation nouvelle qui tendrait à déresponsabiliser ou à ne pas faire confiance à la personne dans le besoin. Je pense à ce qui pourrait être proposé, comme chantage au jeune sans boulot de moins de 25 ans : « Tu me promets d'obtenir un travail, et je te verse 1 000 F par mois, que tu me rembourseras sans intérêt quand tu en auras les moyens » .
Etes-vous animé par une idéologie religieuse ou politique ?
Il est exclu d'en parler. Mon mouvement n'est ni confessionnel, ni politique.
Et l'IVG ?
Je reprendrai les propos de Martine Aubry avant de quitter le gouvernement. Rappelez-vous, elle déclarait qu'« on ne peut être pour l'IVG de gaieté de cœur » , en ajoutant que « l'avortement est une catastrophe pour la femme ». Elle est une femme, donc si elle affirme cela, elle a raison. Comme cancérologue et spécialiste de la nutrition rompu à l'éducation pour la santé, je dirai que face à l'IVG, la meilleure des solutions c'est la prévention. Il en va de même avec le SIDA.
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