Si le Pr Françoise d'Athis avait été un homme, elle serait peut-être devenue chirurgien. Mais son sexe ne semble pas l'avoir empêchée de devenir hospitalo-universitaire en anesthésie-réanimation à Montpellier.
« Quand j'étais au lycée, je voulais travailler dans un laboratoire de biologie », se souvient ce chef du service d'anesthésie-réanimation à l'hôpital Lapeyronnie de Montpellier. Ses parents lui conseillent de faire médecine.
Bonne pioche : l'étudiante s'aperçoit rapidement que le malade l'intéresse beaucoup plus que l'éprouvette. A ce moment-là, son désir est de devenir chirurgien, car c'est une « manuelle ». La chirurgie plastique l'attire tout particulièrement. « La chirurgie, c'est pas pour les femmes », s'entend-elle dire sur les bancs de la fac. « En insistant, je pense que j'aurais réussi, dit-elle aujourd'hui, mais je ne suis pas une battante. »
En sa qualité de femme, on lui conseille plutôt de faire de l'obstétrique - un moyen de faire un peu de chirurgie grâce aux césariennes - ou de se diriger vers l'ophtalmologie. L'obstétrique ne lui dit rien. Quant à l'ophtalmologie, « le problème est qu'il n'y avait pas de bonne école à Montpellier, alors qu'en anesthésie, l'école était réputée ». C'est donc dans cette voie qu'elle va s'engager. Etre une femme n'y est pas présentée comme un handicap, peut-être parce que la spécialité n'a pas vraiment la cote à l'époque. « Tu ne vas quand même pas pousser la seringue ! », lui disent ceux qui ont d'autres ambitions pour elle.
Ils se trompent. Les premiers pas de Françoise d'Athis dans la spécialité correspondent aux débuts de l'anesthésie-réanimation. « Ça m'a passionnée », dit-elle en évoquant cette époque où la « réa » n'existait pratiquement pas et où l'on ne connaissait pas les urgences ni le SAMU. « Il n'y avait pas de PUPH (professeur d'université-praticien hospitalier) , c'est comme ça que j'ai pu le devenir alors que je n'y songeais pas », dit-elle avec modestie. Elle effectue un parcours sans faute : interne en 1964, chef de clinique en 1968, PUPH en 1972. Son patron, le Pr Jacques du Cailar, chef du service de l'hôpital Lapeyronnie, l'envoie au centre hospitalier de Nîmes, car la spécialité est engorgée à Montpellier en raison d'un nombre de lits insuffisant par rapport aux effectifs d'étudiants. D'abord remplaçante d'un des trois anesthésistes alors présents à Nîmes, c'est elle qui y développe le service et crée successivement le SAMU et un service d'urgences, alors que Montpellier n'en possède pas encore. En 1989, elle revient à Montpellier, où elle prendra rapidement la sucession du Pr du Cailar à l'hôpital Lapeyronnie.
A ses débuts, elle était une exception, car les quelques femmes hospitalo-universitaires qui étaient là exerçaient uniquement en sciences fondamentales. Depuis, la situation n'a guère évolué. Aujourd'hui, « sur une bonne centaine de PUPH exerçant dans cet hôpital, une dizaine sont des femmes, dont 5 ou 6 en discipline clinique », explique-t-elle.
Moins attachés aux titres que les hommes
Pourtant, le Pr d'Athis estime que si les femmes sont moins nombreuses à réussir dans les postes les plus élevés, « ce n'est pas une question de sexe, mais de volonté, de compétence. La personnalité fait plus que le sexe, même s'il est vrai qu'il paraît plus difficile pour une femme de devenir chirurgien. Il me semble qu'il y a moins de demandes de la part des femmes. Peut-être parce qu'elles sont moins attachées aux honneurs et aux titres que les hommes... ». En anesthésie, il faut travailler quotidiennement avec les chirurgiens. « Le fait d'être une femme amène à être regardé parfois avec condescendance, admet-elle, mais on peut aussi plus facilement discuter, faire passer des choses. Il y a moins de lutte pour le pouvoir. »
Pour sa part, elle se dépeint comme une personne qui n'est pas « ambitieuse » : « Cela doit d'ailleurs déranger mes collaborateurs, car mon rôle est de faire la promotion de mon service. Mais je n'ai pas l'esprit imaginatif suffisant pour faire de la recherche, par exemple. C'est pour cela que j'ai essayé de m'entourer d'élèves ambitieux, de collaborateurs top niveau. Or, pour les hommes, il est plus difficile d'admettre que leurs collaborateurs réussissent mieux qu'eux. Moi, cela ne me pose pas de problème. ».
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