QUAND IL LUI a annoncé son projet d'expédition himalayenne, son doyen a d'abord cru à une blague. Mais dans le service de réanimation pédiatrique qu'il dirige comme parmi les membres du Comité consultatif médical qu'il préside, personne n'a été vraiment surpris : le Pr Denis Devictor, sportif accompli de 55 ans, y est bien connu pour sa passion des « horizons verticaux », comme il dit. « Non que j'aie spécialement le goût des prouesses et des performances, mais j'éprouve intensément le bonheur d'être là-haut », explique-t-il.
Un bonheur qu'il a hérité de son père, lui-même sous-marinier de métier, mais également montagnard amateur.
Depuis sa plus tendre enfance, le Pr Devictor fait l'ascension des grands classiques français ; les Drus, l'Aiguille Verte, l'Aiguille du Midi, toutes les aiguilles de Chamonix. En s'envolant demain pour Katmandou, il va réaliser un rêve d'enfance, un rêve que la mort de son père, il y a un an, l'a déterminé à concrétiser.
Les mêmes valeurs d'humilité et de solidarité.
Un rêve auquel il tient à associer étroitement sa pratique de patron réanimateur. « Mon métier et ma passion de la montagne sont à l'école des mêmes valeurs d'humilité et de solidarité ; là-haut comme en réanimation, la moindre pichenette suffit à tout compromettre à tout moment. Et de la même manière, la réussite est entièrement suspendue à l'esprit d'équipe : de même que le chirurgien ne peut rien sans l'anesthésiste, le réanimateur, le pharmacien, de même, en expédition, on dépend entièrement du guide, des sherpas, de chaque membre de l'expédition. Cet esprit de solidarité se traduit paradoxalement dans la solitude, en vivant des sentiments et des sensations forts. De ce point de vue, avec le temps, contrairement à une idée fausse très répandue, on ne se blinde pas et j'ai de plus en plus de mal à vivre la souffrance et la mort des enfants. Comme en haute montagne, on se retrouve alors à poil devant ses incertitudes. »
Dans l'équipement qu'il a préparé, le Pr Devictor a bien sûr sa trousse médicale, pour ses cinq équipiers (deux Bordelais, deux Suisses et un guide chamoniard), les quatre sherpas et l'officier népalais qui les accompagnent, il a prévu de l'acétazolamide, des corticoïdes et un petit nécessaire chirurgical. Mais il emporte aussi un drapeau. Siglé au logo de l'AP-HP et de l'hôpital Bicêtre, il est revêtu de l'inscription : « 500e greffe de foie sur enfants ». Si tout va bien, il devrait flotter entre le 15 et le 20 octobre sur le sommet de l'Himlung Himal, qui domine la haute vallée de la Nar Phu Kola, dans ce paysage encore très peu gravi des Annapurnas.
Pour sa part, le chef de service est fin prêt, entraîné avec le maximum de sérieux et de régularité (une heure par jour de jogging pour se rendre dans son service, deux séances hebdomadaires de vélo, sans compter les escalades et, bien sûr, les vacances alpines). Se disant tout à la fois serein et excité, il récapitule le programme : dès demain, une marche d'approche pour s'acclimater pendant quinze jours à l'altitude entre 3 000 et 4 000 mètres dans le tour des Annapurnas, puis l'installation du camp de base à Nar Phu (5 000 m), avant la montée vers le sommet qui nécessitera une dizaine de jours, avec trois camps d'altitude, à 5 300 m, 6 200 m et 6 300m. L'expédition n'emporte pas d'oxygène. Le retour est prévu au service de réanimation pédiatrique de Bicêtre aux environs du 4 novembre, avec projection du film de l'expédition pour que chacun profite de cette ascension des couleurs de l'hôpital et de l'AP-HP.
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