RIEN DE CE QUI concerne la pratique médicale, en particulier dans sa dimension éthique, ne saurait être étranger à l’Académie de médecine. En substance, c’est ce qu’a rappelé le Pr Denys Pellerin lors de son allocution inaugurale : «L’Académie ne peut se sentir étrangère aux mutations de l’exercice médical devenu si divers depuis que s’est imposée une médecine hospitalière scientifique, technique, à la responsabilité collective et diluée. Mais l’Académie est aussi celle de la médecine au quotidien, plus humaniste que scientifique, dont l’irremplaçable mission est plus de répondre à l’appel de l’autre qu’à être l’instrument d’une maîtrise comptable.»
Le nouveau président, après un parcours d’excellence consacré à la chirurgie des enfants (il fut professeur de clinique chirurgicale infantile à la faculté de médecine Necker - Enfants-Malades et à Paris-V - René-Descartes, chef du service de chirurgie de l’hôpital des Enfants-Malades et président de la Fédération mondiale des associations de chirurgiens pédiatres), s’est distingué comme éthicien : il fut désigné par l’Académie pour siéger au Comité consultatif national d’éthique, prenant en particulier une part active à la rédaction du rapport sur « le vieillissement », présenté en 1998, puis à celle de l’avis consacré à « Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie », rendu en janvier 2000.
Tout naturellement donc, il a été auditionné au Sénat dans le cadre de l’élaboration de la loi du 22 avril 2005, dite loi Leonetti, sur les droits du malade et la fin de vie. Occasion pour cet expert, alors vice-président de l’Académie, de rejeter la distinction entre euthanasie passive et active. «L’euthanasie, avait-il expliqué aux parlementaires de la haute assemblée, a pour seule définition d’être l’acte matériel de donner la mort à un individu, dans le but de soulager ses souffrances ou d’accéder à sa requête». D’où le refus, exprimé «catégoriquement», de la terminologie d’euthanasie passive, qui ne constitue, à ses yeux, qu’« une définition impropre du refus de l’acharnement thérapeutique».
Or l’actualité, ces dernières semaines, se rappelle à la réflexion des académiciens sur le sujet, avec deux décisions judiciaires opposées : à Berck-sur-Mer, dans l’affaire Humbert, le parquet a requis un non-lieu ; en Dordogne, le juge d’instruction a renvoyé le Dr Laurence Tramois et une infirmière devant les assises.
Transgression.
Hier, le Pr Pellerin a publié un communiqué où il commence par se féliciter de ce que «la loi (Leonetti) rende désormais sans objet toute discussion sur l’opportunité de dépénaliser ou non l’euthanasie», l’Académie se déclarant «résolument hostile à tout ce qui conduirait à cette option et à l’assistance au suicide». L’Académie exprime cependant sa «perplexité» : «Le législateurparaît avoir voulu distinguer deux attitudes médicales:l’une, légalement acceptable, qui admet l’arrêt de tous les soins médicaux et laisse venir la mort naturelle en apaisant les inévitables moments de l’agonie par les soins palliatifs, et l’autre, légalement inacceptable, avec l’arrêt de vie consenti, obtenu sans délai par injection de molécules létales.» Pour l’Académie, «quelle que soit la modalité, légale ou non, de cette fin de vie ou de cet arrêt de vie, il s’agit là sans ambiguïté d’une transgression».
«Loin de nous l’intention de juger la justice, explique le Pr Pellerin, mais nous nous devons de formuler un souhait: que soit harmonisée la manière de rendre la justice selon les juridictions.» Pour le président de l’Académie, «les circonstances extérieures ou les pressions médiatiques ne sauraient apporter plus de justification à l’acte transgressif que la compassion d’un médecin dans l’exercice de sa profession face aux souffrances de son malade parvenu au terme de sa vie du fait de l’évolution terminale de sa maladie devenue incurable».
Ce communiqué se réclame du souci humaniste invoqué avec force par le Pr Pellerin quand il expose l’ambition qu’il se fait pour sa compagnie, «entre le respect qui s’impose de la tradition d’une institution presque bicentenaire et le modernisme incontournablede notre temps». Un souci concret, exprimé dans la médecine au quotidien, cette médecine dont «l’irremplaçable mission est plus de répondre à l’appel de l’autre qu’à être l’instrument d’une maîtrise comptable. Trois quarts des actes médicaux continuent à s’inscrire dans un quotidien en apparence moins valorisant, fait d’écoute et de dialogue. Ils n’en exigent pas moins de compétence, de bon sens clinique et de don de soi, cette attention bienveillante qu’il est aujourd’hui de bon ton de dire paternaliste et obsolète pour lui préférer le consumérisme».
C’est donc au service de cette médecine que le président entend mettre l’Académie. Pour cela, les séances hebdomadaires seront, promet-il, «plus attractives et plus réactives». Les autosaisines viendront à point comme, en dernier lieu, au sujet de l’épidémie de Chikungunya à La Réunion.
L’Académie sera présente sur la scène scientifique et médicale internationale, assure encore le Pr Pellerin ; cette année, une nouvelle bourse sera décernée à un médecin ressortissant d’un pays francophone, pour soutenir la médecine d’expression française.
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