Le nouveau président du Conseil national de l'Ordre des médecins, le Pr Bernard Hoerni, a annoncé d'emblée, lors de sa première conférence de presse, qu'il allait « poursuivre la modernisation de l'Ordre », la situation de cette institution étant selon lui « non pas catastrophique, mais très améliorable ». Si les conseils de l'Ordre ont parfois une image déplorable, elle n'a été justifiée que « dans un ou deux endroits au cours des dernières années », selon le Pr Hrni.
Petite nouveauté après la fin de l'ère Glorion qui a duré huit ans : « Il y aura, plus que par le passé, une collégialité » au Conseil national, affirme son nouveau président. Pour autant, le Pr Hoerni estime que la nouvelle appellation de l'Ordre, qui devrait devenir justement le « Collège professionnel des médecins » (« le Quotidien » du 21 septembre) « ne changera pas grand-chose en termes de contenu ».
Dossier médical : le droit d'accès du patient en question
Le changement de nom de l'Ordre est prévu par un amendement au projet de loi des droits du malade et de modernisation du système de santé, qui a été adopté récemment par la commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale.
Ce projet de loi, examiné par l'ensemble des députés à partir de demain, recueille « l'approbation de l'Ordre à 90-95 % », a rappelé Bernard Hoerni.
L'Ordre appelle quand même de ses voeux une modification notable du texte en ce qui concerne le droit d'accès direct des patients à leur dossier médical. Il souhaiterait en effet que soit apportée une restriction à ce droit dans deux cas de figure : quand le dossier est psychiatrique, dans la mesure où cela pose un problème de compréhension pour le patient concerné, et d'autre part, lorsque le malade est susceptible d'apprendre un diagnostic grave à la lecture de son dossier médical, car cela peut nuire à son état de santé.
Le projet de loi de modernisation du système de santé prévoit aussi de réformer l'Ordre (en particulier ses instances disciplinaires) et confie à celui-ci la mission de veiller à la compétence des médecins.
Si les sections des unions régionales des médecins libéraux (URML) sont actuellement chargées d'évaluer les pratiques professionnelles, cette évaluation « n'est pas synonyme de l'évaluation de la compétence des médecins », rappelle le Dr Pierre Haehnel, secrétaire général du Conseil national de l'Ordre. Surtout, les évaluations sous la responsabilité des URML ne concernent, par définition, que les médecins libéraux. Or, l'Ordre doit veiller au maintien de la compétence de tous les médecins. Le Pr Hoerni n'envisage « pas une évaluation-sanction, sauf peut-être pour 1 % ou 1 [228] des praticiens, mais une évaluation mettant en valeur leur compétence ». L'Ordre réfléchit aujourd'hui à une évaluation « sur la base du volontariat » et « organisée en multipartenariat » avec les sociétés savantes, les syndicats, les URML et les associations de FMC, comme l'UNAFORMEC qui propose déjà des bilans professionnels personnalisés.
En tout cas, l'Ordre est « attaché à ce que ce ne soit pas uniquement des médecins généralistes qui évaluent des généralistes, ou des pneumologues qui évaluent des pneumologues, sinon il y aura conflit d'intérêt », souligne le Dr Haehnel. Pour le Dr André Chassort, secrétaire général adjoint de l'Ordre national, l'évaluation des pratiques professionnelles a le défaut d'être confiée aux unions alors qu'elles sont « l'essence des syndicats qui défendent les médecins libéraux ». Pour le Dr Chassort, il faudrait « faire travailler des experts qualiticiens extérieurs à la profession » pour les bilans de compétence des médecins. « Notre but n'est pas de tout organiser mais de promouvoir les bilans de compétence, de coordonner et de certifier », résume-t-il.
Beaucoup de praticiens réclament des moyens financiers pour se permettre de prendre le temps de s'évaluer et de se former. Mais le Pr Hoerni leur répond que d'autres médecins « financent leur formation sur leurs propres fonds, considérant que cela favorise la prospérité de leur pratique ».
Les conséquences de l'arrêt Perruche
Le président de l'Ordre espère néanmoins que l'obligation légale de FMC (contenue dans le projet de loi sur les droits des malades) s'accompagnera de « moyens supplémentaires » de la part des pouvoirs publics. Par contre, « l'industrie pharmaceutique finance déjà largement la FMC, il ne faut pas aller plus loin », estime le Pr Hoerni, au nom de l'indépendance des médecins.
Enfin, l'Ordre est revenu sur une jurisprudence controversée, commencée avec l'arrêt Perruche de la Cour de cassation et confirmée récemment par la cour d'appel de Bordeaux, qui reconnaît le droit de ne pas naître pour certains handicapés. « La Cour de cassation va sans doute préciser sa jurisprudence et peut-être la nuancer », selon Bernard Hoerni. Le Dr Haehnel reconnaît que, en attendant, l'Ordre se voit actuellement « contraint d'admettre que certains médecins arrêtent de faire des échographies foetales », compte tenu des risques encourus et du coût dissuasif des primes d'assurance.
L'Ordre souhaite que la Sécu réduise son emprise sur la carte CPS
Soucieux de la sécurité des échanges électroniques entre confrères, l'Ordre travaille toujours à son projet de fusion de la carte ordinale avec la carte à puce des professionnels de santé (ou carte CPS, utilisée à la fois pour chiffrer et signer les documents électroniques et pour télétransmettre les feuilles de soins). Ce projet est maintenant commun aux quatre Ordres (médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes et sages-femmes) mais rencontre des problèmes « juridiques, formels, politiques et financiers », selon le Dr Chassort.
L'Ordre des médecins souhaite « rapatrier sur la carte ordinale les fonctionnalités d'authentification, de sécurisation et de signature de la CPS », explique-t-il. « La télétransmission n'est qu'une mission connexe de la CPS », rappelle le Dr Chassort, même si les données relatives à l'assurance-maladie constituent aujourd'hui « ce qui, technologiquement, alourdit le plus cette carte et ce qui l'a plombée dès le départ, alors que c'est une bonne carte ». Il faudrait selon lui que les pouvoirs publics opèrent « un tournant avec la Sécurité sociale pour qu'elle perde son pouvoir politique et financier » au sein du Groupement d'intérêt public « CPS » (GIP CPS).
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