LE QUOTIDIEN - En arrivant à la présidence de l'institution ordinale, vous vous étiez fixé comme objectif de réconcilier les médecins avec leur Ordre. Pensez-vous y être parvenu ?
Pr BERNARD GLORION - Ce n'est pas à moi de répondre à cette question. En tout cas, nous avons fait beaucoup d'efforts de communication car on reprochait au Conseil national d'être replié dans sa tour d'ivoire. Maintenant est-ce que j'ai réconcilié les médecins avec l'Ordre ? Je ne vais pas faire preuve de fausse modestie. J'ai de nombreux témoignages de satisfaction de médecins qui considèrent en effet qu'on est dans la bonne voie et que l'on doit continuer.
N'y a-t-il pas un décalage de plus en plus grand entre le « modernisme » affiché par le Conseil national et les actions des conseils départementaux souvent mal vécues par les médecins ?
Nous sommes certainement allés un peu plus vite. Nous avons entrepris une action de rénovation de notre institution sur le plan national et nous n'avons pas toujours été suivis en paroles et en actes par les conseils départementaux. Il y a beaucoup d'efforts pour établir une unité d'action et de pensée entre le Conseil national et les conseils départementaux. Bien entendu, il y a encore des réticences. Il y a ceux qui pensent détenir la vérité, qui agissent de manière autonome. Sans compter que certains conseillers n'ont pas peur d'avancer leur appartenance syndicale et nourrissent le dessein de transformer les ordres départementaux en organismes syndicaux. C'est pourquoi la réforme acctuellement en projet prévoit un non-cumul des fonctions ordinales et syndicales.
Justement, vous avez placé votre mandat sous le signe de la modernisation de l'Ordre. Or, la fameuse réforme de ses structures promise depuis dix ans n'a toujours pas vu le jour.
Elle est en route, elle est même très avancée. Le projet de loi de modernisation sanitaire qui contient les éléments de cette réforme est finalisé. Il est devant le Conseil d'Etat. Il doit être adopté en conseil des ministres dans le courant du mois de juillet. Il sera transmis au Parlement à l'automne.
En revanche, la discussion parlementaire risque d'être longue. Mais on peut espérer qu'elle sera adoptée au premier trimestre 2002. Nous avons besoin de ces modifications de structure. Si je suis aussi attaché à l'institution, c'est parce que je suis intimement convaincu de sa nécessité mais aussi convaincu de la nécessité de la réformer. Cette réforme permettra à l'Ordre de s'assurer de la compétence des professionnels, d'être représenté administrativement au niveau régional où la politique de santé se décide de plus en plus, et surtout d'améliorer le système disciplinaire : non-cumul des mandats, apparition du sursis, transformation du plaignant en partie et non plus en simple témoin et présidence des audiences par un magistrat chargé de représenter la société et d'apporter la technique judiciaire. Ces éléments doivent modifier considérablement le paysage disciplinaire qui est actuellement contesté. Il y a urgence à changer cela.
Comment analysez-vous l'évolution du statut des médecins dans la société depuis quelques années ?
Si le statut du médecin a évolué, c'est que la société a évolué. La demande a beaucoup changé. La société est de plus en plus instruite, de plus en plus informée, de plus en plus demandeuse de responsabilités dans la décision médicale. La place du médecin n'est donc plus ce qu'elle était il y a trente ou quarante ans quand il était tout-puissant, prenait toutes les décisions et écrasait le patient de son autorité. Nous sommes aujourd'hui dans une équilibre différent. C'est une mutation sociale importante qui entraîne une mutationdu statut du médecin.
En dehors de la demande des patients, l'irruption des contraintes économiques et la remise en cause de l'omnivalence du diplôme en médecine ont considérablement modifié l'exercice médical. Comment l'Ordre accompagne-t-il ces changements ?
Il y a une spirale d'exigence de qualité et de sécurité qui fait que, maintenant, exercer une spécialité, c'est exercer une surspécialité ; car l'on ne cesse de demander des actes difficiles qui ne peuvent être exécutés que par des gens formés spécifiquement. Ils doivent assurer la qualité de l'acte et dans une certaine mesure son économie. Si on fait d'une façon répétée une intervention chirurgicale, on a toutes les chances d'avoir des résultats meilleurs. Cela se traduit par une durée d'hospitalisation plus brève, une absence de complication et une récupération plus rapide. On est là dans un processus irréversible où le statut du médecin sera conditionné par les limites de son activité. C'est ce que nous avons appelé, dans nos réflexions, l'exercice restreint. L'Ordre a accompagné cette évolution en reconnaissant un certain nombre d'activités limitées. En allant dans ce sens-là, on a toutes les raisons de penser que l'on va dans la bonne voie ; car, ce qui serait préjudiciable, ce sont des médecins ou des chirurgiens qui penseraient encore qu'ils sont capables de procéder à toutes les interventions. Il faut s'y opposer. A partir du moment où les progrès de la science permettent d'étendre les techniques, un seul homme ne peut pas assurer l'ensemble de ces techniques.
Vous avez souvent dit que l'Ordre devait aussi être celui des malades. Etes-vous parvenu là encore à modifier l'image plutôt conservatrice de l'Ordre vis-à-vis du grand public ?
Une de mes idées fortes a été d'arriver à faire comprendre que l'Ordre des médecins est là pour protéger les malades et non pas pour protéger les médecins. On nous a souvent fait ce reproche de corporatisme. C'est une idée complètement périmée. Nous sommes là pour faire respecter les exigences déontologiques qui sont la garantie de la qualité, et à ce titre, nous sommes les défenseurs des malades. D'ailleurs, quand vous regardez le code de déontologie, là où il y devoir des médecins, on retrouve le droit des malades. On peut imaginer qu'il y ait également une partie consacrée aux droits des médecins et aux devoirs des malades. Le devoir des malades, c'est de respecter les médecins.
Quels sont, à votre avis, les grands défis que devra relever l'Ordre dans les années à venir ?
L'énorme chantier qui s'annonce est d'abord la mise en place d'un dispositif de garantie de la qualité des actes médicaux. Il y a tout un dispositif d'évaluation des actes et de la compétence à mettre en place, pour laquelle l'Ordre se sent une responsabilité. Si on doit inscrire les médecins au tableau de l'Ordre, on doit pouvoir garantir leurs compétences. Ensuite, la rénovation de l'organisation des soins sera sans doute l'autre grand défi. L'exercice de la médecine va devenir plus collégial, pluridisciplinaire, et s'exercer au sein de réseaux de soins, notamment en raison du vieillissement de la population. Ces mesures structurelles sont indispensables, même si elles ne doivent pas remettre en cause l'intimité de la relation entre le patient et le médecin. On va entrer dans une nouvelle ère passionnante.
Le Pr Bernard Glorion : « L'Ordre est désormais dans la bonne voie »
Publié le 17/06/2001
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Propos recueillis par Céline ROUDEN
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Source : lequotidiendumedecin.fr: 6938
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