ON S'ATTEND à une remontée du chômage dans les mois qui viennent ; le déficit du commerce extérieur s'accroît, témoignant de notre faible capacité à exporter, même quand le dollar s'apprécie par rapport à l'euro, même quand le prix des matières premières diminue de façon considérable ; la crise, qui a sapé les marchés financiers, s'étend maintenant à l'immobilier. Et quand le bâtiment ne va pas…
L'inflation, le ralentissement économique ou le risque de récession ne sont pas imputables à la gestion du gouvernement. Ils sont produits par la mondialisation qui peut, comme on le voit, répandre la paupérisation comme elle répand la prospérité. Il n'est pas injuste de rappeler à Nicolas Sarkozy qu'on ne peut pas «aller chercher la croissance avec les dents»: elle a ses propres mouvements, indépendamment des actions gouvernementales. Ainsi, en Espagne, le gouvernement a lancé un plan de relance de 20 milliards d'euros. Le Premier ministre, M. Zapatero, n'en a pas moins promis des temps difficiles à ses compatriotes.
Deux leçons.
On peut tirer de ce constat deux leçons contradictoires : la première est que le volontarisme en économie a des effets très médiocres et que rien n'est plus facile, pour une majorité politique, que de s'attribuer une croissance qui, en réalité, peut alternativement apporter misère ou prospérité ; la seconde est qu'une autre gestion aurait peut-être permis au pays de franchir l'étape, toujours provisoire, de la récession. Voilà pourquoi le TEPA (travail, emploi, pouvoir d'achat) continue, quinze mois après son adoption, d'alimenter la polémique : il aurait privé le gouvernement de toute marge de manoeuvre. Mais pourquoi ne dit-on pas que, d'une certaine façon, il s'agissait d'un plan de relance avant l'heure, que les heures supplémentaires ont soutenu le pouvoir d'achat, et que la déduction des intérêts sur les emprunts immobiliers a retardé, sinon empêché la crise de l'immobilier ? À la fin de l'été, François Fillon a réuni d'urgence son gouvernement, à la suite de la publication de chiffres qui annonçaient une forte bourrasque économique. Quand il a décidé de ne rien faire, après avoir affirmé que la situation était moins grave qu'il n'y paraissait, il voulait dire en réalité que l'on ne fait pas un plan de relance chaque année.
On se permettra de maintenir que les efforts du gouvernement ont eu des effets positifs que la crise mondiale a balayés ensuite. Les détracteurs du gouvernement ne peuvent pas nier que, jusqu'à la fin du premier trimestre 2008, le chômage n'a cessé de diminuer, que les salaires ont un peu augmenté, que le pouvoir d'achat s'est amélioré. Mais maintenant, nous sommes au coeur de la crise. En faisant l'amalgame entre les réformes et les conséquences inévitables d'une crise qui nous vient d'ailleurs, l'opposition et les syndicats se livrent à une analyse peu subtile que l'opinion hésite à reprendre à son compte. C'est plutôt avec fatalisme qu'elle accueille les effets pervers du ralentissement mondial.
Il n'empêche : la crise arrive en France comme l'un de ces ouragans tropicaux qui ruinent une région. Nous y laisserons certainement la plupart des gains que les décisions de l'exécutif ont apportés. Le plus grand chagrin nous sera infligé par une hausse probable d'un chômage qui n'a été substantiellement réduit qu'au bout de trente ans et avec la complicité d'une démographie en baisse. Nous ne sommes même pas parvenus à diminuer l'incompressible noyau de 2 millions de chômeurs.
Ces considérations ne valent que pour l'impartialité du débat, elles n'empêcheront pas le jugement politique négatif que les Français, plongés une fois de plus dans une morosité tenace, formuleront contre leurs dirigeants. Ils constateront qu'ils s'appauvrissent, sans que nous ayons réduit le déficit ou la dette. Dans ce contexte, la charge lancée contre le chef de l'État par Jean Peyrelevade dans son livre : « Sarkozy, l'erreur historique » ne fera qu'attiser l'incendie. On notera toutefois que le vice-président du MoDem aurait voulu aller plus loin que M. Sarkozy, qu'il estime que les 35 heures n'ont pas été démantelées et qu'il faut réduire à la fois les charges sociales des entreprises et le pouvoir d'achat des Français, responsable du déficit extérieur. Au fond, ce qu'il veut, c'est une cure d'austérité et de rigueur pour la France ; ce n'est pas avec de telles idées que l'on se fait beaucoup d'amis ou que l'on se fait élire.
Même l'Allemagne…
La critique de fond, celles des libéraux, c'est que le gouvernement n'a pas mis au point la fameuse « politique de l'offre » censée guérir tous nos maux. De quoi s'agit-il ? D'augmenter la compétitivité des entreprises en réduisant les coûts de revient, en créant des produits innovants, en investissant à long terme dans la recherche et le développement. C'est la réforme mise en oeuvre par l'ancien chancelier social-démocrate allemand Gerhard Schröder. Elle a rendu à l'Allemagne sa puissance exportatrice : l'Allemagne fait des produits et des machines que le monde entier s'arrache.
Il se trouve néanmoins que la France a commencé cette réforme, laquelle prendra des années : elle l'a fait en réformant les universités, en organisant des pôles de compétitivité, en favorisant l'innovation, en réduisant les charges des PME. De M. Peyrelevade au MEDEF, tout le monde libéral insiste sur l'indispensable politique de l'offre. Mais il n'y a pas de miracle : l'Allemagne aussi est victime de la crise, craint une remontée du chômage, constate une baisse du pouvoir d'achat. Il ne suffit pas d'avoir un excédent commercial.
Un simple coup d'oeil sur l'état de l'Europe et de l'Amérique permet de comprendre que les meilleurs programmes de relance ne suffisent pas à atténuer les effets d'une crise. De fait, l'espoir vient plus des cycles économiques que des actions providentielles : le dollar remonte vivement, le prix du pétrole et des matières premières redescend ; dans quelques mois, les conditions seront réunies pour un redémarrage des économies, mais chacun d'entre nous l'aura payé cher. Il nous restera l'amertume d'avoir à peine aperçu la lumière au bout du tunnel social en 2007 avant de replonger dans l'obscurité en 2008.
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