DE NOTRE CORRESPONDANTE
ON SAIT QUE les agrégats protéiques sont éliminés de la cellule par autophagie. Il s'agit d'un processus au cours duquel la cellule englobe une partie de son cytosol dans une membrane à double feuillet, la vacuole autophagique, et le transporte vers les lysosomes pour être dégradé. Ce processus est donc important dans une variété de maladies neurodégénératives causées par la présence intraneuronale d'agrégats protéiques toxiques, comme la maladie de Huntington (huntingtine mutante), la maladie de Parkinson familiale (alphasynucléine-mutante) ou des démences fronto-temporales (tau-mutante). Dès lors, une activation de l'autophagie pourrait constituer une stratégie pour traiter ces diverses maladies.
La rapamycine est la seule molécule connue jusqu'à présent pour activer l'autophagie dans le cerveau mammifère. Cet effet est lié à son inhibition de la protéine kinase mTOR (pour Mammalian Target of Rapamycin), une enzyme qui régule négativement l'autophagie chez de nombreux organismes, allant de la levure à l'homme.
Toutefois, les protéines mTOR contrôlent également d'autres processus cellulaires (biogenèse du ribosome, traduction protéique), ce qui contribue probablement aux complications de l'emploi à long terme de la rapamycine, telles que l'immunosuppression.
Il serait donc préférable d'identifier des moyens plus sûrs pour activer l'autophagie.
Des agents qui accentuent les effets de la rapamycine.
Une équipe dirigée par Stuart Schreiber (université de Harvard, Etats-Unis) et David Rubinsztein (université de Cambridge, Royaume-Uni) a décrit une nouvelle approche qui lui a permis de découvrir des petites molécules modulant l'autophagie mammifère.
«Dans un premier temps, nous avons utilisé un criblage de petites molécules afin de découvrir de nouveaux agents qui accentuent les effets de la rapamycine sur les cellules de la levure, explique au “Quotidien” le Dr Stuart Schreiber. La rapamycine est une petite molécule qui inhibe mTOR, un régulateur clé du signal nourricier intracellulaire. Puis, nous avons découvert que certains de ces activateurs des effets de la rapamycine, ou SMER (Small Molecule Enhancers of Rapamycin), activent l'autophagie dans les cellules mammifères, cela par une voie indépendante de la rapamycine.»
«Notre stratégie de dépistage s'est révélée bonne puisque nos SMER découverts de cette façon ciblent sans doute des composants conservés de l'ancienne voie d'autophagie.»
Les chercheurs ont identifié 3 SMER qui activent l'autophagie des protéines agrégées telles que l'huntingtine mutante et l'alphasynucléine A53T.
Ils montrent en outre que ces SMER atténuent la toxicité de l'huntingtine mutante dans les cellules (agrégation et mort cellulaire réduite), ainsi que, in vivo, chez un modèle de mouche drosophile.
Enfin, grâce à un dépistage d'analogues structurels de ces SMER, les chercheurs ont identifié des médicaments candidats supplémentaires qui activent l'élimination par autophagie.
Bactéries, virus, cancers.
Plusieurs implications cliniques sont envisagées par le Dr Stuart Schreiber.
«Des médicaments qui activent l'autophagie pourraient être utilisés pour traiter les maladies neurodégénératives du cerveau, comme la maladie de Huntington, car l'autophagie a montré qu'elle joue un rôle protecteur contre les agrégats protéiques qui sont associés à la pathologie de la maladie de Huntington.»
Ces activateurs de l'autophagie, ou SMER, pourraient également avoir un usage thérapeutique dans des maladies infectieuses, puisque diverses bactéries (dont le Mycobacterium tuberculosis, le StreptococcusA…) et virus (dont le virus herpétique de type 1, ou HSV1) sont dégradés par autophagie.
Enfin, «le cancer est une autre maladie potentielle qui pourrait bénéficier des petites molécules modulant l'autophagie», ajoute-t-il. Dans ce cas-là, il faudrait inhiber l'autophagie avec des molécules dites SMIR.
«Des travaux supplémentaires sont nécessaires pour optimiser sur le plan thérapeutique les composés chefs de file décrits dans l'étude», prévient le Dr Schreiber.
Nature Chemical Biology, 4 mai 2007, DOI: 10.1038/nchembio883.
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