LE DÉPISTAGE généralisé et systématique à la naissance de la mucoviscidose a été mis en place en France en 2002. Il consiste à identifier l'homozygotie (l'existence de deux gènes mutés venant chacun des parents) afin d'entreprendre, pour la centaine d'enfants qui naissent avec cette maladie chaque année, non pas un traitement curatif, mais une surveillance et une prévention adaptées au risque infectieux. Toutefois, ce dépistage de l'homozygotie s'accompagne automatiquement du dépistage de quelques hétérozygotes (gène muté venant d'un seul parent) qui sont des porteurs sains et n'ont aucun risque d'être malades. Car il faut savoir que le test biochimique précédant le test génétique ne permet de détecter que 1,5 % de l'ensemble des hétérozygotes (à peu près quatre cents sur les 800 000 naissances). Les 98,5 % restants d'hétérozygotes ne seront pas dépistés.
Dans ce contexte, la question posée au Comité consultatif national d'éthique (Ccne) se résume ainsi : que faire de l'information sur l'hétérozygotie de l'enfant ? Si ce dépistage n'est pas directement utile à l'enfant (il n'est pas malade), il peut en revanche être précieux pour les parents qui découvrent à cette occasion, pour seulement 1,5 % d'entre eux, leur statut de porteur sain. En effet, sachant que si les deux parents sont porteurs chacun de la mutation, un enfant sur quatre sera malade, les géniteurs peuvent anticiper les conséquences et demander un conseil génétique préventif pour une naissance ultérieure. Mais alors, s'interroge Didier Sicard, président du Ccne : «Si on commence à faire de cette connaissance une connaissance systématique, est-ce qu'on n'entre pas dans une sorte de dépistage où l'enfant est source d'information pour ses parents ?»
Ne pas enfermer l'être humain dans son statut génétique.
Face à ce dilemme, le Ccne a élaboré une stratégie qui repose sur un principe : que la révélation systématique du statut de porteur sain d'un nouveau-né ne soit pas «encouragée», compte tenu de l'absence d'intérêt direct pour l'enfant. «Il s'agit de ne pas transformer un être humain en un être enfermé dans son statut génétique, avec le risque de sacralisation du gène que cela comporte», estiment les membres du groupe de travail de l'avis n° 97. Cependant, les sages suggèrent que l'on puisse informer les parents du fait «que le statut de porteur sain pourra éventuellement être mis en évidence chez leur nouveau-né», mais que le résultat ne sera pas automatiquement communiqué «avant une étape d'information et de réflexion». Le Ccne recommande que «cette non-révélation aux parents du statut hétérozygote puisse s'accompagner, dans la formule de consentement, d'une information selon laquelle les résultats du test conservés dans une biobanque pourraient leur être communiqués par le responsable de celle-ci, à leur demande spécifique et après compréhension des enjeux». Les membres du comité veulent dissocier, «autant que faire se peut», le temps des informations concernant l'état de santé de l'enfant qui vient de naître du temps des informations concernant l'état de santé éventuel des enfants à venir. Ils proposent également, tout en soulignant les dangers de toute politique systématique généralisée des porteurs sains, «qu'une étude prospective limitée soit menée concernant les conséquences psychologiques, sociales et médicales, d'une possibilité pour de futurs parents, de réaliser, dans le cadre d'une véritable procédure de consentement libre et informé, un test permettant de connaître leur statut éventuel de porteur sain».
Elle permettrait, selon eux, d'ouvrir la réflexion sur les modalités les plus appropriées d'accès aux tests génétiques pour les futurs parents qui en feraient la demande.
En conclusion, les membres du groupe de travail demandent que toute politique de dépistage systématique à la naissance ne soit entreprise qu'après une évaluation «la plus complète possible de l'ensemble de ses conséquences et notamment de ses effets collatéraux». Pour les sages, le dépistage de la mucoviscidose est «emblématique d'une approche ayant conduit a posteriori à la reconnaissance de problèmes éthiques, alors qu'ils étaient a priori prévisibles (et même inéluctables) , mais non envisagés».
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