Le pôle de justice « économique et de santé publique » a des locaux

Publié le 14/09/2003
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C'est aujourd'hui 15 septembre que Marie-Odile Bertella-Geffroy, « pièce maîtresse » du pôle de justice « économique et de santé publique », et son greffier quittent le palais de justice de Paris pour le 5-7, rue des Italiens (9e). Pour autant, ce n'est pas le jour « J » de l'installation du nouveau service du tribunal de grande instance (TIG) de la capitale.

« Tout devrait se faire à la fin de la semaine. Je suis confronté à quelques difficultés de mise en place, des ajustements sont nécessaires », dit au « Quotidien » Philippe Herald, vice-président du TIG responsable du service pénal, chargé de l'opération. Et, du fait d'une certaine confusion, on ne connaît toujours pas le nombre exact de magistrats du pôle et leurs noms.
Destiné à couvrir 25 cours d'appel, soit les trois quarts du territoire national, le pôle de justice « santé » devrait assurer le regroupement des plaintes des victimes, permettant alors de travailler dans la cohérence.
« Si tout va bien ». En fin de semaine dernière, rien ne laissait présager que l'édifice tant attendu n'allait pas « se casser la figure ». Tout ce qui touche au droit de l'alimentation et de l'environnement basculera à terme du pôle financier au pôle « santé ». Marie-Odile Bertella-Geffroy, la magistrate du sang contaminé, qui travaillera très certainement avec Mme Auclair-Rabinovitch, elle aussi spécialiste de l'instruction des affaires de santé, sera entièrement chargée de l'amiante ou encore de la vache folle, dossiers qu'elle partage pour l'instant avec le pôle financier.
Outre ces deux juges d'instruction, le pôle « santé » en comprendra en principe trois autres, chargés de la dimension économique des procédures sanitaires ; mais rien n'est sûr, « il pourrait y en avoir deux ». Leur désignation relève du président du TIG.

Les craintes des victimes

D'autre part, le pôle compte sur deux assistants spécialisés : l'un, un médecin-inspecteur, est en place depuis juillet pour le parquet, l'autre, un pharmacien-inspecteur, serait affecté au siège. Enfin, sept magistrats, substituts et vice-procureurs, seront placés sous l'autorité du procureur de Paris. « Si tout va bien. »
En dépit de la création du pôle « santé », nombre d'avocats de victimes de scandales sanitaires (hormone de croissance contaminée, vache folle, amiante, vaccin antihépatite B, Tchnernobyl, etc.), craignent que la législation actuelle et la position de la Cour de cassation n'entraînent l'impossibilité d'obtenir des procès dans lesquels la responsabilité des décideurs sera examinée, quitte à ce qu'ils soient relaxés. Le 18 juin dernier, la Cour de cassation a rendu un arrêt de non-lieu général dans le drame du sang contaminé. Le tournant, estiment les avocats, a été amorcé par la loi Fauchon du 10 juillet 2000 sur les « délits non intentionnels ». En vertu de ce texte, pour poursuivre un « délit non intentionnel », comme l'homicide involontaire, qualification fréquente dans les affaires de santé, il faut, en cas de dommage « indirect », démontrer une « faute caractérisée » d'une « particulière gravité ». Or, dans les dossiers sanitaires, la démonstration du lien entre la décision de responsables et la mort ou les blessures est souvent difficile. Quant à faire la preuve d'une « faute caractérisée », c'est encore plus délicat. Ainsi, dans l'affaire de Tchernobyl, établir un rapport entre chaque cancer de la thyroïde et un défaut d'information sur « le nuage » est, de l'avis des parties civiles, quasiment impossible. « Il manque une politique pénale de santé publique, des outils juridiques adaptés et des moyens matériels. Reste à savoir s'il y a une volonté politique de mettre ces moyens à la disposition de la justice pénale », déclarait Marie-Odile Bertella-Geffroy le 19 juin dernier. Une réponse sera fournie, peut-être, par le pôle « santé » après quelques mois de fonctionnement.

Philippe ROY

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7382