Conférence de consensus
L'URTICAIRE se caractérise par l'apparition de papules mobiles, fugaces et prurigineuses. Lorsque l'œdème atteint la partie profonde du derme ou de l'hypoderme, les lésions prennent l'aspect de tuméfactions fermes, pâles, plus douloureuses que prurigineuses, pouvant persister de 48 heures à 72 heures. Il s'agit alors d'une urticaire profonde, ou angio-œdème. Près de 50 % des malades présentent l'association de ces deux formes d'urticaire.
Lorsque l'éruption persiste plus de six semaines, sur un mode permanent ou récidivant, on parle d'urticaire chronique (UC).
L'anamnèse.
L'interrogatoire précise un certain nombre de paramètres : la chronologie, les antécédents personnels et familiaux, les prises médicamenteuses chroniques (IEC, sartans, aspirine et Ains) et occasionnelles (codéine et morphiniques), les habitudes alimentaires (surconsommation d'aliments histamino-libérateurs), la notion d'urticaire de contact (latex) et les professions exposées, les circonstances déclenchantes d'une urticaire physique (effort, frottement, pression, chaleur, froid, eau, exposition solaire, vibrations), le rôle du « stress » en tant que facteur aggravant et les signes d'accompagnement évoquant une maladie générale.
L'examen clinique.
A l'examen dermatologique, certains localisations sont d'emblée évocatrices d'une étiologie : dermographisme, urticaire retardée à la pression, urticaire cholinergique, angio-œdème du visage. L'examen général doit être complet et plus particulièrement orienté vers une maladie auto-immune chez l'adulte. Il est complété, en cas de suspicion d'urticaire physique, par des tests adaptés mais il ne faut pas oublier que certains ne sont pas dénués de risque et qu'ils doivent être réalisés dans des conditions de sécurité optimale pour le patient.
L'abord étiologique.
En cas d'urticaire chronique banale isolée sans signes cliniques d'orientation étiologique, le jury conseille de n'effectuer aucun examen complémentaire systématique d'emblée mais de proposer, en première intention, un traitement antihistaminique anti-H1 pendant de 4 à 8 semaines. Un bilan minimal d'orientation peut ensuite être effectué chez les patients considérés comme résistants à ce traitement, qui comprend : NFS, VS, dosage de la protéine C réactive, recherche d'anticorps antithyroperoxydase (et en cas de positivité, dosage de la TSH).
Chez les sujets ayant des signes cliniques suggérant une orientation étiologique, les tests de provocation ad hoc sont prescrits d'emblée :
- urticaire au froid : cryoglobulinémie, cryofibrinogénémie, Ig monoclonale, agglutinines froides ;
- urticaire solaire : phototests standardisés ;
- angio-œdèmes chroniques ou récidivant isolé sans lésion superficielle : recherche d'un déficit en inhibiteur de la CI estérase ; angio-œdème chronique localisé de la face inexpliqué : panoramique dentaire, scanner des sinus ;
- urticaire « atypique » ou association à d'autres signes cutanés : biopsie cutanée ;
- dysthyroïdie clinique : dosage de la TSH, anticorps antithyroglobuline, antithyroperoxydase, voire antirécepteurs de la TSH ;
- signes extracutanés orientant vers une maladie systémique : examens paracliniques en fonction du signe d'appel.
Les examens allergologiques.
En matière d'urticaire chronique, les experts considèrent que les investigations allergologiques doivent se limiter à la recherche d'une allergie ou d'une intolérance alimentaire et d'une urticaire de contact. Il est à ce propos essentiel de différencier « l'allergie alimentaire » de mécanisme immunologique, qui est très rare, et « l'intolérance alimentaire », plus fréquente et le plus souvent liée à une surconsommation en amines biogènes. Sont ainsi inutiles les recherches de sensibilisation aux pneumallergènes, aux additifs, aux conservateurs, aux contaminants, aux arômes et aux médicaments.
Les investigations orientées utiles sont, en revanche, le carnet alimentaire sur sept jours en matière d'allergie alimentaire, avec éviction sur trois semaines des aliments suspects (à l'issue desquelles le diagnostic de fausse allergie alimentaire est retenu sur la nette amélioration de l'urticaire), la recherche de sensibilisation IgE dépendante aux aliments par des tests cutanés en cas de suspicion d'une allergie alimentaire vraie, et, la pratique de tests épicutanés, de tests ouverts avec lecture immédiate et surtout de prick tests, en présence d'une urticaire de contact.
En cas de négativité, un test d'application répétée peut éventuellement être tenté.
Résistance à une monothérapie antihistaminique.
La résistance à un traitement antihistaminique anti-H1 ne s'envisage qu'après quatre à huit semaines de traitement bien conduit en tenant compte de l'histoire naturelle de l'urticaire, dont l'évolution vers la rémission est possible. En l'absence d'une rémission complète, il est nécessaire de reprendre l'interrogatoire et l'examen clinique, et de les compléter, même si l'urticaire est isolée, par des examens biologiques : NFS, VS, dosage de la CRP et des anticorps antithyroperoxydase.
Au plan thérapeutique, le jury préconise dans un premier temps de remplacer l'anti-H1 de seconde génération par une autre molécule de cette classe, ou d'instituer une bithérapie anti-H1 de seconde génération le matin, anti-H1 de première génération le soir, principalement en cas de prurit ou de troubles du sommeil. En cas d'échec d'une de ces deux stratégies (évaluation de quatre à huit semaines plus tard), il conseille d'essayer successivement différents anti-H1 et, en dernier recours, d'opter pour une prise en charge multidisciplinaire en milieu spécialisé.
Prise en charge psychologique.
Comme pour d'autres dermatoses chroniques, une association entre stress, symptomatologie anxiodépressive et urticaire chronique a été rapportée, ainsi que la fréquence de l'alexithymie (difficultés à verbaliser les émotions), avec un indéniable retentissement sur la qualité de vie. Il est de ce fait licite de proposer une prise en charge des facteurs psychologiques.
A la première consultation, il faut fournir au malade une explication détaillée de l'affection, de son évolution chronique et du projet de soin, en dédramatisant la situation. Parfois, une recherche plus approfondie paraît appropriée : souffrance psychique évidente, demande d'aide psychologique exprimée par le malade, résistance au traitement anti-H1, urticaire retardée à la pression. Quelques questions simples concernant les facteurs de stress et leur relation avec les poussées, la symptomatologie d'anxiété ou dépressive, les idées suicidaires, peuvent alors servir de guide.
Assumée dans la majorité des cas par le médecin traitant, cette prise en charge peut comporter la prescription d'un anti-H1 sédatif, un soutien psychologique, de la relaxation, une thérapie cognitivo-comportementale. En cas de syndrome dépressif, l'usage fera préférer l'utilisation d'antidépresseurs de nouvelle génération (non tricycliques, non Imao).
Un avis psychiatrique peut enfin être demandé.
D'après la session FMC sur la prise en charge de l'urticaire chronique (compte rendu de la conférence de consensus, avec la participation de P. Joly, M.-S. Doutre, E. Collet.
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