REFERENCE
Lésions cérébrales et troubles de l'audition
L'infection à CMV est la principale cause de lésions cérébrales et des troubles de l'audition de l'enfant.
Le CMV est un virus du groupe herpès, responsable d'une infection initiale (primo-infection) souvent inapparente. Il peut exister des récurrences liées soit à une réactivation endogène, soit à une réinfection exogène. Son retentissement sur le fœtus est potentiellement grave, mais il est rare et imprévisible.
Le Dr Bernard Guillois (Caen) a insisté sur le fait qu'en France 2 000 enfants naissent infectés par le cytomégalovirus après une primo-infection maternelle et 3 400 après réinfection maternelle ; 600 d'entre eux présenteront des séquelles, 30 décès en seraient la conséquence.
Les séquelles possibles sont la surdité (17 % de surdités inférieurs à 40 décibels diagnostiquées entre la naissance et 4 ans), le retard mental et les choriorétinites.
Boppana et Istas ont décrit 34 % de prématurité, 50 % de retard de croissance intra-utérin.
Ces enfants sont souvent ictériques, ils présentent des pétéchies et une splénomégalie.
Les examens biologiques montrent une thrombopénie, des transaminases plus ou moins élevés.
Les lésions sont diagnostiquées à l'échographie (calcifications intracérébrales intra-hépatiques ; anses intestinales hyperéchogènes ; hydrocéphalie) et au besoin confirmées par IRM fœtal.
Gradient Nord-Sud
Le Dr F. Audibert (Clamart) a rappelé que plus de la moitié des femmes enceintes sont exposées à une séroconversion.
La séroprévalence de cette maladie est liée au bas niveau socio-économique.
Il existe un gradient Nord-Sud de 35 à 65 % en France.
Contact avec des enfants d'âge préscolaire
Les femmes à risque sont celles en contact avec les enfants d'âge préscolaire : les mères de famille, d'abord, puis les femmes professionnellement en contact avec de jeunes enfants (puéricultrices, institutrices, infirmières).
Chez la femme enceinte, la transmission maternofœtale sera de 30 à 40 % après primo-infection ; elle sera de : 20 à 35 % au 1er trimestre, 30 à 45 % au 2e trimestre, 40 à 75 % au 3e trimestre.
Boppana et coll. ont montré (« N Engl J Med », 2001) qu'une infection maternelle secondaire ne met pas le fœtus à l'abri d'une contamination.
Asymptomatique dans 90 % des cas
Chez la mère, cette infection est asymptomatique dans 90 % des cas. Elle peut parfois être responsable d'un syndrome pseudogrippal avec fièvre, myalgie, céphalée, on peut également retrouver des cas de myocardites, hépatites, anémie hémolytique, etc.
Les conséquences fœtales et néonatales sont plus sévères après une primo-infection.
Moins de 10 % des enfants présentent une infection symptomatique à la naissance.
Le Pr Audibert a évoqué le risque de dérive possible si l'on met en évidence des IgM au 1er trimestre de grossesse.
En effet, la présence de ces dernières a souvent incité à une interruption médicale de grossesse (IGM-IMG) ; or, après infection fœtale, le risque de séquelle est inférieur à 10 % (nécessité d'un suivi échographique).
La présence d'IgM au 1er trimestre de grossesse peut être le témoin d'une infection ancienne (nécessité d'une sérologie antérieure ?).
Amniocentèse, échographie, IRM
La contamination fœtale est recherchée par amniocentèse (recherche du virus par PCR ou par culture). Enfin, le fœtus lui-même est surveillé par échographie et IRM.
Le traitement de l'infection fœtale à cytomégalovirus est à son point de départ.
Protocoles en évaluation
Certains protocoles thérapeutiques sont en cours d'évaluation. Une étude pilote multicentrique sur l'efficacité du valaciclovir a été rapportée par E. Jacqz-Aigrain et J.-F. Oury. Le groupe CMV de l'Institut de puériculture (Paris) étudie la possibilité d'utilisation du ganciclovir chez le nouveau-né.
A l'heure actuelle, le problème est d'éviter la pratique de trop nombreuses interruptions médicales de grossesse en dépistant le CMV en cours de grossesse et en diagnostiquant les formes risquant la présence de séquelles graves et handicapantes chez l'enfant à naître.
Dépistage systématique :
la controverse
Le dépistage systématique n'est pas admis par tous. S'il est pratiqué trop tôt, certains craignent la pratique d'IMG injustifiées.
L'équipe de l'hôpital de Saint-Vincent-de-Paul (F. Lewin et coll.) ont montré les problèmes inhérents à un dépistage pratiqué pendant neuf ans.
L'efficacité de la prévention n'est pas prouvée contrairement à ce que l'on admet pour la toxoplasmose.
L'anxiété induite par ce dépistage est notable. Le devenir à long terme d'enfant asymptomatique est rassurant.
La recherche d'IgM est difficilement gérable en début de grossesse.
Pour le Dr Barjot, le dépistage malgré tout, est nécessaire. Il est pratiqué depuis dix ans au CHU de Caen afin « d'éviter un génocide ». Cinq IMG seulement ont été effectuées. Le dépistage par échographie néonatale complété par IRM et confirmé par les examens biologiques permet de pronostiquer l'évolutivité et la gravité de l'atteinte fœtale.
Ce n'est pas l'avis du Dr Mandelbrot (Colombe) qui estime que les signes d'appel échographiques doivent permettre d'évoquer le diagnostic et de le confirmer par IRM. La recherche de l'infection fœtale se fera ensuite par prélèvement du sang fœtal.
La position du Collège national des gynécologues-obstétriciens français, rapporté par le Dr Damien Subtil, va d'ailleurs dans ce sens, estimant que les conditions de réaliser un dépistage en France ne sont pas réunies à l'heure actuelle.
Néanmoins, l'infection néonatale à CMV est un problème de santé publique qui mérite d'être approfondi (prévention, traitement...).
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