Généralités
- Prévalence : un Français sur trois déclare avoir eu, au moins une fois, un « bouton de fièvre », soit tout de même 18,5 millions de personnes (enquête Sofres, avril 1991).
- Profil épidémiologique : des modifications récentes ont été notées à la fois dans le sens d'un recul de l'âge de la primo-infection dans les pays développés et vers une transmission accrue à la sphère génitale, peut-être dans le sillage des modifications des pratiques sexuelles induites par le sida.
- Méconnaissance : cette maladie reste encore étonnamment mal connue des patients qui en souffrent. Ainsi, 90 % des sujets atteints d'herpès orolabial (« bouton de fièvre ») méconnaissent le baiser comme voie de contamination (enquête française Louis Harris pour l'association Herpès, janvier 1998) et 60 % d'entre eux ignorent le risque de contamination génitale d'un herpès orolabial au cours de pratiques sexuelles orogénitales (enquête de la Société française de médecine générale, juin 1998). Cette méconnaissance de la maladie, responsable de sa propagation, impose l'effort d'une meilleure information de nos patients.
Voici donc une petite mise au point.
Virus Herpes simplex
L'herpes orofacial se définit comme l'ensemble des manifestations en rapport avec l'infection de la peau et/ou des muqueuses de l'extrémité céphalique (œil exclu) par un virus Herpes simplex (HSV).
Sur le plan virologique, HSV appartient à la vaste famille des Herpesviridae. Il s'agit d'un virus enveloppé, fragile, à ADN bicaténaire. Doté du pouvoir de rester indéfiniment dans les ganglions nerveux (phénomène de latence), il est responsable d'une véritable pandémie chez l'homme, son seul réservoir.
Deux sous-types distincts sont individualisables, HSV1 et HSV2. C'est HSV1 qui est très majoritairement responsable des localisations orofaciales (tandis que les deux virus se partagent les localisations génitales avec jusqu'à 40 % d'herpès génitaux dus à HSV1).
La transmission de l'herpès orofacial implique un contact direct avec un sujet excrétant du virus ou avec ses sécrétions (salive). Une auto-inoculation par les doigts est possible, une transmission indirecte envisageable (le virus ne survivant que de une à deux heures en milieu sec mais jusqu'à 72 heures en milieu humide).
Clinique
Sur le plan clinique, l'herpès est responsable de lésions vésiculeuses fragiles, souvent ombiliquées, rapidement érosives puis croûteuses. Le regroupement des lésions réalise le « bouquet herpétique », aux contours polycycliques, très évocateur.
Au-delà de ces traits cliniques communs, deux tableaux bien distincts s'opposent :
- la primo-infection, premier contact avec le virus,
- la récurrence, réactivation du virus dans les ganglions nerveux (ganglion de Gasser).
La primo-infection est en règle asymptomatique. Dans 25 à 30 % des cas cependant, elle réalise la classique gingivostomatite aiguë de l'enfant. Elle survient
cinq jours après le contact contaminant sous la forme d'une gingivostomatite aphtoïde intrabuccale, douloureuse et fébrile, gênant plus ou moins l'alimentation. Il s'y associe éventuellement quelques éléments vésiculeux cutanés orolabiaux, voire plus distants. La guérison survient en une dizaine de jours. La durée moyenne d'excrétion virale est de huit jours.
Les récurrences prennent habituellement l'aspect du « bouton de fièvre ». On leur connaît plusieurs facteurs déclenchants : le stress, la fatigue, les règles, la fièvre, l'exposition ultraviolette, la chirurgie de la bouche ou du ganglion de Gasser, les lasers de la face ou encore les injections péridurales de morphine. Elles sont en général annoncées par des prodromes (prurit, douleur locale) et restent localisées, sans signes généraux, affectant toujours le même territoire. L'excrétion virale dure trois jours.
La fréquence des récurrences est extrêmement variable d'un sujet à l'autre (en moyenne 2,4 par an) et tend à décroître avec le temps chez un individu donné.
Complications
Les formes compliquées d'herpès orofacial surviennent en règle générale sur un terrain prédisposé.
Ainsi, chez l'immunodéprimé, les lésions herpétiques prennent volontiers un aspect nécrotique, extensif, douloureux, donnant lieu à de grands délabrements cutanés. Elles s'accompagnent de signes généraux, voire de manifestations viscérales (pharyngite, œsophagite, pneumopathie, hépatite...).
Chez le nouveau-né, l'herpès expose à de graves complications viscérales (méningo-encéphalite, pneumopathie, hépatite).
Chez la femme enceinte, la survenue d'une primo-infection herpétique orofaciale, surtout au troisième trimestre, expose au risque d'hépatite fulminante herpétique parfois fatale. Aussi doit-on porter la plus grande attention à la survenue de lésions herpétiques orofaciales pendant la grossesse.
L'herpès peut aussi venir compliquer, « surinfecter », une dermatose préexistante : c'est le syndrome de Kaposi-Juliusberg. Le plus souvent, il survient dans le cadre d'une dermatite atopique, plus rarement en cas de dermite séborrhéique, de maladie de Darrier, de pemphigus, de brûlures, de gale ou encore d'impétigo... Du fait de sa gravité, ce diagnostic doit être évoqué a priori dans le contexte d'une dermatose à risque, devant toute aggravation brutale et rebelle en particulier au niveau céphalique.
Enfin, on rappellera que l'herpès reste la première cause d'érythème polymorphe.
Le diagnostic de l'herpès orofacial est clinique dans toutes les formes typiques. Dans les cas de diagnostic difficile ou dans les formes compliquées, on aura recours au prélèvement de vésicules fraîches pour culture et/ou recherche d'antigènes. La sérologie n'a pas d'intérêt diagnostique.
Prise en charge
Sur le plan thérapeutique, la seule molécule ayant une AMM dans l'herpès orofacial est l'aciclovir (Zovirax cp à
200 mg et solution buvable à 200 mg/5 ml destinée aux enfants de plus de deux ans)*. Il s'agit d'un analogue nucléosidique, inhibiteur de réplication virale, à la fois très sélectif, très efficace et peu toxique, y compris pendant la grossesse. Il présente en revanche une biodisponibilité médiocre et une faible demi-vie (2-3 heures), nécessitant des prises fréquentes (de 3 à 5 fois par jour). Malgré une très large utilisation, les résistances restent heureusement rares et concernent essentiellement les immunodéprimés.
Son utilisation en pratique est désormais bien clarifiée (conférence de consensus, avril 2002).
La primo-infection herpétique symptomatique (gingivostomatite) requiert un traitement, dès le diagnostic évoqué, par l'aciclovir per os (200 mg x 5 par jour) ou par voie intraveineuse si la voie orale est impossible
(5 mg/kg x 3 par jour ou 250 mg/m2 x 3 par jour) pendant cinq à dix jours. Ce traitement est assorti de mesures symptomatiques de lutte contre la douleur (lidocaïne visqueuse) et de réhydratation.
En ce qui concerne les récurrences, le traitement curatif par aciclovir per os n'est pas recommandé car il n'est bénéfique ni en terme de délai de guérison ni en terme de durée des symptômes douloureux. Il en est de même des traitements topiques (aciclovir, antiseptiques...), dont aucun n'a fait la preuve de son efficacité.
En revanche, le traitement préventif des récurrences par aciclovir per os présente un intérêt (exception faite des récurrences induites par le soleil qui relèvent seulement de l'application d'un stick labial écran solaire). Il est indiqué chez les patients présentant plus de six récurrences par an avec retentissement socioprofessionnel important (400 mg x 2 par jour). D'effet suspensif, il doit être maintenu pendant au moins six mois, voire un an.
Information
En marge de ce volet thérapeutique, il importe également d'insister sur la nécessité d'informer les patients atteints d'herpès récurrent.
Sur l'histoire naturelle de l'infection : notion de latence, impossibilité d'éradication du virus par les traitements actuels, caractère imprévisible des récurrences avec cependant une décroissance globale de leur fréquence dans le temps.
Sur les risques de contagiosité des récurrences pour l'entourage et pour soi-même (durée médiane d'excrétion virale de trois jours).
Sur les précautions minimales à prendre au quotidien en cas de poussée, pour limiter les risques de transmission :
- ne pas embrasser les nouveau-nés, les enfants en bas âge, les atopiques, les immunodéprimés, les femmes enceintes ;
- ne pas toucher, gratter les lésions ;
- ne pas partager brosse à dents ou linge de toilette ;
- ne pas se frotter les yeux ou les paupières ;
- ne pas avoir de rapports sexuels orogénitaux.
Pour conclure, nous rappellerons que 7 % seulement des patients atteints de bouton de fièvre en connaissent l'origine virale. C'est dire toute l'importance de mieux les informer... Car, dans l'attente d'un éventuel vaccin ou de nouveaux antiviraux, il s'agit là de l'un des moyens les plus efficaces de lutte contre la dissémination de l'affection.
* Le valaciclovir a depuis peu une AMM dans le traitement préventif des récurrences (1 cp à 500 mg par jour pendant au moins 6 mois), mais son remboursement dans cette indication n'est pas encore acquis.
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