Pronostic
Le pronostic du cancer du rectum dépend de l’apparition de récidives locales et de métastases ganglionnaires.
Le traitement chirurgical classique de ce cancer est l’exérèse chirurgicale totale de l’organe et de son méso (proctectomie). Les tumeurs les plus basses du rectum imposent une amputation abdomino-périnéale, avec colostomie définitive. Les techniques d’exérèse locale de la tumeur n’ont pas les mêmes inconvénients (mortalité, complications et séquelles postopératoires, colostomie définitive).
Les techniques chirurgicales
Il existe deux types de techniques d’exérèse locale de tumeur rectale : les techniques d’exérèse par voie endo-anale, encore dénommées transanales, grâce à l’abaissement de la tumeur par fils ou lambeau tracteur ; l’exérèse doit être monobloc, totale en épaisseur jusqu’à la graisse périrectale ; ce sont les techniques les plus usitées à l’heure actuelle.
On peut en rapprocher la technique d’exérèse par microchirurgie transanale, peu usitée en raison du coût du matériel, non dénuée de complications graves, dont 1 % de péritonites, et de séquelles gênantes, dont 3 % d’incontinence fécale. Elle permet, en revanche, l’exérèse de tumeurs jusqu’à la hauteur du cul-de-sac de Douglas…
L’électrocoagulation est une technique maintenant ancienne : c’est une thermo-destruction au bistouri électrique de la tumeur ; la morbidité n’est pas nulle, mais elle peut encore rendre service pour des patients dans un état très précaire.
Les techniques d’exérèse par rectotomie nécessitent une voie d’abord externe au rectum qui, en fonction du siège de la tumeur, peut être périnéale antérieure ou postérieure.
Ces techniques sont pratiquement abandonnées aujourd’hui en raison de leur morbidité et de leurs séquelles.
Indications
L’exérèse de la seule tumeur impose l’absence d’envahissement ganglionnaire, jugée sur l’écho-endoscopie et/ou l’IRM préopératoire obligatoire.Dès lors, les indications sont fondées sur des critères pronostiques.
Critères morphologiques. Le taux de récidives des tumeurs du rectum augmente de façon importante dès que le diamètre tumoral dépasse 3,5 centimètres : la chirurgie locale n’a d’indications que pour les tumeurs de moins de 3 cm de diamètre.
Les tumeurs bourgeonnantes sont moins pénétrantes dans l’épaisseur de la paroi que les tumeurs infiltrantes et, donc, plus accessibles à la chirurgie locale.
Les tumeurs ulcérées donnent plus d’envahissement ganglionnaire et se prêtent probablement moins à cette chirurgie.
Critères anatomo-pathologiques. La profondeur de l’atteinte pariétale et, en particulier, sous-muqueuse est le facteur pronostique majeur.
En effet, le risque d’envahissement ganglionnaire est de 10 % globalement pour les tumeurs T1, de 20 % pour les tumeurs T2, ce qui devrait les exclure des indications de la chirurgie d’exérèse locale.
De plus, la classification histologique des tumeurs T1 en trois sous-groupes – T1sm1, envahissement superficiel de la sous-muqueuse ; T1sm2, envahissement moyen de la sous-muqueuse ; T1sm3 envahissement profond de la sous-muqueuse – a permis de montrer que les tumeurs T1sm1 n’ont pratiquement pas de métastases ganglionnaires, alors que les tumeurs T1sm3 en ont à peu près 25 % : ces dernières ne constituent donc pas une indication à la chirurgie locale.
Le pronostic des tumeurs T1sm2 n’est pas encore connu. En outre, le moindre degré de différenciation tumorale, les emboles tumoraux vasculaires ou lymphatiques, les engainements périnerveux par la tumeur et les marges d’exérèse douteuses ou envahies constituent des facteurs pronostiques péjoratifs.
Une tumeur de moins de 3 cm de diamètre, bien différenciée, très superficielle Tis ou T1sm1, sans embole vasculaire et engainement périnerveux, constitue des éléments de bon pronostic et pourrait donc constituer l’indication idéale de la chirurgie locale.
Ces données doivent être obligatoirement confirmées par un examen histologique postopératoire qui doit bien préciser la profondeur de l’envahissement sous-muqueux.
A défaut, l’exérèse locale devrait être considérée comme insuffisante et à compléter soit par une exérèse traditionnelle, soit par un traitement complémentaire radiochimiothérapique pour les patients à risque chirurgical.
Comparaison avec les proctectomies classiques
Selon une très récente étude du « British Journal of Surgery », portant sur 100 cas, la mortalité postopératoire serait nulle pour la chirurgie d’exérèse locale, mais de près de 10 % (de 4 à 8 % suivant l’âge) pour la classique proctectomie.
La morbidité serait de l’ordre de 10 %, temporaire pour 40 % de morbidité majeure en chirurgie classique.
Fonctionnellement, l’incontinence fécale ne serait jamais définitive ; il n’y aurait pas de séquelles urinaires, pas de séquelles digestives, pas de syndrome de résection rectale avec l’exérèse locale.
Cependant, des études antérieures ont rapporté des complications parfois graves dont des péritonites par perforation, des hémorragies, des troubles durables de la continence anale.
Les résultats carcinologiques sont d’interprétation difficile, car les résultats publiés proviennent d’un grand nombre d’études rétrospectives, hétérogènes quant aux techniques utilisées et aux tumeurs opérées, et semblent aussi dépendre de la qualité technique, et de la précision des indications.
Ainsi, dans une série randomisée comparant la chirurgie transanale à la résection antérieure, il n’y a pas de différence de survie à 4 ans.
Pour une série de Morson de 91 patients : 3 % de récidives locales pour les tumeurs T1 et T2. Pour une série de Garcia de 55 patients : 18 % de récidives et 77 % de survie pour les tumeurs T1. Trente-sept pour cent de récidives et 55 % de survie pour les tumeurs T2.
Pour une série ultérieure importante de Garcia de 108 patients, 18 % de récidives pour 69 tumeurs, 47 % de récidives pour 39 tumeurs T2.
Alors que ce même auteur, avec les proctectomies classiques, n’a aucune récidive pour les T1 et 6 % pour les T2, les résultats sont analogues à ceux de la littérature.
Une grande série comparant les exérèses transanales aux exérèses classiques pour les tumeurs T1 note 25 % de récidives pour 151 exérèses transanales, 6 % de récidives pour 168 cas d’exérèses classiques.
Dans une revue générale de la littérature portant sur 22 séries d’exérèse transanale et 958 patients, les récidives locales varient de 0 à 32 %.
A l’inverse, selon une petite série de 20 patients où l’indication est posée pour des tumeurs très superficielles, il est possible d’atteindre une mortalité nulle et une survie de 100 % à cinq ans.
En conclusion, les résultats dépendent d’indications bien posées ; les résultats opératoires ne sont pas exempts de complications ; les résultats fonctionnels ne sont peut-être pas encore bien évalués, notamment en ce qui concerne la continence anale.
Les résultats carcinologiques sont très étroitement liés aux données histologiques fournies par l’étude d’une pièce enlevée de façon monobloc et indiquant bien la profondeur d’envahissement de la sous-muqueuse.
Seraient de bonnes indications à la chirurgie d’exérèse locale :
– les petites tumeurs de moins de 3 cm de diamètre,
– basses, mobiles, accessibles (à moins de 5 cm de la marge anale),
– histologiquement très superficielles et sans critères anatomo-pathologiques défavorables : Tis-T1sm1, et peut-être T1sm2, ces dernières n’étant pas encore suffisamment documentées.
Exérèse locale et radio-chimiothérapie néoadjuvante
Un quart des patients porteurs de tumeurs du rectum T2 ou T3 répondent favorablement à une radio-chimiothérapie néoadjuvante puisque 14 % des tumeurs redeviennent pT1 et 10 % redeviennent pT2.
Le risque d’atteinte ganglionnaire dans le mésorectum pour ces patients est de 6 % et la réponse ganglionnaire est parallèle à la réponse tumorale.
Compte tenu de ces données, certains auteurs posent, en des termes autres que les seuls résultats carcinologiques, la question de la validité de l’exérèse locale face à l’exérèse classique et proposent une stratégie qui élargit l’indication de la chirurgie d’exérèse locale à des tumeurs T1, T2, voire T3, des patients qui ont bien répondu au traitement néoadjuvant radio-chimiothérapique et qui deviennent porteurs, dès lors, d’une tumeur résiduelle, de moins de 2 cm de diamètre, réduite à une cicatrice non infiltrante et non bourgeonnante, avec une atteinte pariétale pT0 ou pT1 à l’examen anatomopathologique postopératoire ; le risque d’envahissement ganglionnaire serait alors pratiquement nul.
Ces patients sont, après exérèse locale, l’objet d’une surveillance rigoureuse, comprenant tous les quatre mois un examen clinique, une TDM et une écho-endoscopie pour déceler une éventuelle récidive ou d’une métastase ganglionnaire et décider alors d’une chirurgie classique ou d’un traitement chimio-radiothérapique adjuvant.
En cas de mauvaise réponse histologique postopératoire avec atteinte pariétale pT2 ou pT3, ou de marges insuffisantes et/ou envahies, la tumorectomie serait considérée comme une simple exérèse biopsie et le traitement serait poursuivi par proctectomie classique au mieux au cours de la même hospitalisation et, en tous cas, avant le premier mois suivant l’exérèse, car les études ont prouvé que la chirurgie de rattrapage précoce ne changeait pas le pronostic initial.
L’information au patient devrait être évidemment complète, et son accord recueilli pour la totalité de la stratégie thérapeutique.
108e Congrès français de chirurgie.
Exérèse locale d’un cancer du rectum : quelles indications et quelles techniques pour quels résultats ?
D’après les communications de F. Michot (Rouen), E. Rullier (Bordeaux), B. Sastre (Marseille), P. Valleur (Paris).
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