REFERENCE
----:Environ 12 000 enfants malformés
Le thalidomide est un dérivé de l'acide glutamique. Il a été introduit en Europe en 1954, comme sédatif et hypnotique, afin de limiter les nausées chez la femme enceinte.
Dès 1959, les premiers bébés souffrant de malformations (bras, jambes, oreilles, yeux, cur et reins) naissent. Le retrait total du marché dans les 46 pays, où il était alors commercialisé, a été définitif à la fin de l'année 1961. Environ 12 000 enfants sont nés avec des malformations secondaires à la prise de ce médicament.
----:Propriétés anti-angiogéniques et apoptotiques
Les études pharmacologiques ont montré que le thalidomide possède des propriétés immunomodulatrices et anti-inflammatoires. Par ailleurs, elles ont montré aussi qu'un métabolite du thalidomide présente une activité anti-angiogénique par inhibition de la néovascularisation liée au VEGF (Vasculo Endothelial Growth Factor) et au bFGF (Fibroblast Growth Factor). Un effet apoptotique (l'apoptose est la mort programmée de la cellule) a été observé ainsi qu'une diminution du TNF-alpha et de l'interleukine 6.
Ce sont ces propriétés anti-angiogénique et apoptotique qui ont été exploitées dans les tumeurs malignes, pathologies où l'angiogenèse est essentielle à la prolifération et à la dissémination métastatique.
Il était donc logique d'explorer le thalidomide dans les pathologies à pouvoir angiogénique important : le sarcome de Kaposi et le myélome multiple.
-----:Myélome multiple réfractaire
L'équipe de Barlogie de l'université de l'Arkansas, aux Etats-Unis, a utilisé le thalidomide chez 84 patients porteurs d'un myélome multiple réfractaire. Le médicament a été délivré per os à des doses allant de 200 à 800 mg/m2/jour. Le taux sérique de la paraprotéine a été réduit de 90 % chez 8 patients, de 75 % chez 6 patients, d'au moins de 50 % chez 7 patients et d'au moins de 25 % chez 6 patients, pour un total de taux de réponse de 32 %. Après douze mois de suivi, la survie médiane sans récidive et la survie totale pour tous les patients ont été de 22 % et de 58 % respectivement (1).
----:Sarcome de Kaposi
Dans le sarcome de Kaposi lié au SIDA, tumeur fortement vascularisée, produisant et répondant aux facteurs angiogéniques bFGF et VEGF, le thalidomide a été essayé chez 20 patients pour des doses allant de 200 à 1 000 mg/m2/jour. Les réponses étaient : 8 réponses partielles et 2 stabilisations. Le temps médian jusqu'à progression était de 7,3 mois (2).
----:Autres essais
Le thalidomide a été essayé dans le cancer du rein et s'est montré peu efficace. Dans un premier essai, il a été observé 2 RO sur 33 patients évaluables et dans le deuxième essai, 2 RO sur 29 patients évaluables.
Le thalidomide a été également essayé dans les gliomes de haut grade de malignité, récidivants, pathologie qui exprime le bFGF et le VEGF. Des réponses objectives ou mineures ainsi que des stabilisations et des survies à 1 an ont été observées.
Des études sont en cours chez des patientes atteintes d'adénocarcinome mammaire métastatique lourdement prétraitées.
Les indications en cours d'évaluation sont donc :
- le myélome multiple en échec des traitements de chimiothérapie anticancéreuse ;
- le sarcome de Kaposi ;
- le cancer du rein métastatique ;
- les gliomes de haut grade de malignité ;
- la myélodysplasie ;
- la myélofibrose ;
- la splénomégalie myéloïde.
----:Principales toxicités
Les principales toxicités de ce médicament sont :
- digestives (constipation, nausées) ;
- cutanées (rash, sécheresse) ;
- neurologiques (sédation, vertiges, céphalées, neuropathies).
La neuropathie est à type de polynévrite axonale, distale, sensitive ou motrice, survenant entre trois et dix-huit mois de traitement et est lentement réversible.
----:Conclusion
En conclusion, le thalidomide est un médicament anti-angiogénique qui a été exploité en onco-hématologie surtout dans des tumeurs à potentiel angiogénique important comme le myélome multiple et le sarcome de Kaposi lié au SIDA, avec une activité acceptable. Il mérite donc d'être essayé dans d'autres tumeurs, peut-être dans un contexte moins réfractaire.
Références :
(1) S. Singhal , J. Mehta , R. Desikan et coll. Antitumor activity of thalidomide in refractory multiple myeloma. « N Engl J Med », 1999 ; 341 : 1565-1571.
(2) R. F. Little, K. M. Wyvill, J. M. Pluda et coll. Activity of thalidomide in AIDS-related Kaposi's syndrome. « J Clin Oncol », 2000 ; 18 : 2593-2602.
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