Mycosis fongoïde
Le mycosis fongoïde est la forme la plus fréquente (44 %) des lymphomes primitivement cutanés. Il démarre parfois dans l'enfance, plus souvent vers 40-50 ans, mais le diagnostic n'est souvent affirmé qu'avec retard, en moyenne entre 55 et 60 ans. Il se manifeste par des lésions érythémateuses, parfois pigmentées, finement squameuses, touchant surtout le tronc (fig. 1), ressemblant un peu à un psoriasis ou à un eczéma (fig. 2 et 3). Les formes hypopigmentées, ou pilotropes, peuvent être plus trompeuses cliniquement (fig. 4 et 5). L'évolution est lente, sur des décennies, avec l'apparition de plaques plus infiltrées et plus nombreuses, et enfin de tumeurs qui souvent évoluent vers l'ulcération (fig. 6) ; à ce stade, le risque d'extension ganglionnaire ou viscérale est plus élevé. Mais l'espérance de vie dans les formes localisées en plaques est la même que celle de la population témoin du même âge, la survie à 10 ans est de 98 %. Le diagnostic est d'abord clinique, car l'histologie des formes débutantes est souvent assez peu spécifique. L'infiltrat dermique superficiel est composé de cellules T CD4 +, qui migrent dans l'épiderme. La mise en évidence d'un clone T peut éventuellement aider à un diagnostic plus précoce.
Le traitement est d'abord local (dermocorticoïdes, photothérapie, Caryolysine), et peut ensuite être systémique (méthotrexate, bexarotène) en cas d'efficacité insuffisante ou d'intolérance aux traitements locaux (2, 3). Les tumeurs nécessitent habituellement un traitement par radiothérapie. L'atteinte ganglionnaire et viscérale est tardive, traitée par chimiothérapie.
Syndrome de Sézary
Le syndrome de Sézary est plus rare. Il débute par un érythème prurigineux et évolue en quelques mois à quelques années vers une érythrodermie (fig. 7). Il existe des adénopathies périphériques, une hyperlymphocytose avec des cellules de Sézary circulantes (> 1 000/mm3), une élévation du rapport CD4/CD8 (> 10) et la présence d'un clone T dans la peau et le sang. La qualité de vie est très altérée et le pronostic mauvais avec une médiane de survie allant de deux à quatre ans selon les critères diagnostiques utilisés. La mortalité est secondaire à la maladie elle-même ou aux complications des traitements.
Les traitements permettent rarement une rémission complète. On a recours aux mêmes médicaments que ceux utilisés pour le mycosis fongoïde, et aussi aux cytaphérèses, à la photothérapie extracorporelle, à l'alemtuzumab.
Lymphoproliférations cutanées CD30 +
C'est la deuxième forme par ordre de fréquence des lymphomes primitivement cutanés (20 %), comprenant les lymphomes anaplasiques cutanés CD30 + et la papulose lymphomatoïde, avec parfois des formes de passage entre les deux pôles de cette entité (4). Le diagnostic nécessite une expertise en matière d'histopathologie cutanée et une concertation avec le dermatologue. Il ne faut en effet pas confondre avec une localisation cutanée de maladie de Hodgkin (qui exprime aussi le CD30).
Lymphomes anaplasiques cutanés CD30+
Les lésions sont uniques ou multiples, sous la forme de nodules supracentimétriques qui souvent évoluent vers l'ulcération et qui peuvent régresser spontanément (fig. 8). La récidive est possible, le plus souvent cutanée, l'atteinte ganglionnaire est rare, le plus souvent locorégionale (qui reste de bon pronostic). La dissémination ganglionnaire ou viscérale est rare. Le traitement est avant tout local par radiothérapie. Le pronostic est bon avec une survie à 10 ans supérieure à 90 %.
Papulose lymphomatoïde
Les lésions sont multiples, papules ou petits nodules, qui évoluent constamment vers la nécrose et la régression spontanée, laissant souvent une petite cicatrice (fig. 9). Là où les poussées durent de un à trois mois.
Le diagnostic peut sembler histologiquement inquiétant et nécessite une concertation anatomoclinique. L'association à un autre lymphome (qui précède ou qui suit le diagnostic de la papulose de plusieurs années parfois), a été rapportée dans 10 à 20 % des cas. Il s'agit principalement de mycosis fongoïde et de lymphomes anaplasiques cutanés CD30 +. Mais une étude récente, avec un suivi moyen de plus de six ans, a montré que seulement 4 % des patients évoluaient vers un autre lymphome. Il ne faut donc pas traiter par excès cette lymphoprolifération dont le pronostic est excellent. On utilise principalement les dermocorticoïdes, la PUVA, la Caryolysine ou le méthotrexate à faible dose.
Fig. 6 : mycosis fongoïde évoluant depuis 15 ans Apparition de lésions tumorales et ulcérées de la cuisse (dr)
Fig. 7 : érythrodermie au cours d'un syndrome de Sezary (dr)
Autres formes
Des formes plus rares existent, suspectées cliniquement (nodules profonds dans les lymphomes cutanés T à type de panniculite, lésions chalazodermiques dans les lymphomes cutanés T granulomateux), et caractérisées par l'histologie (lymphomes épidermotropes CD8 +, lymphomes cutanés T pléiomorphes à petites et moyennes cellules ; lymphomes à cellules T/NK, lymphomes à cellules T g/d, lymphomes-leucémies à cellules T de l'adulte).
Conclusion
Les lymphomes primitivement cutanés T sont difficiles à diagnostiquer cliniquement et histologiquement dans les formes débutantes. Le pronostic est le plus souvent bon, avec une espérance de vie qui n'est pas ou peu affectée par la maladie dans le mycosis fongoïde ou les lymphoproliférations CD30 + qui représentent les deux tiers de l'ensemble des lymphomes primitivement cutanés. Cela justifie l'usage de traitements peu agressifs, dont le but est principalement d'améliorer la qualité de vie. Dans certaines formes plus rares et plus graves, un traitement agressif est justifié, en raison de l'évolution spontanément grave de la maladie.
Références:
(1) B. Vergier, M. Beylot-Barry, C. Beylot, A. de Mascarel, M. Delaunay, A. de Muret et al. Pilotropic cutaneous T-cell lymphoma without mucinosis. A variant of mycosis fungoides ? French Study Group of Cutaneous Lymphomas. « Arch Dermatol »,1996 ; 132 : 683-687.
(2) H. Bachelez, M. Bagot, M. Beylot-Barry, A. Claudy, F. Grange, J.J. Grob et al. Algorithme thérapeutique des lymphomes T cutanés. « Ann Dermatol Venereol », 2005 ; 132 : S43-44.
(3) E. Esteve, M. Bagot, P. Joly, P. Souteyrand, M. Beylot-Barry, L. Vaillant et al. A prospective study of cutaneous intolerance to topical mechlorethamine therapy in patients with cutaneous T-cell lymphomas. French Study Group of Cutaneous Lymphomas. « Arch Dermatol », 1999 ; 135 : 1349-1353.
(4) B. Vergier, M. Beylot-Barry, K. Pulford, P. Michel, J. Bosq, A. de Muret et al. Statistical evaluation of diagnostic and prognostic features of CD30 + cutaneous lymphoproliferative disorders : a clinicopathologic study of 65 cases. « Am J Surg Pathol », 1998 ; 22 : 1192-1202.
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