La bradycardie du sportif
Tous les athlètes ne présentent pas de particularités électrocardiographiques. Ainsi, un électrocardiogramme normal est observé dans 50-55 % des cas, tous sports confondus. «Ces particularités se rencontrent le plus souvent chez les spécialistes d’endurance; 60% d’entre eux présentent en effet un électrocardiogramme modifié», précise le Pr Carré.
Parmi ces particularités électrocardiographiques, la bradycardie sinusale est la plus classique, la plus impressionnante aussi car elle peut atteindre moins de trente battements par minute au repos. Pourtant, elle reste le plus souvent modérée, puisque seulement 4 à 5 % des sportifs endurants ont une fréquence cardiaque inférieure à 40 battements par minute. La plupart des sportifs ont, en fait, une fréquence cardiaque de repos voisine de 50-55 bpm.
Cette bradycardie est le reflet de la réponse individuelle du sportif à un entraînement intense : elle ne s’observe que chez les sportifs dits de « haut niveau d’entraînement », c’est-à-dire pratiquant plus de 6 à 8 heures de sport par semaine à une intensité dépassant 65-70 % de la fréquence cardiaque maximale individuelle, et le plus souvent depuis de nombreuses années. Cette bradycardie suit les variations normales sur le nycthémère, avec une majoration de la bradycardie en période nocturne et une parfaite adaptation aux situations de stress, et en particulier à l’exercice physique, la fréquence cardiaque maximale théorique (220-âge ± 10) étant toujours atteinte. Toute symptomatologie clinique chez un sportif ou toute atypie imposera la pratique d’un bilan spécialisé.
Origine multifactorielle
L’origine de la diminution de la fréquence cardiaque de repos est multifactorielle. Cette bradycardie est liée à la fois à une augmentation du tonus parasympathique et à une baisse du tonus sympathique, mais également, chez les sportifs de haut niveau, à une diminution de la fréquence cardiaque intrinsèque.
A la bradycardie de repos s’associe chez l’athlète une augmentation moins rapide de la fréquence cardiaque à l’effort par rapport aux sujets sédentaires. Ces deux facteurs, bradycardie et augmentation chronotrope inférieure à l’effort, favorisent un meilleur remplissage diastolique et ainsi un volume d’éjection systolique plus important. Cette augmentation du volume d’éjection systolique permet d’effectuer des efforts modérés sans augmenter la fréquence cardiaque.
Epargne
«L’athlète épargne sa fréquence cardiaque lors des efforts modérés, ainsi, lors d’un effort plus intense, il bénéficiera donc d’une réserve de fréquence cardiaque plus importante pour réaliser des exercices plus intenses», explique le Pr Carré. Cette réserve de fréquence cardiaque correspond à la différence entre la fréquence cardiaque maximale et la fréquence cardiaque de repos. La fréquence cardiaque maximale étant peu modifiée par l’entraînement, plus la fréquence cardiaque de repos est basse et plus la réserve de fréquence cardiaque sera importante. Ainsi, pour les efforts sous-maximaux, la fréquence cardiaque du sujet entraîné étant moins élevée, son travail cardiaque sera moins important. De plus, le ralentissement de l’accélération de la fréquence cardiaque à l’effort permettra au sportif de faire un effort plus intense et plus prolongé.
Enfin, l’entraînement améliore également la récupération de la fréquence cardiaque après un effort, essentiellement grâce à un «coup de frein vagal» plus efficace.
A plus long terme
Si les adaptations cardio-vasculaires liées à l’entraînement permettent d’améliorer les performances sportives, le bénéfice d’une activité sportive régulière se mesure également à plus long terme. «Toutes les études ont montré une relation directe entre lenteur du rythme cardiaque au repos et allongement de la durée de vie», précise le Pr Carré. Cet effet bénéfique est en particulier lié au développement du tonus parasympathique sous l’effet de l’entraînement : le tonus parasympathique devient prépondérant par rapport au tonus sympathique, ce dernier étant connu pour favoriser la survenue d’arythmies cardiaques.
Autres particularités
Rappelons brièvement que d’autres particularités électrocardiographiques peuvent se retrouver chez le sportif. Elles concernent les conductions auriculo-ventriculaire et intraventriculaire avec des blocs de bas degré et la repolarisation. Ces dernières posent davantage de problèmes diagnostiques et le moindre doute devra motiver une consultation spécialisée.
«Ces particularités n’entraînent pas de bénéfices pour le sportif, il s’agit de simples marqueurs de l’entraînement», explique le Pr Carré. Seule la bradycardie semble donc avoir un effet bénéfique direct pour le sportif, un effet qui se répercute à la fois sur sa performance physique et sur son espérance de vie.
D’après un entretien avec le Pr François Carré, cardiologue et médecin du sport au CHU de Rennes.
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