L'appendicite aiguë
Est la plus fréquente des urgences digestives de la femme enceinte (de 1,5 à 2,4 pour 1 000 grossesses).
Au premier trimestre .
La douleur de la fosse iliaque droite reste le premier signe évocateur, mais, une fois sur cinq, elle peut être dans le flanc droit, péri-ombilical, pelvienne ou en fosse iliaque gauche ; de plus, elle peut être d'intensité modérée.
Les nausées et les vomissements, la constipation sont possibles, mais difficiles à rattacher à leur véritable cause, tant ils sont habituels en début de grossesse.
La défense en fosse iliaque droite peut être discrète et n'est présente qu'une fois sur trois.
Certains signes inhabituels en début de grossesse doivent attirer l'attention :
– l'anorexie ;
– l'aspect saburral de la langue ;
– l'augmentation de la CRP, non constante.
L'absence de brûlures mictionnelles, la négativité de la bandelette urinaire permettent d'écarter le diagnostic d'infection urinaire.
L'échographie est sans danger pour le foetus et confirme le plus souvent le diagnostic en montrant :
– l'épaississement des parois de l'appendice ;
– leur caractère incompressible ;
– la présence d'un peu de liquide dans la lumière appendiculaire (image échographique de cocarde) ;
– l'existence d'une petite réaction liquidienne péritonéale autour du caecum ou dans le cul-de-sac de Douglas.
En l'absence de conclusion, une nouvelle échographie peut être redemandée quelques heures plus tard, ou bien un scanner ; la dose d'irradiation de cet examen abdomino-pelvien est bien inférieure, en effet, à la dose d'irradiation cumulative totale de 5 à 10 rads admise les 25 premières semaines de la grossesse.
L'échographie et le scanner permettent, en outre, le diagnostic différentiel avec une grossesse extra-utérine ou une torsion d'annexe, plus facilement évoquée à cet âge de la grossesse.
Il faut opérer rapidement.
Le risque d'avortement est faible, de 1 à 8 %.
Aux derniers mois de la grossesse
La douleur spontanée peut, comme au premier trimestre, être modérée, siéger à droite, à gauche, ou être péri-ombilicale.
Les nausées et les vomissements, lorsqu'ils existent, sont toujours pathologiques après le 3e mois de la grossesse.
La fièvre est presque constante, peu élevée ; dans 7 % des cas, elle peut être supérieure à 38 °C.
La douleur provoquée siège dans la FID ou plus haut, elle est majorée par les mouvements de flexion ou d'extension de la cuisse droite et par la mobilisation de l'utérus vers la droite ; lorsque la patiente se tourne sur le côté gauche, la douleur ne s'atténue pas.
Une fois sur cinq, la douleur provoquée est modérée ou absente.
La douleur à la décompression pariétale est fréquente ; elle a la même valeur séméiologique que la défense pariétale.
La palpation d'une contracture utérine a une valeur séméiologique importante, si la défense ou les autres signes locaux sont d'intensité modérée ou absents.
Aucun délai n'est acceptable pour la réalisation d'examens : en effet, une appendicite sur quatre se perfore dès les vingt-quatre premières heures, et deux appendicites aiguës sur trois, au-delà ; les formes perforées ou gangreneuses sont entre trois et cinq fois plus nombreuses qu'en dehors de la grossesse.
C'est pourquoi il faut d'emblée demander les examens d'imagerie : échographie, TDM, éventuellement une IRM, qui donne d'excellentes images tissulaires ; elle serait sans danger, à condition de la faire sans injection de gadolinium.
Quand les examens d'imagerie ne permettent pas de conclure, l'indication d'une cooelioscopie est aujourd'hui licite, même au 3etrimestre de grossesse.
Cet examen permet de voir l'appendice, d'éliminer un diagnostic d'affection non chirurgicale, et surtout de pratiquer l'appendicectomie avec un minimum de manipulations utérines et sans générer de séquelles pariétales.
Comme en dehors de la grossesse, elle entraîne peu de douleurs postopératoires, permet de raccourcir le séjour hospitalier et de diminuer le risque d'infection nosocomiale.
À défaut de diagnostic, l'évolution classique vers le plastron ou l'abcès appendiculaire est rare après le 1er trimestre, l'appendicite se perfore en péritoine libre.
La symptomatologie de cette péritonite généralisée peut être atypique, réalisant souvent un tableau clinique d'occlusion fébrile, avec altération de l'état général, choc septique et hémoculture positive à germes Gram négatif.
Le traitement devient celui de toute péritonite généralisée et nécessite une laparotomie médiane.
Si l'âge de la grossesse le permet, l'indication d'une césarienne comme premier temps opératoire doit être discutée, pour éviter la contamination septique de l'enfant.
Le taux d'accouchement prématuré au décours d'une péritonite atteint 22 %, celui de la mortalité foetale, 35 %.
Ces taux sont d'autant plus élevés que le terme est proche.
D'où l'importance du diagnostic précoce.
La cholécystite aiguë lithiasique
La lithiase biliaire n'est pas rare au cours de la grossesse ; le ralentissement du transit des voies biliaires et le taux croissant des stéroïdes hormonaux interviennent dans l'apparition de calculs vésiculaires, présents chez 2,5 % à 4,2 % des femmes enceintes.
La cholécystite aiguë lithiasique survient dans de 0,01 % à 0,08 % des cas de lithiase biliaire.
Ses signes sont identiques à ce qu'ils seraient en dehors de la grossesse ; le fond utérin qui atteint le rebord costal au 8e mois de la grossesse peut gêner l'examen de l'hypocondre droit, mais l'échographie ou le scanner confirment le diagnostic.
Le traitement antibiotique parvient à refroidir la cholécystite neuf fois sur dix, permet de différer la cholécystectomie et d'opérer après l'accouchement.
Mais :
– 50 % des cholécystites aiguës traitées médicalement avec succès récidivent et, de 30 à 40 % d'entre elles doivent être opérées avant l'accouchement ;
– les récidives sont d'autant plus fréquentes que la cholécystite survient tôt ;
– le taux d'avortements ou d'accouchements prématurés est de 5 % en cas de cholécystite aiguë et de 60 % si la lithiase biliaire se complique de pancréatite aiguë.
Ces chiffres conduisent à légitimer la cholécystectomie en cours de grossesse ; par coelioscopie, même au 2e ou 3e trimestre de la grossesse. La vérification radiologique peropératoire de la voie biliaire principale est sans danger pour le foetus, avec un rayonnement étroit et centré.
L'emploi de l'amplificateur de brillance (irradiation de 20 rads/ min) doit être extrêmement prudent et, chaque fois que possible, remplacé par l'échographie peropératoire ou la cholédoscopie.
L'occlusion intestinale aiguë
L'occlusion intestinale aiguë est peu fréquente chez la femme enceinte : de 6 à 20 cas pour 1 000 grossesses.
Les brides postopératoires d'une intervention abdominale antérieure constituent la cause presque unique : la présence d'une cicatrice de laparotomie doit toujours y faire penser.
L'invagination intestinale est possible, mais encore plus rare.
Le tableau clinique est alarmant :
– les douleurs abdominales sont violentes, spasmodiques, puis permanentes ;
– les vomissements également, et sans comparaison avec ceux d'un début de grossesse ;
– le météorisme abdominal, inconstant, peut être d'appréciation difficile.
Le traitement chirurgical ne doit pas tarder car l'évolution des lésions intestinales vers la nécrose et la perforation met en jeu la vie de la mère et de l'enfant.
Deux clichés radiologiques d'abdomen sans préparation, l'un de face, l'autre debout et couché, suffisent au diagnostic en montrant des images hydroaériques (rappelons que la prise de ces clichés est sans incidence sur le risque de malformations foetales).
Une échographie ou un scanner confirment le diagnostic. Ils permettent d'éliminer le diagnostic d'affections non chirurgicales (colique néphrétique, pyélonéphrite).
Si l'échographie ou le scanner laissent planer un doute, une coelioscopie est légitime ; sous réserve des précautions d'usage, une cicatrice sur l'abdomen n'est pas une contre-indication.
Elle permet parfois de sectionner la ou les brides responsables.
L'intervention par laparotomie médiane reste cependant habituelle.
En conclusion
L'imagerie médicale, notamment l'échographie et le scanner, devrait mettre fin aujourd'hui aux retards diagnostiques responsables de complications graves, d'accouchement prématuré et de mort foetale. La coelioscopie pratiquée au 2e et au 3e trimestre de la grossesse a des avantages démontrés dans de nombreuses études rétrospectives.
Elle n'a pas de morbidité spécifique postopératoire et est reconnue comme bonne pratique par la société américaine de gastro-entérologie chirurgicale.
Des études prospectives multicentriques restent à faire pour confirmer son usage bénéfique pendant la grossesse.
Bibliographie – H. Marret, M. Laffon, L. De Calan, L.-P. Bourlier et Lansac. Urgences chirurgicales au cours de la grossesse. Encyclopédie médico-chirurgicale, gynécologie-obstétrique, 5-049-d10, 2000, 13 p.
– Appendicite aiguë et grossesse. À propos de 21 cas. R. Lebeau, B. Diané, E. Koffi, E. Bohoussou, A. Kouamé. J Gynecol Obstet Biol reprod 2005 ; 34 : 600-605.
– Apendicectomia laparoscopica y embarazo. Expérienza personal y révision de la bibliografia. Carlos Moreno-Sanz, Ana Pascual-Pedreno, Joaquin Picazo-Yeste, Miguel Angel Corral-Sanchez, Manuel Marcello-Fernandez y José Seoane-Gonzales. Servicio de cirugia general. Complejo Hospitalario La Mancha-Centro. Alcazar de san Juan, Ciudad Real.
– 14e Ccongrès de la Société française de chirurgie laparoscopique. 24 février 2008, Paris. Communication : Pierre Mendès Da Costa, Nathalie Verhaeren, Shiran Vandaele, Viviane Till, Christian Simoens (Bruxelles-Belgique).
– Society of American Gastro-intestinal and Endoscopic Surgeons : Guidelines for Diagnosis, Treatment, and Use of Laparoscopy for Problems during Pregnancy. Septembre 2007.
L'appendicite, la plus fréquente des urgences digestives au cours de la grossesse
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