L'identité cutanée
« Par son grain, sa couleur, sa texture, son odeur, la peau humaine présente des différences individuelles considérables [permettant de] s'affirmer soi-même comme un individu ayant sa peau personnelle » (Didier Anzieux, « le Moi-Peau »). Et parmi les multiples composantes de cette « identité » cutanée, la couleur occupe probablement une place considérable, au-delà de simples considérations ethniques.
Biologie
D'un point de vue biologique, la couleur de la peau dépend essentiellement des caractéristiques du système mélanocytaire :
- taille et forme des mélanocytes (cellules originaires de la crête neurale, secondairement implantées in utero dans l'épiderme) ;
- quantité et type de pigment mélanique synthétisé par les mélanocytes (eumélanine brune ou phaeomélanine des roux) ;
- interaction entre mélanocytes et kératinocytes voisins.
Toute défaillance à l'un quelconque de ces niveaux, on le comprend, entraînera une décoloration de la peau (ou leucodermie). Le vitiligo, qui nous intéresse ici, en est la cause la plus fréquente, procédant d'une disparition des mélanocytes.
Diagnostic d'inspection
Sa prévalence est estimée à 1 % en Europe. Son début est souvent précoce, avant 20 ans dans la moitié des cas. Il s'agit, en général, d'un diagnostic d'inspection : taches blanc ivoire ou blanc laiteux, de forme et de taille variables, de contours convexes, de surface lisse, ni squameuse ni atrophique, conservant encore parfois quelques îlots pigmentés.
Dans sa forme dite « généralisée », le vitiligo affecte avec prédilection les extrémités, les zones péri-orificielles, le visage, le cou, le torse, les saillies osseuses des quatre membres et les organes génitaux externes. Au pire, il entraîne une dépigmentation complète ( Vitiligo universalis).
A côté de cette forme habituelle, on décrit aussi, surtout chez l'enfant, une forme unilatérale, grosso modo métamérique : le vitiligo segmentaire, entité à part tant en termes clinique qu'évolutif.
Enfin, l'épiderme n'étant pas le seul « réservoir » mélanocytaire, le vitiligo peut se compléter d'une dépigmentation des muqueuses, des poils et des cheveux ; d'une atteinte ophtalmologique (dépigmentation choroïdienne, uvéite dans 40 % des cas) ou encore d'une atteinte de l'oreille interne (surdité dans 16 % des cas).
On comprend mal
D'un point de vue physiopathologique, la dépigmentation cutanée est le résultat d'une disparition progressive des mélanocytes. On comprend mal cependant le pourquoi de cette disparition. Il existe parfois une composante héréditaire, un tiers des patients atteints ayant un antécédent familial similaire. Un terrain d'auto-immunité est plausible, puisqu'il s'y associe diverses affections auto-immunes (thyroïdopathie, anémie de Biermer, maladie d'Addison, pelade, diabète insulinodépendant). Un facteur « mécanique » est également impliqué : frictions répétées, égratignures, cicatrices étant autant d'occasions pour le vitiligo de gagner en surface (phénomène de Koebner).
Mais quant aux événements réellement responsables de la disparition mélanocytaire, ils s'inscrivent dans diverses théories, neurogène, autotoxique et surtout immunologique, dont aucune n'est pleinement satisfaisante à ce jour.
Cet état des lieux de la physiopathologie du vitiligo explique en grande partie le caractère encore empirique et décevant des moyens thérapeutiques actuels, laissant encore, hélas, plus de la moitié des patients sans résultats satisfaisants.
Conseils simples
Il importe cependant d'insister sur quelques conseils simples : nécessité d'une photoprotection des zones dépigmentées, très vulnérables au soleil ; réduction des frictions mécaniques responsables d'un phénomène de Koebner, recours toujours possible au camouflage cosmétique (maquillage, autobronzant).
A coté de ces quelques mesures élémentaires, d'autres traitements seront à discuter au cas par cas : traitements médicamenteux (corticothérapie locale, voire sytémique), photothérapie (héliothérapie naturelle, PUVAthérapie, UVBthérapie, laser Excimer) ou encore greffe mélanocytaire.
La peau aux avant-postes
Pour conclure, on remarquera que le vitiligo est l'exemple typique de ces maladies « bénignes » qui pourtant vous empoisonnent la vie... Car la « peau est aux avant-postes du sujet », comme le dit Michel Serres. On ne peut donc qu'espérer l'émergence de nouvelles voies thérapeutiques, peut-être dans le sillage de la recherche contre le mélanome, dont certains traitements induisent des vitiligo expérimentaux.
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