Définition et orientation
Définition et principaux éléments d'orientation diagnostique.
Un tremblement correspond à des oscillations rythmiques involontaires de tout ou partie du corps autour de sa position d'équilibre. C'est la forme la plus fréquente de mouvements involontaires. A l'exception du tremblement physiologique (cf. paragraphe tremblement postural), qui survient dans certaines circonstances particulières, un tremblement doit toujours être considéré comme pathologique. L'orientation étiologique sera établie sur les données séméiologiques, notamment en tenant compte de la position dans laquelle survient le tremblement : au repos (mains relâchées et semi-fléchies reposant sur un plan, malade décontracté), au maintien d'une posture (manoeuvre du serment, manoeuvre du bretteur : index en opposition non joints) ; enfin, au cours du mouvement (manoeuvre doigt-nez, talon-genoux, test du verre d'eau). Le tremblement de repos est caractéristique de la maladie de Parkinson, le tremblement postural et d'action évoque les diagnostics de tremblement essentiel ou de tremblement médicamenteux, puis le tremblement d'action et d'intention s'intègre dans le cadre d'un syndrome cérébelleux (cette dernière forme sera développée dans la seconde partie de cet article).
Devant une suspicion de tremblement, les éléments suivants seront systématiquement analysés :
–la localisation, variable en fonction de l'étiologie : le tremblement de la mâchoire est le plus souvent parkinsonien, s'associant alors très souvent à une composante segmentaire de repos asymétrique et distale ; le tremblement céphalique est essentiel ; le tremblement cérébelleux affectera volontiers la racine des membres, parfois la tête et le tronc (tremblement axial) ;
–la circonstance initiale de survenue: au repos, au maintien d'une posture, au mouvement. Ces éléments sont importants si le tremblement est ancien et associe plusieurs composantes (on établira alors la position pour laquelle l'amplitude est maximale) ;
–le caractère unilatéral, bilatéral symétrique ou non ;
–le mode d'installation progressif ou plus rarement brutal ;
–son amplitude, parfois très limitée, ou au contraire majeure conditionnant le handicap fonctionnel et social ;
–la recherche des facteurs aggravants ou au contraire qui atténuent le tremblement. Par exemple, le tremblement disparaît pendant le sommeil (ce qui permet de le différencier des myoclonies) et se majore très souvent à l'émotion ou en cas de stress ;
–sa fréquence: lente en faveur d'une origine parkinsonienne, rapide dans le cadre d'un tremblement essentiel ;
– sa régularité qui permet de le différencier des myoclonies corticales, irrégulières ;
– les antécédents familiaux sont évocateurs d'un tremblement essentiel ;
– les signes neurologiques associés : syndrome parkinsonien, syndrome cérébelleux.
L'évaluation clinique du tremblement reposera également sur le dessin d'une spirale, l'écriture, la mesure du déplacement en centimètres des index à la manoeuvre du bretteur.
Après avis spécialisé, une exploration électromyographique (EMG) et accélérométrique peut parfois être réalisée pour établir le diagnostic positif de certains tremblements (par exemple, le tremblement orthostatique), ou le diagnostic différentiel (par exemple, avec les myoclonies).
Le tremblement de repos parkinsonien
Elément séméiologique clé du syndrome parkinsonien, il constitue le mode le plus fréquent d'entrée dans la maladie de Parkinson, s'associant ensuite à une akinésie (réduction de l'amplitude et de la vitesse des mouvements volontaires et automatiques) et à une hypertonie extrapyramidale (rigidité prédominant sur les muscles fléchisseurs avec un phénomène de roue dentée). Lorsque le tremblement présente l'ensemble des caractéristiques décrites ci-dessous, il est quasi pathognomonique d'une maladie de Parkinson. Cependant, rappelons que le tremblement de repos n'est pas indispensable au diagnostic de maladie de Parkinson (forme akinéto-rigide pure).
Son début est unilatéral ou asymétrique le plus souvent à un membre supérieur (mouvement de flexion-extension des doigts, pronation-supination de la main et de l'avant-bras) ou inférieur (flexion-extension du pied). Par la suite, il peut s'observer aux lèvres, à la langue, à la houppe du menton, mais il épargne le chef. Il apparaît au repos, disparaît au maintien d'attitude et lors du mouvement. D'amplitude variable, il est régulier et de basse fréquence (de 4 à 6 hertz). Il est majoré par l'émotion, le calcul mental et le stress. Un tremblement d'action ou de posture peut parfois s'observer dans le cours évolutif de la maladie, mais la composante de repos demeure prédominante. Au stade des complications motrices, des accès intenses de tremblement des 4 membres avec des sueurs peuvent survenir au cours des périodes off.
Un tremblement de repos peut être présent dans d'autres syndromes parkinsoniens ; dans l'atrophie multisystématisée et la dégénérescence cortico-basale, il est irrégulier et qualifié de tremblement myoclonique. Si le tremblement de repos et le syndrome akinéto-rigide sont d'emblée symétriques, il faut évoquer une origine iatrogène (neuroleptiques). Il existe alors souvent des dyskinésies bucco-linguo-faciales associées.
L'efficacité des traitements antiparkinsoniens sur le tremblement est variable. Les anticholinergiques agissent électivement sur ce symptôme, mais sont contre-indiqués après 70 ans en raison des risques de confusion. La lévodopa et les agonistes dopaminergiques sont actifs, mais nécessitent parfois des doses élevées. La stimulation électrique chronique à haute fréquence du thalamus (noyau ventral intermédiaire) ou celle du noyau subthalamique abolissent le tremblement parkinsonien controlatéral (l'indication potentielle sera posée dans les formes sévères rebelles aux traitements médicamenteux ou en cas d'intolérance).
Le tremblement essentiel
C'est la cause la plus fréquente de tremblement postural. Son origine est inconnue. Trois ou quatre fois plus fréquent que la maladie de Parkinson, il comporte dans plus de la moitié des cas des antécédents familiaux suggérant une hérédité autosomique dominante à pénétrance variable. Il survient préférentiellement chez le jeune adulte (de 15 à 20 ans) et le sujet âgé (vers 60 ans).
Présent dans la posture, mais aussi dans l'action (écriture, manipulation d'un verre...), il affecte surtout l'extrémité distale des membres supérieurs de façon bilatérale, mais parfois avec une topographie asymétrique. Chez le sujet âgé, il peut toucher le chef (tremblement de dénégation ou d'affirmation) et la voix (timbre chevrotant), il est plus rare aux membres inférieurs.
Il est aggravé par l'émotion, le stress, l'exercice, la fatigue. Il peut s'atténuer ou disparaître transitoirement après la prise d'alcool (boissons alcoolisées fortes qui peuvent entraîner un risque de dépendance). Sa fréquence est rapide, de 6 à 12 Hz, et tend à diminuer avec l'âge alors que l'amplitude des oscillations augmente. L'évolution est variable d'un sujet à l'autre. Dans certains cas, il reste stable pendant de nombreuses années, avec même des phases de rémission, et les patients, ne consultent alors que rarement. A l'inverse, son évolution peut être aussi lentement progressive, source de handicap fonctionnel, mais aussi social lorsqu'il devient intense. L'examen neurologique est, en dehors du tremblement, strictement normal (en particulier absence de syndrome akinéto-rigide ou cérébelleux associé).
Chez le sujet âgé, dont le tremblement évolue parfois depuis plusieurs dizaines d'années, l'apparition d'une composante de repos et d'une lenteur gestuelle peuvent faire craindre un syndrome parkinsonien débutant. Dans ce cas, en cas de doute diagnostique et après avis spécialisé auprès d'un neurologue, une scintigraphie cérébrale au DatSCAN ([123I]-FP-CIT, ligand présynaptique du système dopaminergique) peut être envisagée. Cet examen est normal en cas de tremblement essentiel (figure 1A) ; une hypofixation asymétrique au niveau du striatum traduit en revanche une perte dopaminergique nigro-striée en faveur d'une maladie de Parkinson (figure 1B). Cette réduction de fixation n'est pas spécifique et s'observe dans d'autres syndromes parkinsoniens dégénératifs. Le traitement du tremblement essentiel repose, sous couvert des contre-indications, sur le propranolol, bêtabloquant non cardio-sélectif (de 40 à 240 mg/jour). La primidone, la gabapentine ou le topiramate peuvent aussi être prescrits. Certaines formes répondent au clonazépam. La stimulation continue du noyau ventral intermédiaire du thalamus est parfois proposée dans les formes sévères résistantes au traitement médical.
Autres causes de tremblement postural
Au cours de situations « physiologiques » particulières – peur, anxiété, exercice physique intense –, un tremblement peut apparaître, limité à l'extrémité des membres supérieurs avec une topographie symétrique. L'exagération du tremblement physiologique peut s'observer en cas de consommation excessive de tabac (acide nicotinique), de xanthines (café, thé, colas), après un sevrage en alcool ou en benzodiazépines, mais aussi dans l'hyperthyroïdie, l'hypoglycémie et le phéochromocytome.
Devant un tremblement postural, une origine médicamenteuse doit être recherchée systématiquement : neuroleptiques, lithium, valproate de sodium, tricycliques, sympathomimétiques, bêtastimulants (salbutamol, salmétérol, terbutaline), extraits thyroïdiens, antimitotiques (ciclosporine), amioda- rone. Un tremblement postural peut s'observer dans les neuropathies périphériques et en cas d'intoxication avec certains métaux lourds (bismuth, mercure, bromure de méthyle).
Chez le sujet jeune, un tremblement postural associé à une symptomatologie extrapyramidale, notamment une dystonie, doit faire évoquer de principe une maladie de Wilson.
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