Appréciation
L'immunité cellulaire peut être appréciée sur l'hémogramme (NFSP) par le nombre absolu de leucocytes : pour les polynucléaires neutrophiles (PNN) le taux normal est > 1 500/mm3 et, pour les lymphocytes (Ly) le taux normal est > 1 500/mm3. Pour la lignée lymphocytaire, l'immunophénotypage par cytométrie de flux permet l'analyse qualitative et quantitative des sous-types de Ly : lymphocytes T, essentiellement CD4 et CD8 mais aussi d'autres marqueurs de la lignée T (CD3, CD5 CD7), lymphocytes B (CD19 et CD20), cellules NK (CD56), utiles pour le diagnostic de certaines hémopathies lymphoïdes...
L'immunité humorale peut être estimée quantitativement par l'électrophorèse des protéines sériques couplée au dosage pondéral des immunoglobulines (IgG, A, M, D).
Déficit de l'immunité humorale
Les déficits de l'immunité humorale: les hypogammaglobulinémies
La concentration physiologique des gammaglobulines chez l'adulte est de 8 à 12 g/l.
Une hypogammaglobulinémie définie par un taux d'immunoglobulines (Ig) inférieur à 6 g/l, durable dans le temps, justifie une enquête.
La diminution des immunoglobulines peut résulter d'un déficit de synthèse primitif ou secondaire. Dans les déficits secondaires, il existe en général un contexte : iatrogène (corticothérapie ou immunosuppresseurs), inhibition globale de synthèse (lymphomes, LLC, myélome à chaînes légères) ou il s'agit d'une perte excessive (gastro-entéropathie exsudative, syndrome néphrotique).
Le principal défaut primitif partiel de synthèse des Ig est le déficit immunitaire commun variable (DICV), qui est une situation fréquente (1/50 000 personnes) se révélant chez l'homme ou la femme entre 20 et 30 ans par des infections à répétition (ORL, poumons). Il peut se compliquer de granulomatose, de lymphome (risque x 5) ou de maladies auto-immunes. Le DICV nécessitera une substitution périodique et définitive par immunoglobulines polyvalentes intraveineuses ou sous-cutanées pour obtenir un taux résiduel d'IgG de 6 g/l au minimum.
Les déficits de l'immunité cellulaire
•La neutropénie
Entre 1 500 et 1 000 PNN, il existe déjà stricto sensu une neutropénie dont les causes sont très variées : neutropénie « ethnique » (margination excessive) du sujet africain ou antillais, carence en B12 et folates, infections virales... Mais le risque infectieux inhérent à la neutropénie est nul.
En pratique quotidienne, seules les neutropénies avec un taux de PNN < 1 000/mm3 sont « inquiétantes » et nécessitent, en l'absence de fièvre, au minimum une surveillance à 48 heures, voire une enquête selon le contexte. Un taux de PNN < 500/mm3 définit, en revanche, l'agranulocytose, situation grave avec un risque infectieux (bactérien) majeur.
Certaines neutropénies sont attendues ou prévisibles (entre le 7e et le 10e jour après une chimiothérapie hématotoxique), mais peuvent aussi beaucoup plus rarement survenir au cours d'infections virales, bactériennes (brucellose, tuberculose) ou parasitaires (paludisme, toxoplasmose, leishmaniose), ainsi qu'au cours de syndromes myélodysplasiques.
La situation est différente selon la profondeur de la neutropénie, sa durée prévisible et la présence ou l'absence de fièvre. Une neutropénie fébrile est une urgence diagnostique, un des principaux problèmes est qu'un foyer infectieux est rarement identifié, mais surtout thérapeutique. Le risque infectieux est multiplié par 100, surtout bactérien dans les sept premiers jours (cocci Gram+ et bacilles Gram –), puis il est fungique au-delà (Candida et Aspergillus).
•La lymphopénie
La lymphopénie est définie par un taux de Ly circulant < 1 500/mm3 ; une démarche sera discutée si leur taux devient < 1 000/mm3.
Quels sont les mécanismes à l'origine des lymphopénies ? Une insuffisance de production peut être liée à une cause constitutionnelle toutefois rare (déficit immunitaire combiné sévère B et T). Sous les tropiques, elle sera liée à une malnutrition ou, sous nos latitudes, à une anorexie sévère, par le bais d'une carence en zinc.
Une lymphopénie plus ou moins profonde peut être observée en cas d'hypersplénisme par effet de redistribution.
Un excès de catabolisme, essentiellement des CD4, est attendu au cours de certains traitement alkylants (néoplasies) ou immunosuppresseurs (maladies auto-immunes ou granulomatoses). Certaines granulomatoses sont plus compliquées d'infections opportunistes (maladie Wegener sous immunosuppresseurs) que d'autres (sarcoïdose où la lymphopénie reflète l'activité de la maladie). Le lupus per se entraîne une lymphopénie (critère diagnostique) en dehors de tout traitement immunosuppresseur. Enfin, l'infection par le VIH est malheureusement la cause la plus connue de lymphopénie CD4.
Infection par le VIH et rapport CD4/CD8
L'infection par le VIH entraîne progressivement une profonde immunodéficience résultant de la perte et du dysfonctionnement des lymphocytes T CD4.
La cinétique des lymphocytes CD8 au cours de l'infection à VIH est bien connue : leur taux augmente au cours de la primo-infection et reste élevé jusqu'à un stade évolué, pour diminuer à la phase symptomatique préterminale. Le rôle des Ly CD8 au cours de l'infection VIH est controversé : ils sembleraient capables, au moins in vitro, de diminuer la réplication virale. A l'inverse, leur fonction cytotoxique majorerait la déplétion immunitaire par destruction des cellules infectées.
Chez l'adulte, la numération absolue des CD4 est comprise entre 0,7 et 1,1 x 109/L de sang (soit de 700 à 1 100/mm3). Ils représentent de 40 à 45 % des Ly totaux.
Chez le patient infecté par le VIH, la numération des CD4 est généralement réalisée tous les six mois chez les patients ayant une numération supérieure à 500/mm3 et tous les trois mois chez ceux ayant une numération inférieure à cette valeur. La numération des CD4 est un élément capital du suivi des patients infectés par le VIH pour évaluer l'importance du déficit immunitaire au bilan initial. Le déficit est considéré comme sévère quand la numération est inférieure à 200/mm3, valeur sous laquelle le risque de survenue des infections opportunistes est très augmenté.
Conclusions
L'immunité anti-infectieuse permet à l'organisme de lutter contre des types d'infection variés. Si les mécanismes des déficits sont parfois obscurs, leurs conséquences en clinique sont souvent bruyantes. Ainsi, le clinicien devra être attentif aux patients qui présentent des infections à répétition et c'est principalement dans cette situation qu'il devra évaluer leur profil immunitaire dans ses différentes composantes.
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