Tableau monolithique
Le patient évoque, selon la gêne occasionnée, l'obstruction nasale, l'écoulement nasal ou les éternuements en salve. L'approche rigoureuse, fondée sur quelques questions simples, permet en général, assez rapidement, de cerner pour un patient la pathologie causale.
Le bilan envisagé éventuellement vient étayer cette première estimation. Toutes les études cliniques publiées s'accordent à dire qu'une rhinite chronique est allergique dans environ 50 % des cas.
Il est donc « licite » de penser que l'atopie respiratoire n'est en cause qu'au maximum une fois sur deux, ce qui laisse la place à de nombreuses autres atteintes.
Allergiques
La distinction classique entre rhinite allergique périodique (RAP) et rhinite allergique non périodique (RAA) demeure valide.
La distinction est fondée sur la chronologie : à la durée limitée et précise dans le temps de la RAP s'oppose la persistance symptomatique et anarchique de la RAA.
La RAP est la rhinite pollinique (pollinose, rhume des foins, « hay fever » des auteurs anglo-saxons) contenue à la période de pollinisation, variable selon les régions ; à la triade symptomatique habituelle s'ajoute souvent une conjonctivite dite printanière.
Les changements climatiques auxquels nous assistons modifient sensiblement le calendrier pollinique, et donc la rhinite induite.
Les symptômes apparaissent plus tôt dans la saison et peuvent s'étendre sur une plus grande période. Le processus inflammatoire installé au niveau de la muqueuse nasale peut durer de telle sorte que la RAP traditionnelle tend à aller vers une certaine forme de RAA.
La RAA engendre les mêmes manifestations cliniques échelonnées dans l'année en fonction de l'exposition aux allergènes responsables.
L'enquête allergique, assez aisée dans la pollinose, est parfois plus difficile dans le cadre de la RAA.
La détermination du ou des agents en cause permet une prise en charge par l'allergologue par le biais, au mieux, d'une hyposensibilisation ciblée par voie perlinguale, au pire par le canal d'un traitement médical efficace pris au coup par coup en fonction de l'exposition allergénique.
Non allergiques
Cette dénomination regroupe un très grand nombre de pathologies diverses d'expression clinique très proche, associant à des degrés variables les trois éléments de la triade symptomatique.
Les rhinites vasomotrices (RVM) occupent une place majeure dans ce groupe. Ce vocable un peu fourre-tout inclut plusieurs tableaux.
RVM rhinorrhéique
La RVM rhinorrhéique, comme son nom l'indique, se manifeste essentiellement par un écoulement nasal propre, invalidant par son abondance et sa fréquence. La rhinorrhée est claire, aqueuse, violente, laissant parfois à peine le temps au patient de se munir d'un mouchoir à la différence de la rhinorrhée allergique, plus visqueuse.
Les deux fosses nasales sont concernées et l'écoulement peut entraîner, par son intensité, une dermite irritative du seuil narinaire.
Cette forme de RVM touche essentiellement les femmes.
L'interrogatoire trouve très souvent une association à de possibles manifestations d'insuffisance veino-capillaire périphérique (pathologie veineuse des membres inférieurs, syndrome de Raynaud). Les facteurs déclenchant la rhinorrhée sont multiples : variations de température de l'environnement, atmosphère enfumée ou polluée de particules en aérosols (désodorisants), vapeurs d'essence, etc.
La consommation de mouchoirs jetables est parfois impressionnante et l'estimation de la rhinorrhée pourrait être appréciée par le nombre de mouchoirs utilisé !
RVM obstructive
La RVM obstructive, aussi handicapante que la précédente, est marquée par l'installation d'une congestion quasi constante de la muqueuse nasale. La sensation de blocage est bilatérale, même si le patient décrit une impression de libération relative d'une fosse nasale, alternant d'un côté à l'autre et correspondant à ce titre aux variations physiologiques du cycle congestion-décongestion de la filière nasale. Il s'agit peut-être davantage ici d'une forme masculine.
L'obstruction ne s'accompagne pas d'éternuements répétés, la rhinorrhée est faible ou inexistante en dépit des efforts d'évacuation que le patient développe par un mouchage forcé. Il se plaint plutôt d'une sécrétion rhinopharyngée, muqueuse, dénommée jetage postérieur. Ici encore, divers facteurs viennent moduler l'obstruction.
A l'amélioration transitoire par l'exercice physique s'oppose l'accentuation du phénomène par la mise en décubitus.
Ce dernier élément est important : le patient s'applique à narrer sa misère en expliquant que la position allongée sur le dos est impossible, le nez se bouchant des deux côtés immédiatement. Il recherche une certaine position de confort en s'allongeant en décubitus latéral : la narine située vers le sol se bouche pendant que celle située au zénith se libère ; le changement de côté entraîne un changement systématique de la gêne au niveau des fosses nasales (tableau classique de la rhinite de décubitus ou rhinite à bascule). Chez ces patients volontiers pléthoriques existe souvent une pathologie cardio-vasculaire, témoignant d'une certaine incompétence des circuits vasculaires périphériques.
RVM spastique
La RVM spastique, plus rare, est faite surtout de salves d'éternuements. Le nombre est parfois élevé, largement au-delà de la dizaine. Si ces manifestations conduisent l'entourage à rire, elles constituent pour le patient une véritable épreuve tant l'énergie déployée peut être pénible.
Là encore, on peut différencier cette rhinite vasomotrice de la rhinite atopique par le nombre des éternuements, nombre beaucoup moins élevé dans le deuxième cas, même si ce distinguo a une faible valeur clinique.
A côté de ces rhinites vasomotrices, il convient d'inclure dans cette grande famille des rhinites chroniques non allergiques d'autres formes cliniques. Leur liste n'est pas exhaustive. Retenons :
– le NARES (Non Allergic Rhinitis with Eosinophilia Syndrome) : pas d'allergie mais une hyperéosinophilie isolée, retrouvée à la fois aux différents bilans sanguins effectués ainsi que sur un frottis de la muqueuse nasale, fait et interprété par un cytologiste compétent (au moins 20 % d'éosinophiles dans la population cellulaire du mucus prélevé). Cette forme clinique est encore mal comprise, mais néanmoins apporte au patient, parfois jeune, un inconfort majeur, fait d'une obstruction nasale très marquée et d'une rhinorrhée muqueuse abondante ;
– la rhinite de grossesse, rhinite vasomotrice s'il en est, sous-tendue par une hormonodépendance de la muqueuse nasale. Cette rhinite congestive s'installe dans les premiers temps de la grossesse et ne s'achève que quelques semaines après l'accouchement. L'enjeu est de pouvoir procurer à cette femme enceinte une capacité respiratoire suffisante pour vivre confortablement et aborder la période du travail avec une ventilation nasale suffisante ;
– la rhinite chronique iatrogénique est fréquente ; due à l'usage abusif de vasoconstricteurs. L'utilisation large de collyres, notamment dans le traitement des glaucomes, peut altérer la qualité de la muqueuse nasale et entraîner une rhinite congestive parfois importante.
Physiopathologie
Au-delà du catalogue un peu fastidieux de ces rhinites chroniques, la similitude symptomatique à l'origine d'erreurs diagnostiques s'explique par un substratum physiopathologique commun : troubles circulatoires touchant l'ensemble du réseau vasculaire intranasal (congestion), stimulation de l'épithélium respiratoire sur son versant cellulaire muqueux (rhinorrhée), hyperexcitabilité des récep- teurs à l'histamine (éternuements).
Interrogatoire, examen clinique soigneux complété par une endoscopie naso-sinusienne pour observer attentivement l'aspect de la muqueuse pituitaire (couleur notamment) et prise en charge pluridisciplinaire permettent une prise en charge efficace de ces rhinites chroniques.
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