REFERENCE
La problématique
Une césarienne réalisée de manière systématique pour prévenir les complications périnéales ne peut représenter une alternative car ses complications sont globalement beaucoup plus fréquentes et sévères que celles en rapport avec un accouchement par voie vaginale (hémorragies, infections, cicatrices, complications anesthésiques, phlébites, embolie pulmonaire...). Cette solution doit donc être réservée à certaines situations à risque de lésions périnéales.
Dès lors, quelles sont les autres possibilités de prévention ?
1) Le massage périnéal pendant la grossesse et au moment de l'expulsion ?
Le massage périnéal anténatal consiste à réaliser une distension du périnée postérieur mobilisant un ou deux doigts dans le vagin avec mouvement de 9 h à 15 h. Au cours de la grossesse, il existe d'importantes modifications du tissu conjonctif qui contribuent à l'augmentation de son élasticité. En revanche, les muscles du plancher musculaire (ilio-coccygiens, pubo-rectaux et muscles du périnée superficiel) ne subissent pas de transformations aussi importantes. Dans certains cas, l'accouchement peut être à l'origine de lésions musculaires.
Dans le travail de Labrecque et coll., qui comporte un massage de 10 minutes par jour à partir de 34 SA, le massage périnéal est responsable d'une réduction des déchirures du périnée (épisiotomie incluse) (OR = 0,56) chez les nullipares (10).
Concernant la prévention de la survenue d'une IUE (incontinence urinaire d'effort), Sampselle et coll. ont réalisé une étude randomisée afin d'évaluer l'efficacité des exercices périnéaux prénataux (30 contractions par jour à partir de 20 SA) sur la fréquence de l'IUE et sur l'intensité de la contractilité des muscles du plancher pelvien, à 35 SA puis 6 semaines, 6 mois et 12 mois post-partum. Une diminution significative de la fréquence de l'IUE et un renforcement de la force des muscles pelviens ont été observés jusqu'au contrôle de 6 mois post-partum (15).
La rééducation périnéale anténatale à type de relaxation périnéale et de renforcement des muscles périnéaux devrait être développée en raison de son effet protecteur sur les lésions périnéales et notamment sur l'incontinence urinaire.
2) L'épisiotomie ?
En Suède, un changement dans la pratique des épisiotomies est survenu entre 1989 et 1992 : 26 % en 1989, 6 % en 1992. Parallèlement, le pourcentage de déchirures périnéales sévères est passé de 1 % à 2,3 %, effet protecteur de l'épisiotomie ? En fait, lorsque l'on analyse le pourcentage de déchirures sévères en 1992 : avec épisiotomie 6,3 % versus 2 % sans épisiotomie (13).
Dans une large étude transversale menée sur 50 210 naissances, une augmentation de risque de déchirure périnéale sévère est mise en évidence également (OR = 2,3 ; IC 95 % = 2,1-2,5) (1).
A la suite de ces évaluations, J. Sleep et son équipe ont réalisé un travail scientifique comparant deux attitudes proposées à l'équipe de garde de sage-femmes, « éviter une déchirure ou réduire le nombre d'épisiotomie » au cours de 1 000 accouchements. Ces deux possibilités étaient tirées au sort. Dans la première catégorie, la consigne était « éviter une déchirure », 51 % d'épisiotomie ont été réalisées. Dans la deuxième catégorie, la consigne était « réduire le nombre d'épisiotomies », 10 % d'épisiotomies ont été réalisées. Toutefois, le nombre de déchirures périnéales sévères était identique dans les deux attitudes, donc aucun effet bénéfique à réaliser une épisiotomie systématiquement (17).
Dans le travail du AETCG, le pourcentage d'épisiotomie était de 83 % versus 30 %, sans modification du pourcentage de déchirure périnéale sévère (2).
Au total, un taux supérieur à 30 % d'épisiotomies ne permet pas de diminuer la survenue de déchirures périnéales sévères (2).
En revanche, l'épisiotomie réduit le risque de déchirures périnéales antérieures.
Rockner et coll. ont mis en évidence un pourcentage de 33 % sans épisiotomie versus 18 % avec épisiotomie. Dans le travail de l'AETG, les conclusions sont identiques avec un risque relatif de 2,36 (2).
En réalité, la question essentielle est : peut-on prévenir l'incontinence urinaire par la pratique d'une épisiotomie systématique en raison de l'effet préventif sur le périnée antérieur ?
Dans l'évaluation de l'IUE en post-partum réalisée par Thranov et coll. chez les primipares, la fréquence de l'IUE est de 30 % pendant au moins trois mois et 18 % pendant au moins six mois. Toutefois, il n'existe pas d'effet préventif de l'épisiotomie (20). Dans une évaluation réalisée à quatre ans par Röckner G., il n'existe pas non plus d'effet préventif de l'épisiotomie (12). L'épisiotomie a donc un effet préventif sur les lésions périnéales antérieures mais sans effet bénéfique sur la survenue d'IUE.
L'épisiotomie ne semble pas avoir un effet préventif ; peut-elle avoir un effet délétère ?
Dans une étude longitudinale d'une cohorte de 278 primipares, Viktrup et Lose ont évalué la prévalence de l'IUE cinq ans après un premier accouchement. La prévalence est de 30 % à cinq ans et l'incidence de 19 %. Les deux principaux facteurs de risque qu'ils ont identifiés sont une extraction instrumentale et l'épisiotomie (21) !
Faut-il réserver la pratique des épisiotomies à certaines situations ?
Plusieurs auteurs ont mis en évidence une augmentation du risque de déchirures périnéales sévères en cas d'épisiotomie réalisée du fait d'une extraction instrumentale, ou de variété postérieure (facteur de risque de déchirures périnéales). De plus, en cas de périnée cicatriciel ou fragile (nullipare, asiatique, périnée cicatriciel), il pourrait exister un bénéfice. Toutefois, l'appréciation en est difficile en dehors du travail (5).
Ainsi, le pourcentage raisonnable d'épisiotomies est inférieur à 30 % pour la plupart des équipes, 10 % pour certaines (4).
3) Ventouse, forceps ou accouchement naturel ?
Si l'on compare extraction par forceps et ventouse, les données sont variables mais la plupart des études rapportent un risque supérieur lié à la pratique de forceps. Dans l'analyse des dossiers de 2 832 extractions instrumentales réalisé par l'équipe de C.A. Combs et coll., le risque de déchirures du 3e ou 4e degré est multiplié par 1,9 en cas de forceps par rapport à l'utilisation de ventouse (5). Dans le travail de K.M. Bek et S. Laurberg, 152 déchirures du 3e degré sont survenues parmi 41 200 accouchements. Le risque de survenue d'une déchirure du 3e degré est augmenté en cas d'utilisation d'un forceps ( odd ratio 4,4) et de l'utilisation de ventouse suivie de l'application de forceps ( odd ratio 18,5). L'utilisation isolée d'une ventouse n'est pas associée avec un risque accru de déchirure du 3e degré (3).
Une métaanalyse des essais randomisés comparant forceps et ventouse conclut à une morbidité maternelle plus faible de l'utilisation de ventouse ( odd ratio 0,41). La pratique d'une ventouse est responsable de 6 % de moins de déchirures du 3e degré que celle d'un forceps. Une déchirure du 3e degré est évitée toutes les 18 extractions effectuées par ventouse à la place d'un forceps (6, 9).
Si l'on compare l'extraction par ventouse à l'accouchement non assisté, dans la plupart des études, il n'existe pas d'augmentation des déchirures du 3e degré, des descentes périnéales, des troubles de la défécation (16).
Au total, l'extraction instrumentale doit être limitée, sinon il sera recommandé de réaliser plutôt une extraction par ventouse.
Les références bibliographiques seront publiées avec la deuxième partie.
Physiopathologie des lésions périnéales
Le prolapsus et les lésions du périnée obstétricales peuvent être considérés comme des lésions de l'une des parois de l'enceinte abdominale, le plancher pelvien, lésions assez proches des hernies de la paroi abdominale.
Toute atteinte de l'un des éléments constituant la paroi abdomino-pelvienne peut être responsable d'un déséquilibre de la « statique pelvienne » ou plutôt de la « dynamique pelvienne ». Une hyperlordose peut être responsable d'un changement d'axe des forces liées aux viscères abdominaux à l'origine d'une augmentation de pression sur le noyau fibreux central du périnée.
Une lésion de la paroi abdominale peut être à l'origine d'une hernie ombilicale volumineuse. En cas de correction chirurgicale de celle-ci, une hyperpression abdominale peut entraîner secondairement une lésion périnéale. Il est donc nécessaire de prendre en charge globalement les lésions pariétales.
Cependant, deux éléments sont essentiels pour le maintien intrapelvien des organes génitaux : l'aponévrose pelvienne (ou fascias pelviens) et les muscles ilio-coccygiens et pubo-rectaux.
Les lésions du plancher pelvien peuvent être :
- acquises :
secondaires à des traumatismes obstétricaux. Dans ce cas, le plus souvent une réparation progressive va survenir sauf en cas d'atteintes neurogènes (lésions du nerf pudendal), en cas de lésions importantes des fascias ou en cas de rupture des fibres des sphincters ;
secondaires à des traumatismes répétés du plancher pelvien (bronchite chronique, constipation) ;
secondaires à une altération progressive des fascias (obésité, carence estrogénique, chirurgie vaginale, vieillissement) ;
- constitutionnelles : maladie familiale du tissu conjonctif (syndrome de Marfan, syndrome d'Ehlers Danlos...) ou terrain familial.
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