LE QUOTIDIEN – Dans quelles circonstances est-on conduit à proposer une parotidectomie à un patient ?
Pr MICHEL ZANARET – Dans la très grande majorité des cas, l'indication est posée sur la présence d'une tumeur parotidienne dont il est indispensable de préciser la nature bénigne ou maligne. Il s'agit donc d'une parotidectomie exploratrice. Depuis l'avènement de la sialo-endoscopie, il n'y a pratiquement plus de place pour les interventions visant à traiter une pathologie lithiasique ou une affection récidivante de la parotide.
Plusieurs types d'interventions sont envisageables selon la nature de la tumeur. Dans le cas d'une tumeur strictement bénigne, sans risque de récidive, le geste chirurgical consiste le plus souvent en une parotidectomie dite « exofaciale » ou « superficielle », qui consiste à enlever la tumeur entourée d'une marge de tissu glandulaire de sécurité. C'est notamment le type d'intervention actuellement pratiquée face à un adénome pléomorphe, qui est la plus fréquente des tumeurs de la parotide ( « le Quotidien » du 9 octobre) .
Dans le cas d'une tumeur bénigne présentant un risque de récidive ou de transformation maligne, le choix se portera, en revanche, sur une parotidectomie totale. Un cas particulier est représenté par la tumeur de Warthin, anciennement dénommée cystadénolymphome, qui siège dans la région de l'angle mandibulaire et qui relève d'une intervention appelée pôlectomie inférieure.
Dans le cas d'une tumeur maligne, il pourra être envisagé une parotidectomie sacrifiant tout ou partie du nerf facial, cela étant éventuellement suivi d'une greffe, ou encore une exérèse étendue aux structures avoisinantes : peau, muscles, structures osseuses. De plus, un évidement de la région cervicale homolatérale est le plus souvent réalisé.
Comment l'intervention se déroule-t-elle ?
La parotidectomie exploratrice, avec biopsie extemporanée et découverte première du tronc du nerf facial, demeure le principe de base de la chirurgie parotidienne. Toutefois, à l'heure actuelle, le bilan préopératoire permet le plus souvent de suspecter le caractère bénin ou malin d'une tumeur parotidienne sur un faisceau d'arguments comprenant une approche clinique, la réalisation d'une IRM et celle d'une cytoponction à l'aiguille fine.
L'IRM est très performante pour confirmer la suspicion de malignité. Cet examen tend à devenir systématique en pathologie tumorale parotidienne, car il permet également de prévoir les difficultés opératoires, en particulier lorsque la tumeur siège dans le lobe profond, en situation endofaciale.
La cytoponction permet, quant à elle, de préciser la nature histologique de la tumeur dans de très nombreux cas. Le recours à cet examen dépend de l'environnement médical et du contexte clinique ; il est notamment indiqué lorsque l'on suspecte une tumeur maligne. Ainsi, dans un pourcentage élevé de cas, l'intervention n'est pas exploratrice, mais réglée.
En dehors d'un contexte néoplasique évident ou suspecté, l'intervention est programmée sans urgence. Le patient doit être clairement informé des modalités de l'acte chirurgical, une fiche lui étant remise à l'issue de l'entretien.
L'intervention se déroule sous anesthésie générale et nécessite, en règle générale, trois jours d'hospitalisation.
Le plateau technique est sans particularité, mais le chirurgien doit disposer d'un moyen optique grossissant (lunettes) et d'un microscope opératoire dans l'éventualité où il serait conduit à pratiquer un geste de microchirurgie nerveuse. Le monitorage du nerf facial n'est pas systématique en chirurgie de première intention, mais il est nécessaire en cas de reprise pour récidive.
Le matériel nécessaire à la réalisation d'une biopsie extemporanée doit être disponible, même si une cytoponction a déjà été pratiquée en préopératoire.
L'incision est relativement large : d'abord préauriculaire, elle passe ensuite sous le lobule de l'oreille pour se prolonger dans la région cervicale. Des variantes ont été proposées pour atténuer la cicatrice, qui se rapprochent des incisions de type lifting.
Le décollement peut se faire directement en sous-cutanée, éventuellement avec réalisation d'un lambeau aponévrotique sous-dermique afin d'atténuer la dépression postopératoire et prévenir le syndrome de Frey (hypersudation au niveau de la zone opérée).
Le principe de base repose sur la mise à nu du tronc du nerf facial à son émergence au niveau de la base du crâne, suivie d'une tunnélisation, puis de la réalisation du type de parotidectomie choisi.
L'intervention n'est pas douloureuse. Le drainage est systématique et le patient sort habituellement le surlendemain de l'opération.
Quels sont les risques de l'intervention ?
Ils peuvent être classés en trois groupes. Il y a, en premier lieu, les risques inhérents à tout acte chirurgical : le taux d'infection postopératoire est de l'ordre de 1 % ; le risque hémorragique est également de 1 % et la fréquence des hématomes comprise entre 2 et 3 %. Ces complications sont le plus souvent sans conséquences.
Il convient de considérer ensuite les risques propres à la chirurgie parotidienne. Les problèmes liés à la cicatrice sont rares et circonscrits à la région sous-lobulaire.
La dépression rétro-angulomaxillaire unilatérale est rarement une doléance des patients, même après parotidectomie totale. Sa prévention ne justifie donc pas de recourir à des méthodes de comblement peropératoire par du matériel autologue ou autre. L'hypoesthésie du lobule est, en revanche, très fréquente, en rapport avec la section des branches du nerf auriculo-temporal. Il s'agit d'un effet secondaire mineur, qui régresse dans tous les cas dans des délais pouvant toutefois atteindre plusieurs mois. Exceptionnellement, la cicatrice peut être douloureuse en raison du développement d'un névrome, situé également au niveau du plexus cervical. La survenue d'une fistule ou d'une collection salivaire s'observe dans 5 % des cas, mais cela exclusivement après parotidectomie partielle. Le traitement de cette complication nécessite des ponctions et des pansements compressifs. Les formes rebelles peuvent bénéficier de l'injection de Botox.
Le syndrome de Frey est très fréquent après une parotidectomie. Il se manifeste autour du sixième mois qui suit l'intervention, par un érythème et une hyperhidrose survenant dans la région parotidienne, au cours de l'alimentation. Ce syndrome découlerait de la régénération du parasympathique au niveau des glandes sudoripares. L'incidence de cette complication varie selon l'importance de la parotidectomie ; elle est, en effet, beaucoup plus fréquente après parotidectomie totale.
De nombreuses techniques chirurgicales ont été proposées pour diminuer l'incidence de ce syndrome. Elles sont pour la plupart fondées sur l'interposition d'un implant (muscle, graisse…) entre l'aire de décollement de la parotidectomie et le plan cutané. Toutefois, aucune de ces méthodes ne s'est réellement imposée, soit par manque d'efficacité, soit parce que les inconvénients l'emportaient sur les avantages. Le syndrome de Frey reste, dans l'immense majorité des cas, un problème mineur. L'utilisation de la toxine botulique a révolutionné le traitement de ce syndrome, notamment dans ses formes invalidantes. Dans cette indication, une seule injection suffit le plus souvent à obtenir un résultat durable, voire définitif.
Enfin, troisième groupe à considérer, les risques graves concernent le nerf facial.
Plusieurs facteurs sont déterminants : le caractère bénin ou malin de la tumeur, sa taille, son siège exo- ou endofacial. Le risque est considérablement accru dans la chirurgie des récidives et en cas de tumeur maligne. Dans la pathologie habituelle, bénigne, de première intention, le risque est plus important pour les parotidectomies totales que pour les interventions exofaciales. L'incidence des parésies faciales pouvant durer un mois est évaluée à 26 % pour les parotidectomies exofaxiales contre 60 % pour les exérèses totales.
Les séquelles définitives portent le plus souvent sur le rameau mentonnier et la branche frontale. Elles sont de l'ordre de 2 % pour les parotidectomies exofaxiales et de 4 % pour les parotidectomies totales.
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