Après l'Alzheimer
Sur le plan neuropathologique, cette démence se caractérise par la présence abondante et diffuse de corps de Lewy dans le système nerveux central, tout particulièrement au sein du cortex (figure). Cette pathologie s'intègre dans le cadre des synucléinopathies, avec la maladie de Parkinson et l'atrophie multisystématisée.
La démence à corps de Lewy représente la deuxième cause de démence dégénérative après la maladie d'Alzheimer. Elle débute en moyenne dans la sixième décennie (extrêmes : de 50 à plus de 80 ans). La survie moyenne est en général de moins de dix ans. Des formes rapidement évolutives, sur une période de un à deux ans, sont parfois mentionnées justifiant de suspecter une maladie de Creutzfeldt-Jakob, surtout en cas de myoclonies.
Troubles cognitifs
Le déclin cognitif constitue un mode d'entrée fréquent dans la démence à corps de Lewy. D'aggravation progressive, il va peu à peu réduire les capacités adaptatives, interférer avec le fonctionnement social et perturber la vie quotidienne du patient, le rendant incapable de la gérer de façon autonome. La démence est généralement installée après un ou deux ans d'évolution, parfois en quelques mois. Lorsque les troubles cognitifs sont très précoces, il se révèle souvent difficile de distinguer cliniquement la démence à corps de Lewy des autres démences, notamment la maladie d'Alzheimer, et seul un examen approfondi des fonctions cognitives peut contribuer à préciser la nature de ces troubles. La baisse d'efficience cognitive globale s'accompagne :
– d'un syndrome dysexécutif d'emblée sévère. Dans la vie quotidienne, il se traduira par des difficultés d'organisation, d'adaptation au changement ou de coordination de différentes actions. Ces troubles sont nettement plus sévères que dans la maladie d'Alzheimer débutante ;
– de troubles visuoperceptifs particulièrement importants dès le début de la maladie et qui conduisent à un échec massif au dessin d'une horloge. Les troubles de la perception visuelle sont plus sévères chez les patients ayant des hallucinations visuelles que chez ceux sans hallucinations ;
– de troubles attentionnels considérés comme étant plus importants dans la démence à corps de Lewy que dans la maladie d'Alzheimer. Toutes les composantes attentionnelles sont déficitaires, contrairement à la maladie d'Alzheimer où les capacités d'attention soutenue sont longtemps préservées. Ces troubles attentionnels massifs seraient liés à l'importante déplétion cholinergique observée dans la démence à corps de Lewy. Ils se caractérisent aussi par leur aspect fluctuant ;
– de troubles de la mémoire qui, en début de maladie, ne sont pas au premier plan, mais apparaîtront systématiquement avec l'évolution. Contrairement à la maladie d'Alzheimer où il existe des troubles de l'acquisition et de la consolidation d'informations nouvelles en mémoire épisodique, il s'agit ici surtout de troubles de la récupération des souvenirs.
Troubles du comportement
La précocité des troubles du comportement d'emblée sévères permettra d'évoquer le diagnostic de démence à corps de Lewy.
•Les hallucinations visuelles récurrentes et détaillées constituent un symptôme évocateur de la maladie, surtout quand leur apparition est précoce et qu'elles ont un caractère persistant. Les thèmes typiques sont la vision de personnes, d'enfants ou d'animaux qui s'introduisent dans la maison du patient. Elles peuvent générer des comportements tels que préparer le repas, mettre la table, etc. Les réactions émotionnelles qu'elles suscitent sont variables, allant de la peur à l'amusement ou à l'indifférence. Favorisée par une réduction de la luminosité ambiante, les hallucinations visuelles surviennent souvent dans un contexte de vigilance altérée et accompagnent les épisodes confusionnels assez fréquents. La physiopathologie des hallucinations visuelles reste débattue. Des études postmortem ont montré que leur sévérité était proportionnelle à la déplétion cholinergique du cortex temporal. La perturbation de l'équilibre dopamine-sérotonine est également évoquée sans exclure une implication rétinienne. Moins fréquentes, les hallucinations auditives et cénesthésiques sont également signalées.
• Les troubles du comportement en sommeil paradoxal reflètent un dysfonctionnement des mécanismes de contrôle de cette phase de sommeil. Ils se caractérisent par une perte de l'atonie musculaire qui accompagne physiologiquement ce stade, entraînant dans certains cas l'émergence d'une activité motrice qui semble mimer le rêve. Les patients vocalisent, parfois crient ou émettent des propos injurieux. Les mouvements varient entre de simples secousses musculaires et des comportements complexes, tels que donner des coups de poings, courir ou sauter du lit. Les rêves sont la plupart du temps vécus comme des cauchemars au cours desquels le patient se sent attaqué ou poursuivi par des animaux ou des personnes menaçantes. Ces troubles du comportement peuvent précéder le début de la démence.
• Autres troubles du comportement
L'aggravation des hallucinations visuelles va favoriser l'apparition d'idées délirantes systématisées et relativement complexes associées à des épisodes anxieux, et un syndrome dépressif survient. Certaines démences à corps de Lewy débutent comme une mélancolie du sujet âgé.
Fluctuations du comportement et de la conscience
Les fluctuations cognitives sont un symptôme fréquent. Définies par la survenue de brèves interruptions de la conscience, de périodes de réduction de la vigilance pendant lesquelles la confusion est accrue. Il est parfois difficile de les identifier. Les proches signalent très fréquemment des « lacunes » dans le flux de la conscience ou de l'attention, correspondant à des moments où le patient est déconnecté de la réalité et qui alternent avec des périodes de normalité. La notion d'épisodes d'errance du regard pendant lesquels le patient semble ailleurs est souvent mentionnée alors que dans la maladie d'Alzheimer les proches décrivent des épisodes de confusion caractérisés par des répétitions dans le discours ou des oublis à mesure. Les fluctuations rapportées dans la maladie d'Alzheimer sont toujours en rapport avec une tâche ou une situation particulière dans laquelle le patient s'engage, puis oublie, alors que, dans la démence à corps de Lewy, elles correspondent à la survenue fortuite d'épisodes où le patient ne répond plus aux sollicitations. L'entourage parle de modifications d'un moment à l'autre alors que, dans la maladie d'Alzheimer, il évoque des bons et des mauvais jours.
Le syndrome parkinsonien
Un syndrome parkinsonien est mentionné dans les trois quarts des cas. Il est parfois discret comparable à celui observé dans une maladie de Parkinson, mais la fréquence du tremblement est plus faible. La présentation du syndrome parkinsonien est souvent akinéto-rigide, parfois symétrique, avec une expression plus franche chez les sujets jeunes. Les troubles de la marche sont précoces et sévères, avec rapidement une instabilité posturale. Ce syndrome est parfois dopasensible.
Sensibilité aux neuroleptiques
Elle constitue un symptôme suggestif du diagnostic survenant même avec des doses faibles et l'utilisation de neuroleptiques atypiques, une augmentation de doses constituant également un facteur précipitant. Elle se traduit dans les formes sévères par une aggravation du syndrome parkinsonien, des chutes, une confusion et une majoration des troubles cognitifs, voire par un tableau évoquant un syndrome malin des neuroleptiques. Ces traitements doivent donc être à tout prix évités chez ces patients.
Pour en savoir plus :
La maladie à corps de Lewy. Dans « Neuropsychologie de la maladie de Parkinson et des syndromes apparentés », 2e édition. K. Dujardin, L. Defebvre, Editions Masson, « Neuropsychologie », 2007.
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