Atrophie villositaire
Elle est caractérisée, dans sa forme classique, par une atrophie villositaire sévère prédominant au niveau de l’intestin grêle, au moins proximal, régressive après exclusion alimentaire du gluten de blé et des prolamines équivalentes des autres céréales incriminées (le seigle, l’orge et l’avoine).
Deux notions récentes modifient cette définition :
– l’avoine est actuellement remise en cause ;
– des lésions intestinales modérées, dites préatrophiques, à type d’hyperlymphocytose intra-épithéliale, et qualifiées d’entéropathies « légères », peuvent entrer dans la définition, à condition d’être régressives sous régime sans gluten (RSG).
Considérée encore récemment comme rare et affectant essentiellement l’enfant, la prévalence de la MC a été réévaluée notamment chez l’adulte. C’est une maladie auto-immune, sous-diagnostiquée et sous-traitée.
Epidémiologie
Plus de 150 000 Français et plus de 2 millions d’Européens seraient affectés par la MC en majorité à l’âge adulte. Des pics de fréquence sont identifiés entre 6 et 24 mois chez l’enfant et entre la quatrième et la cinquième décennie chez l’adulte. Le sex-ratio est de 2/1 pour la femme. Enfin, le risque de développer la maladie est multiplié par dix en cas d’antécédents familiaux. L’ethnie blanche est plus souvent touchée que les autres.
Physiopathologie et mécanisme immunologique
La MC est une affection inflammatoire auto-immune caractérisée par une atrophie villositaire partielle ou totale de l’intestin grêle proximal survenant après ingestion de gluten chez des sujets génétiquement prédisposés. Elle est conçue comme une hypersensibilité digestive avec une réponse immunitaire inappropriée de la muqueuse.
Quatre-vingt-quinze pour cent des patients expriment une molécule du système HLA de classe II de type DQ2.
Les céréales toxiques pour ces patients sont le blé, le seigle et l’orge.
Les gliadines, fractions solubles du gluten, et certaines fractions de celles-ci comme l’alphagliadine sont les substances toxiques.
La gliadine est modifiée par une transglutaminase tissulaire, puis présentée par des cellules à des lymphocytes T du chorion de type CD4 à l’origine d’une réaction inflammatoire produisant des cytokines (TNF alpha, interféron gamma...), des anticorps (antigliadine, antitransglutaminase tissulaire, anti-endomysium...) et une infiltration du grêle par des lymphocytes intraépithéliaux de type CD8.
Symptômes
La symptomatologie est souvent mineure ou atypique.
La forme classique est rare et ne représente que la partie émergée de l’iceberg (moins de 20 % des cas).
Les signes cardinaux sont digestifs et généraux : diarrhée (avec stéatorrhée), douleurs abdominales, amaigrissement (avec dénutrition), asthénie.
Les anomalies biologiques sont des signes indirects de malabsorption de l’intestin grêle :
– anémie, carence en fer, en folates, voire en vitamine B12, en vitamine K ;
– hypocalcémie, hypomagnésémie, source de crampes ou de tétanie, hypoprotidémie, hypoalbuminémie.
Les formes paucisymptomatiques ou atypiques sont les plus fréquentes chez l’adulte. Elles représentent la partie immergée de l’iceberg :
– hématologiques : anémie ferriprive, voire hyposidérémie isolée ;
– rhumatologiques : déminéralisation, arthralgies, fractures ;
– neurologiques : neuropathie périphérique (carentielle), épilepsie (et calcifications cérébrales), ataxie (déficit en vitamine E ?), migraine ;
– digestives : simulant une colopathie fonctionnelle, aphtose buccale ;
– hépatiques : augmentation inexpliquée des transaminases, hépatopathie sévère (rare) ;
– gynécologiques : infertilité, aménorrhée, hypotrophie foetale, fausses couches.
Il convient de rechercher ces formes atypiques chez certains sujets à risque : apparentés, au premier degré (10 %), à des patients atteints de MC, diabétiques de type I (de 5 à 10 %), trisomie 21, sujets atteints d’une (ou de plusieurs) maladies auto-immunes (dermatite herpétiforme, thyroïdite).
De nombreuses autresassociations morbidessont possibles:
– hématologiques : déficit en IgA, anémie hémolytique, purpura thrombopénique ;
– néphrologiques : néphropathie à IgA ;
– hépatiques et digestives : cirrhose biliaire primitive, maladie de Crohn et rectocolite hémorragique... ;
– lupus, Sjögren, myasthénie, polymyosite, polyarthrite rhumatoïde... ;
– atopie, asthme, maladie du poumon fermier ou des éleveurs d’oiseaux...
Diagnostic
Le diagnostic repose sur deux ordres de critères : sérologiques, histologiques.
L’efficacité du RSG n’est plus un critère obligatoire à l’heure des tests sérologiques.
Les marqueurs sériques sont indiqués en cas de suspicion de MC et fort utiles dans les formes atypiques ou paucisymptomatiques et pour le suivi du régime sans gluten :
– IgA anti-endomysium : sensibilité > 90 %, spécificité > 95 % ;
– IgA antigliadine : sensibilité 90 %, spécificité 85 % ;
– IgG antigliadine : sensibilité 75 %, spécificité 90 % ; ce test n’a d’intérêt qu’en cas de déficit en IgA (2 ou 3 % des cas) ;
– IgA antitransglutaminase : sensibilité > 90 %, spécificité > 99 % (technique Elisa).
Si la sensibilité de ces marqueurs apparaît importante, il convient cependant d’adresser les prélèvements à un laboratoire de référence (risque de « faux négatifs » pour les anti-endomysiums).
Un déficit sélectif en IgA (2 ou 3 % des cas) peut aboutir à un « faux négatif » si l’on ne recherche pas des anticorps de type IgG.
Une sérologie positive ne dispense ni de la réalisation d’une biopsie duodénale (fibroscopie) ni de l’instauration d’un RSG en raison de la possibilité de faux positifs.
Les critères histologiques (biopsies duodénales sous fibroscopie) sont :
– une atrophie villositaire (généralement totale ou subtotale) ;
– une augmentation des lymphocytes épithéliaux ;
– une hyperplasie des cryptes.
Traitement et évolution
Le traitement repose uniquement sur le RSG, à vie, excluant tout aliment à base de blé, de seigle ou d’orge et tout médicament contenant du gluten. Ce régime contraignant impose le recours à des produits spéciaux et rarement à une supplémentation en fer, en folate, en calcium, en vitamine D...
Alors que l’amélioration clinique est souvent rapide sous RSG (de quelques jours à quelques semaines), il faut compter de six à vingt-quatre mois avant d’observer une repousse villositaire.
Le RSG a l’avantage de faire régresser les symptômes, mais aussi de prévenir d’éventuelles complications telles que :
– une déminéralisation osseuse (50 % des cas) ;
– une maladie auto-immune (diabète ou thyroïdite) ;
– un lymphome invasif rare, mais six fois plus fréquent en cas de MC.
La sprue réfractaire est une entéropathie avec atrophie villositaire caractérisée par l’absence d’amélioration clinique et histologique malgré un RSG strict.
Le terme d’entéropathie sensible au gluten ou de syndrome de sensibilité peut s’associer à un continuum d’anomalies histologiques allant d’une muqueuse quasi normale avec discrète hyperlymphocytose intra-épithéliale jusqu’à une atrophie villositaire totale.
Le traitement de l’intolérance au gluten repose sur le régime sans gluten, strict et à vie, aussi bien dans les formes classiques que dans les formes asymptomatiques, histologiquement patentes.
Références bibliographiques:
Bouhnik Y, Vahedi K, Schneider S, Morin MC, Matuchansky C. Maladie coeliaque de l’adulte. In: JF Colombel, JL Dupas, eds. Progrès en hépatogastroentérologie : pathologie du grêle. Paris : Doin,1978, 73-106.
Cellier C. Maladie coeliaque de l’adulte. Une maladie protéiforme en pleine mutation. « Concours médical », 2003 ; 125 : 907-914.
Pour en savoir plus :
Germc « Groupe d’étude et de recherche sur la maladie coeliaque » (www.maladiecoeliaque.com).
fdiag « Association française des intolérents au gluten » ( www.afdiag.org).
Principales manifestations cliniques de la maladie coeliaque
1) Symptômes typiques
(fréquence en pourcentage)
Diarrhée chronique (53-80 %) ; asthénie (61-79 %) ; amaigrissement (41-70 %) ; distension abdominale (18-70 %) ; douleurs abdominales (26-50 %) ; constipation (3-33 %) ; nausées/vomissements (18-32 %) ; oedèmes (5-32 %) ; retard de croissance (6-19 %).
2) Manifestations atypiques
•Indépendantes de la malabsorption
Hypoplasie de l’émail dentaire ; ataxie ; hypertransaminasémie inexpliquée ; aphtose buccale récidivante ; myasthénie ; psoriasis ; polyneuropathie.
•Secondaires à la malabsorption
Petite taille ; ostéopénie, douleurs osseuses ; fausses couches récidivantes ; stéatose hépatique ; douleurs abdominales récidivantes ; flatulence ; anémie ferriprive ; crampes, tétanie ; alopécie.
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