1) Définition
Il s'agit :
1.1) classiquement d'un poids de selles > 250 g/j, de fréquence et de consistance anormales ;
1.2) en pratique (définition de l'OMS) d'au moins 3 selles molles à liquides par jour depuis moins de deux semaines.
2) Mécanismes de la diarrhée
Deux mécanismes (parfois intriqués) peuvent être en cause dans ces diarrhées, qui sont le plus souvent d'origine infectieuse.
2.1) Mécanisme invasif (ou inflammatoire) avec destruction de la muqueuse, apparition d'ulcérations et cliniquement présence d'un syndrome dysentérique (selles glairo-sanglantes, douleurs, ténesme, épreintes), souvent associé à de la fièvre.
2.2) Mécanisme sécrétoire en rapport avec la production d'entérotoxines microbiennes qui entraînent une diarrhée hydroélectrolytique, sans fièvre ni douleurs, mais pouvant s'associer à des vomissements et source de déshydratation.
2.3) Une diarrhée aiguë abondante peut entraîner une menace vitale, en particulier chez les personnes âgées ou fragilisées par une pathologie sous-jacente.
2.4) Il convient donc de rechercher des signes de déshydratation (pli cutané, tachycardie, hypotension artérielle).
2.5) La réhydratation se fera per os (déshydratation modérée, vomissements absents ou peu fréquents) ou par voie I.V. et comprendra eau, glucose (qui favorise l'absorption des électrolytes), sodium et potassium.
3) Causes infectieuses
Les causes les plus fréquentes des diarrhées aiguës sont infectieuses.
3.1) La source d'une diarrhée infectieuse est le plus souvent extrinsèque : par « les mains sales » (manuportage) ou par l'alimentation (coquillages, produits laitiers non pasteurisés, oeufs, viandes...).
3.2) La cause peut être aussi intrinsèque, à la suite d'un déséquilibre de la flore colique (prise d'antibiotiques...).
3.3) On peut aussi retenir d'autres facteurs favorisants :
3.3.1) facteurs « environnementaux » : séjours en zone tropicale, baignades, vie en institution ;
3.3.2) facteurs « individuels » :
– déficit immunitaire (infection par le VIH, traitement immunosuppresseur, néoplasie, diabète...),
– déficit de la « barrière acide gastrique » (gastrectomie, antisécrétoires).
3.4) Les principales causes microbiennes sont indiquées dans l'encadré. Certaines étiologies, particulièrement importantes par leur fréquence ou leur gravité potentielle, sont détaillées ci-dessous.
4) Toxi-infections alimentaires collectives
4.1) Elles se définissent par l'apparition de 2 cas groupés, dont on peut rapporter la cause à une même origine alimentaire.
4.2) Elles doivent faire l'objet d'une déclaration obligatoire.
4.3) Les salmonelles mineures (non typhiques) sont souvent en cause, en particulier en été. Elles sont souvent transmises par des oeufs de poule ou du lait de bovins infectés.
4.4) Les autres causes possibles sont :
4.4.1) le staphylocoque doré qui entraîne une diarrhée liquide après une très brève incubation ;
4.4.2) d'autres germes sont plus rarement en cause : Clostridium perfringens, Campylobacter, Bacillus cereus.
4.4.3) Mais il peut aussi s'agir parfois de parasites comme Trichinella.
5) E. coli 0157/H7
Les diarrhées dues à l'E.coli 0157/H7 sont potentiellement graves.
5.1) L'E. coli 0157/H7 est un colibacille entéro-hémorragique qui produit des vérotoxines (toxines shiga-like) susceptibles d'entraîner diarrhée, syndrome hémolytique et urémique, purpura thrombotique et thrombopénique.
5.2) La plupart des cas sont secondaires à l'ingestion de viande de boeuf insuffisamment cuite (hamburger...).
5.3) Après une incubation de 3 à 8 jours, survient une diarrhée sanglante avec douleurs abdominales. Les complications possibles (éventuellement favorisées par l'usage d'antibiotiques ou de ralentisseurs du transit [contre-indiqués en cas de diarrhée hémorragique]) sont, dans un contexte fébrile :
– anémie hémolytique ;
– insuffisance rénale aiguë ;
– thrombopénie et purpura ;
– signes neurologiques.
6) Diarrhées d'origine médicamenteuse.
6.1) Les mécanismes possibles sont variés.
6.2) La diarrhée due à Clostridium difficile (CD) mérite un développement particulier.
6.2.1) Elle survient généralement au cours d'une antibiothérapie, ou dans les 2 semaines suivantes.
6.2.2) Il s'agit d'une infection potentiellement grave, notamment chez les personnes âgées ou débilitées.
6.2.3) Il faut demander une coproculture orientée, avec une recherche des toxines (A et B) du CD.
Les stratégies diagnostique et thérapeutique devant une probable diarrhée aiguë infectieuse seront envisagées dans un prochain article.
Réponse
L'assertion 6.2.1) est inexacte. En effet, une diarrhée due à Clostridium difficile et à ses toxines, peut certes apparaître pendant une antibiothérapie, mais aussi au décours des deux mois suivants (et pas seulement au décours des 2 semaines suivantes).
Références
1) O. Bouchaud. Diarrhées aiguës infectieuses Rev Prat 2008 ; 58 : 1179-1186.
2) L. Beaugerie, Y. Yazdanpanah. Diarrhées aiguës et syndromes dysentériques. Traité de gastro-entérologie. J.C. Rambaud, Ed. Médecine Sciences Flammarion Paris 2000 ; 121-36.
Principales causes de diarrhée infectieuse de l'adulte
Bactériennes sécrétoires
– Staphylocoque doré : toxine dans les aliments (crèmes, glaces, pâtisseries). Début brutal 1 à 6 heures après l'ingestion.
– E.coli entéro-toxinogène : toxi-infection alimentaire (viande mal cuite). Cause fréquente de turista (diarrhée du voyageur).
– Causes rares : Clostridium perfringens, Bacillus cereus, Vibrio cholerae.
Bactériennes invasives
– Salmonelles mineures : oeufs, viandes, poissons, fruits de mer.
– Fièvre typhoïde : voyage, 3e septenaire.
– Shigelle : rare en France, voyage.
– Yersinia enterocolitica : rare en France, voyage.
– Campylobacter : saprophyte de nombreux animaux, contact direct ou aliments contaminés.
– E.coli entéro-invasif : voir le texte.
Postantibiothérapie
– Clostridium difficile : voir le texte.
– Klebsiella oxytoca : rare, plutôt après bêtalactamines.
Diarrhée hémorragique, colite droite.
– Raréfaction de la flore : diarrhée métabolique (fermentation insuffisante).
Virales
– Rotavirus, virus Norwalk, entéro- et adénovirus : diarrhée sécrétoire. Pas de diagnostic de routine fiable.
– Cytomégalovirus : surtout chez l'immunodéprimé.
Les diarrhées mycosiques sont exceptionnelles (immunodéprimés). La présence de candida dans les selles n'a aucune valeur diagnostique.
D'après O. Bouchaud
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