Par le Dr Claude Vaislic
CE N'EST QUE dans un deuxième temps et très récemment, avec un recul n'excédant pas 9 mois, que les patients diabétiques ont été observés. Les premiers résultats sont intéressants, puisqu'un patient diabétique traité à l'aide d'un stent imprégné a moins de chances de présenter un événement clinique indésirable à neuf mois qu'un patient non diabétique traité par stent nu (1). Mais le gain clinique, par rapport au traitement par un stent non imprégné, n'est que de 5 et non de 30 % à 6 mois, comme cela avait était initialement annoncé. Une analyse multivariée parue dans le même numéro de Circulation (2) permet d'individualiser quatre facteurs majorant le taux de resténose : le petit calibre des artères, le nombre des coronaires sténosées, la longueur lésionnelle et la faiblesse de l'indice de masse corporelle. Ce qui correspond précisément à la description des lésions traitées habituellement chez les patients diabétiques. Pour répondre à ces limites, des résultats supplémentaires encourageants concernant certains groupes de cette sous-population ont été présentés au congrès EuroPCR en mai 2004. Il devient ainsi possible de traiter des vaisseaux de plus petit calibre (2,25 à 2,75 mm) atteints de lésions plus longues (étude Svelte) et des occlusions chroniques (étude Sicto). Mais tous ces résultats, y compris ceux concernant la sous-population diabétique des études de plus grande ampleur Taxus et Cypher (400 et 2 716 patients), ne sont obtenus qu'à six mois, avec des protocoles constamment modifiés. Le Laboratoire Boston, initiateur de l'étude de Taxus (stents imprégnés au paclitaxel), vient de rappeler 80 000 stents (!!!) pour des problèmes survenus dans le système de pose.
Au terme de tous ces résultats, il apparaît donc urgent d'attendre avant de porter des conclusions définitives dans ce qui n'est à l'heure actuelle qu'une succession de protocoles de recherche qui n'en sont qu'à leurs balbutiements.
Parallèlement, la revascularisation chirurgicale à fait des progrès significatifs qui ont été moins médiatisés. L'utilisation systématique des deux artères mammaires internes s'est généralisée grâce à la technique de prélèvement appelée squelettisation (3). Elle permet de préserver la vascularisation sternale détruite par l'ancienne technique de prélèvement de l'artère mammaire interne appellée pédiculisation. Les problèmes pariétaux observés jusque-là qui contre-indiquaient l'utilisation des deux artères mammaires internes chez le diabétique ont maintenant disparus, même chez les patients à fort indice de masse corporelle.
La généralisation des circuits de circulation extracorporelle à faible volume, pompe centrifuge sans aspiration et en circuit fermé, appelés mini-CEC, a réduit l'agression homéostasique chez ces patients fragiles (4). La normothermie systémique et la protection myocardique par cardioplégie chaude séquentielle antérograde intermittente renforce le respect de la physiologie de ces malades. Enfin, la revascularisation à cœur battant est un outil intéressant en cas de calcifications circonférentielles de l'aorte thoracique ascendante ou de fraction d'éjection altérée.
La fiabilité des résultats de la revascularisation chirurgicale est bien connue avec un recul de plus de 25 ans. C'est en fait l'intervention la plus étudiée dans le monde, avec près de 600 000 patients inclus dans les différentes bases de données internationales.
En fait, la prise en charge de la coronaropathie diabétique est difficile en raison des particularités lésionnelles et du caractère évolutif de cette pathologie, qui constituent des freins récurrents à sa prise en charge par angioplastie percutanée exclusive.
- Les lésions coronaires diabétiques sont diffuses et multiples, ne laissant pas de zone artérielle saine, contrairement à l'athérome focal et segmentaire provoqué par un autre facteur de risque comme le tabac ou l'hypertension artérielle.
- L'évolutivité lésionnelle due à l'évolutivité de la maladie diabétique rend compte du taux inacceptable de resténoses observé dans les séries historiques par angioplastie simple par ballonnet ou par endoprothèse non imprégnée. Cette réapparition des sténoses se retrouve dans tous les types de diabète et particulièrement associée au syndrome métabolique.
A ces problèmes médicaux, se surajoute un élément économique en raison du surcoût des stents imprégnés. Leur autorisation de mise sur le marché, publiée au journal officiel, limite le nombre de stents implantables à un par malade et par artère. Le traitement d'une sténose par stent imprégné n'est donc pas possible chez le diabétique. Il est vraisemblable que cette réglementation évolue pour devenir plus réaliste ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
Au total la chirurgie et les techniques d'angioplasties ont, toutes les deux, évolué. Il est nécessaire de comparer leurs résultats en tenant compte de ces récents développements. Une étude comparative randomisée, dont les résultats sont attendus en 2006, est actuellement en cours de recrutement : il s'agit de l'étude Freedom qui concerne 2 300 patients diabétiques.
En fait, le caractère évolutif de la coronaropathie diabétique rend la chirurgie et l'angioplastie complémentaires et non concurrentes. On peut ainsi résumer les recommandations actuelles : chirurgie par revascularisation mammaire exclusive en cas de lésions tritronculaires ou d'atteinte du tronc commun (indication de classe IA) ; angioplastie première par stents imprégnés en cas de lésions uni- ou bitronculaires ; angioplastie des sténoses de l'IVA proximale, sauf en cas de syndrome métabolique où la chirurgie sera préférée.
1) Moussa I, Leon MB, Baim DS, et coll. Impact of sirolimus-eluting stents on outcome in diabetic patients: A Sirius (SIRolImUS-coated bx velocity balloon-expandable stent in the treatment of patients with de novo coronary artery lesions). « Substudy circulation » 2004 109, 2273-2278
2 )West N, Ruygrok, PN , Disco CN , et coll. Clinical and angiographic predictors of restenosis after stent deployment in diabetic patients. « Circulation » 2004 10 867-873
3) Bical O.,Braunberger E., Fischer M. et coll. Bilateral skeletonized mammary artery grafting: experience with 560 consecutive patients. « European Journal of Cardio-Thoracic surgery » 1996, Vol 10, 971-975,
4 ) Vaislic C., Bical O., Farge C. et coll. Totally minimized extracorporeal circulation : an important benefit for coronary artery bypass grafting in jehovah's witnesses. The heart surgical forum 2003 6 (5) 307-310
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