L 'EVEQUE de Bayeux, Mgr Pierre Pican a été condamné à trois mois de prison avec sursis. La justice lui reproche d'avoir couvert les agissements d'un prêtre pédophile qui s'était confessé à lui et avait récidivé.
La défense de l'évêque s'appuyait uniquement sur le secret de la confession, dont les médecins, liés par leur propre secret professionnel, peuvent comprendre toute la signification. L'argumentation de Mgr Pican ne saurait, par conséquent, être balayée du revers de la main : elle pose un problème auquel sont confrontés tous les jours des milliers d'ecclésiastiques et de professionnels. Souvent, dans nos colonnes, est évoquée la question du signalement, par les praticiens, des mauvais traitements infligés à des enfants. Le cas de l'évêque de Bayeux n'est pas très différent : il lui fallait trahir son sacerdoce pour dénoncer le prêtre coupable ; mais s'il ne le faisait pas, il prolongeait la souffrance des enfants. Il a choisi de respecter l'enseignement de l'Eglise et, en quelque sorte, de ne pas reconnaître la justice des hommes. Ce qu'un médecin ne peut pas faire ; et c'est sur ce point que les cas diffèrent, la position du corps médical étant ainsi plus confortable que celle des religieux.
L'ascendant du maître
Mais il n'y a rien dans le dilemme qui ne s'adresse d'abord à la conscience individuelle, indépendamment des institutions et des lois. La pédophilie en milieux religieux ou scolaire est d'autant plus répréhensible, et même intolérable, que la mission des éducateurs consiste d'abord et avant tout à protéger l'enfant. Quand ils détournent cette mission pour assouvir leurs pulsions, ils sont plus coupables que le pédophile qui n'a aucune autorité sur l'enfant. Le crime est donc multiplié par la vulnérabilité d'un enfant qui reconnaît au maître son ascendant. On peut supposer sans courir le risque de se tromper que Mgr Pican a, depuis longtemps, beaucoup réfléchi à tout cela.
De même que l'Ordre des médecins ne peut pas dicter à chaque praticien son comportement de tous les instants et qu'il doit lui accorder la possibilité d'exercer sa morale en fonction des circonstances, sans se référer nécessairement à l'éthique telle qu'elle est codifiée, de même un ecclésiastique doit faire la part entre le respect de l'institution et le danger que la même institution, déviée de ses objectifs par l'un de ses membres, fait courir à ses disciples.
Conscience et institution
Ce n'est pas la première fois, ni la dernière, qu'un religieux est accablé par le poids du secret de la confession. Le sujet a même donné lieu à des œuvres excellentes. Les croyants ne se trompent pas s'ils pensent que le message divin ne saurait être interprété dans un sens qui accablerait la victime et condamnerait l'innocence. Les non-croyants se contentent de puiser dans leur conscience la conduite à suivre impérativement, même si elle porte préjudice à l'institution et même si elle les dresse contre eux. Dans ces conditions, Mgr Pican devait-il dénoncer celui qui s'était livré à lui dans le secret de la confession ? On ne sait pas ce qui a déterminé son propre silence, de l'attachement à une valeur qu'il a cru supérieure à l'intérêt des enfants ou de son respect des préceptes de sa foi. Dans le deuxième cas, sa culpabilité serait plus grande : si c'est l'usage de répondre à la confession par l'absolution, l'usage, dans ce cas, doit être remis en question. Et peut-être y avait-il un moyen terme, par exemple écarter définitivement le prêtre pédophile de tout rôle pédagogique, sans révéler le crime qui aurait entraîné ce verdict. Ce qui est certain, c'est que Mgr Pican n'aurait jamais dû prendre le risque d'une récidive, quoi qu'il lui en coûtât.
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