27-29 juin 2006 - Paris
PARLER DE cancer du sein chez la femme âgée suppose avant tout de définir l’âge concerné. Dans la littérature, une femme est considérée comme âgée au-delà de 70 ans, certaines études incluant même des femmes de plus de 65 ans. Comme l’a expliqué M. Espié, beaucoup de femmes âgées vivent seules, sont dépendantes et/ou ont des revenus modestes. Le médecin, ne doit pas « infantiliser les personnes âgées » et tenir soigneusement compte du fait que certaines d’entre elles évaluent le désir de soin du médecin à leur égard.
Toute masse palpable est suspecte.
Chez une femme âgée, toute masse palpable dans le sein est suspecte d’être d’origine cancéreuse. L’importance épidémiologique apparaît à la lecture des projections de courbes de population prévues pour 2030. En effet, à cette date, 20 % de la population des Etats-Unis aura plus de 65 ans et 8,8 millions de personnes auront plus de 85 ans. Actuellement, en Europe, 350 000 nouveaux cas de cancer du sein sont diagnostiqués chaque année et ils occasionnent 130 000 décès. Dans le monde, l’incidence annuelle est de 1 million de cas, et 373 000 personnes en décèdent chaque année. Or l’incidence du cancer du sein augmente avec l’âge. En effet, cette pathologie affecte 1 femme sur 125 avant l’âge de 40 ans, 1 sur 24 entre 40 et 59 ans et 1 sur 14 entre 60 et 79 ans. Ainsi, 50 % des cancers du sein surviennent chez des femmes de plus de 65 ans et 25 % après 75 ans. Seulement 3 % des femmes incluses dans les essais cliniques sont âgées. Cette affection tumorale fréquente peut ainsi pratiquement être considérée comme une maladie orpheline chez la femme âgée.
Une étude récente.
Les caractéristiques de ces tumeurs ont été précisées dans une étude récente (1) qui a porté sur 1 755 femmes de plus de 70 ans ayant une tumeur unilatérale non métastatique, incluses entre 1981 et 1995. Elles avaient un âge médian de 75 ans, avec des extrêmes de 70 et 94 ans. Toutefois, 86 % des femmes de l’étude avaient moins de 81 ans. Dans cette population, 24 % des tumeurs ont été classées T3 (tumeur de plus de 5 cm dans son plus grand diamètre) ou T4 (tumeurs de toutes tailles, avec extension directe à la paroi thoracique ou à la peau), toutes les autres, soit 76 %, étant T1 ou T2 (moins de 2 centimètres ou de 2 à 5 centimètres). De même, 18 % des tumeurs ont été classées N1b/N2 (ganglion axillaire homolatéral mobile présumé atteint ou ganglion axillaire homolatéral fixé), 82 % étant N0/N1a (pas de ganglion, ou ganglion axillaire homolatéral mobile présumé non atteint). Un grade histopronostique 3 a été constaté chez 12 % seulement des malades contre 25 % de grade 1 et 54 % de grade 2. Concernant les récepteurs hormonaux, 19 % seulement des tumeurs étaient de mauvais pronostic car ne surexprimant pas des récepteurs aux estrogènes et à la progestérone. Le pourcentage de cellules en phase S, considéré comme une bonne mesure de la prolifération tumorale, était inférieur à 5 % chez 79 % des patientes. Une mastectomie a été réalisée chez 60 % des femmes et un traitement conservateur a été réalisé chez 40 %. Aucun traitement adjuvant n’a été prescrit chez 71 % des sujets de l’étude, une hormonothérapie adjuvante ayant été réalisée chez 26 %. Sur une période de suivi de huit ans, la survie médiane a été de 121 mois. A dix ans, la survie sans récidive était de 64 %, la survie sans métastase de 70 %, la fréquence des récidives locales de 10 % et la mortalité liée au cancer de 49 %. Après analyse monofactorielle, les facteurs pronostiques de survie globale et de survie sans rechute ont été la classification TNM, l’existence de récepteurs hormonaux et le grade histopronostique. En revanche, la survie a été comparable statistiquement, que la chirurgie ait été conservatrice ou qu’il se soit agit d’une mastectomie.
Moins de mastectomies.
Ces constatations sont en accord avec les données de la littérature (2). Celles-ci soulignent que les tumeurs du sein de la femme âgée sont volontiers plus grosses, possèdent des récepteurs hormonaux et surexpriment plus rarement le récepteur transmembranaire HER2, de mauvais pronostic. Elles confirment également la rareté des mastectomies, des curages ganglionnaires, de la radiothérapie et de la chimiothérapie, alors que les traitements hormonaux sont prescrits aussi fréquemment que chez les femmes plus jeunes. Globalement, les tumeurs de moins de 2 cm sans adénopathie n’ont pas de conséquence sur la survie, alors que la survie observée en cas de tumeur plus grosse avec adénopathies est constamment inférieure à la survie attendue, quel que soit l’âge. La mortalité par cancer du sein est toutefois de 29 % après 85 ans contre 73 % chez les quinquagénaires. Cela s’explique essentiellement par la présence de comorbidités (3) : autre cancer, maladie cardio-vasculaire ou cérébrovasculaire, diabète ou démence.
D’après les communications des Drs Frédérique Rousseau (Marseille) et Marc Espié (Paris).
(1) Pierga JY et coll. Institut Curie Breast Cancer Study Group. Characteristics and Outcome of 1755 Operable Breast Cancers in Women over 70 Years of Age. « Breast » 2004 ; 13 (5) : 369-375.
(2) Diab SG et coll. Tumor Characteristics and Clinical Outcome of Elderly Women with Breast Cancer. « J Natl Cancer Inst » 2000 ; 92 (7) : 550-556.
(3) Louwman WJ et coll. Less Extensive Treatment and Inferior Prognosis for Breast Cancer Patient with Comorbidity : a Population-Based Study. « Eur J Cancer » 2005 ; 41 (5) : 779-785.
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